Réexamen des chiffres du Rapport Stern

Par Simon Cox et Richard Vadon. BBC Radio 4, The Investigation

L'enquête

Quand le rapport Stern sur les impacts économiques du changement climatique était publié, il a été acclamé.
Le Premier Ministre britannique Tony Blair l'a qualifié de "plus important rapport sur le futur jamais publié par ce gouvernement". Mais à présent, les experts qui critiquent le rapport affirment que celui-ci surestime les risques d'un réchauffement planétaire sévère et sous-estime les coûts des actions pour l'arrêter.

Modifier l'économie du carbone
est coûteuse, disent les experts

Le message de l'auteur principal du rapport, l’économiste Sir Nicholas Stern était simple : si nous ne faisons rien au sujet du changement climatique, cela nous coûterait l'équivalent d'au moins 5% du PIB global chaque année, maintenant et pour toujours. Mais si nous agissons aujourd'hui, nous pourrions éviter une catastrophe.
Ce point était souligné lors de la publication du rapport par M. Blair qui avertissait que nous pourrions constater les conséquences désastreuses du changement climatique – pas dans un quelconque futur de science fiction, mais pendant notre génération.

Ces chiffres semblent effrayants et imminents. Mais si vous regardez le rapport en détail, ce n'est pas ce qui y est dit.
Les 5% de dommage sur le PNB global ne vont pas se produire avant au moins 100 ans, d'après les prédictions du rapport Stern. Et le rapport ne prévoit certainement pas des conséquences désastreuses pendant notre durée de vie.

La sélection des informations
Le rapport semble susciter l'adoration chez les politiciens et ceux qui rédigent les grands titres des journaux mais parmi les climatologues et les économistes environnementaux qui ont lu le rapport de 670 pages, beaucoup disent qu'il y a de sérieuses failles.
Ces critiques ne sont pas des sceptiques du changement climatiques mais des chercheurs avec des années d'expérience qui croient que le changement climatique d'origine humaine est réel et que nous avoir besoin d'agir maintenant.

Les 5% de dommage sur le PNB
global ne vont pas se produire
avant au moins 100 ans, d’après
les prédictions du rapport Stern.

Richard Tol est professeur à la fois aux Universités de Hambourg et de Carnegie Mellon et est l'un des premiers économistes environnementalistes mondiaux. Le rapport Stern cite ses travaux 63 fois ; mais cela ne veut pas dire qu'il est d'accord avec le rapport.
"Si un de mes étudiants m'avait remis ce rapport en tant que thèse de Maîtrise, peut-être si j'étais dans de bonnes dispositions, je lui aurais donné un 'D" pour négligence ; mais plus probablement, je lui aurais donné un 'E' pour échec", dit Prof. Richard Tol.

"Il y a toute une gamme d'erreurs économiques basiques que quelqu'un qui prétend être un Professeur d'Economie ne va simplement pas faire", dit-il à "The Investigation" de la BBC Radio 4.
Au coeur du Rapport Stern se trouve la comparaison économique entre les dégâts causés par le changement climatique et les coûts pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

"Si l'un de mes étudiants m'avait remis
ce rapport en tant que thèse de Maîtrise,
peut-être si j'étais dans de bonnes dispositions,
je lui aurais donné un 'D" pour négligence ;
mais plus probablement, je lui aurais donné
un 'E' pour échec". Prof. Richard Tol.

Professeur Tol pense que les chiffres pour les dégâts ont été exagérés. "Stern prend systématiquement les choix les plus pessimistes parmi ceux qu'on puisse faire. Il sur-estime en faisant un tri sélectif des données, il compte double, particulièrement les risques et il sous-estime l'influence du développement et l'adaptation sur les dégâts", dit-il.

Problème de crédibilité
De nombreux économistes sont également sceptiques au sujet des chiffres utilisés par Stern pour estimer les coûts de réduction des gaz à effet de serre.
Le rapport suggère que cela ne va coûter que 1% du PIB mais d'après l'économiste Robert Mendelson de l'Université de Yale, cela est de loin trop optimiste et les chiffres pourraient être bien plus grands.
"Une des choses déprimantes au sujet des gaz à effet de serre est que le coût pour l'éliminer est très élevé. Nous aurons en fait à nous sacrifier de manière conséquente pour réduire les émissions de manière drastique", dit-il.


"La conclusion générale est que les coûts
de l'action sont bien moindres que les
dégâts qu'ils permettent d'épargner,
je pense que c'est tout à fait robuste"
Sir Nicholas Stern (AP)

La semaine prochaine, le GIEC (Groupe Intergouvernemental d'Etude du Climat) va publier son quatrième rapport. Il est destiné à être un document de référence sur l'état de la science du réchauffement planétaire. Ceux qui s'attendent à voir répéter les chiffres effrayants du rapport Stern seront déçus.
Les prédictions du rapport du GIEC vont être significativement plus basses. Par exemple, le rapport Stern aboutit à un chiffre pour l'augmentation de la température d'ici 2050 de 2-3°C, tandis que le GIEC dit que ce ne serait probablement pas le cas d'ici la fin du siècle.

Professeur Mike Hume, directeur du Centre Tyndall pour le Recherche sur le Changement Climatique, croit que quand le rapport du GIEC va sortir la semaine prochaine, il y aura une grosse différence entre la science qu'il contient et le débat sur le climat en Grande-Bretagne.

"Le GIEC ne va pas parler du 'point de non-retour' ; il ne va pas parler d'une élévation de 5 m du niveau de la mer ; il ne va pas parler du prochain âge glaciaire à cause de l'effondrement du Gulf Stream ; et il n'y aura rien des affirmations économiques du rapport Stern", dit-il.

"C'est presque comme s'il y avait un problème de crédibilité qui émerge entre ce que pense le public britannique et ce que pense la communauté scientifique internationale".


La glace au Groeland (BBC)
Les scientifiques vont publier un
rapport majeur la semaine prochaine

Construire le débat
Quand nous soumettons ce commentaire à Sir Nicholas Stern, il répond : "le GIEC est une bonne démarche mais il dépend vraiment d'un consensus et cela veut dire qu'ils doivent être bien prudents sur ce qu'ils disent. Nous sommes capables d'examiner les preuves et de les utiliser d'une manière très particulière, d'examiner les risques économiques".

Le monde chaotique de la vérité climatique
Sir Nicholas est conscient du nombre croissant de critiques académiques de son rapport mais campe sur ses conclusions. "C'est très important que le rapport soit discuté ; un certain nombre de personnes a soulevé des points intéressants et nous allons discuter de tous ces points". "Il n'y a pas de certitudes ; mais la conclusion générale est que les coûts de l'action sont bien moindres que les dégâts qu'ils permettent d'épargner ; je pense que c'est tout à fait robuste".

Aucun des critiques de Stern ne recommande de ne rien faire au sujet du changement climatique. Ce qu'ils réfutent est ce qui vaut la peine d'être sacrifié maintenant pour prévenir les pires scénarios dans cent ans.

Le rapport Stern a été examiné dans la série documentaire The Investigation de la Radio 4 de la BBC, diffusée le mardi 25 janvier 2007 à 20h. Programme audio disponible ici.
Source
1.  Pierre | 5/09/2007 @ 14:43 Répondre à ce commentaire

Juste une petite citation, comme ça, extraite de Libé de ce jour, au sujet du Grenelle de l’Environnement, auquel était convié N. Stern :

Courtoisie
Dans la série «je me la pète» : Nicolas Stern, le président du groupe 1, le plus médiatique de tous (énergie et lutte contre les changements climatiques). Le matin, il s’est contenté d’une courte visite de courtoisie en égrenant les objectifs de réductions d’émissions de CO2. Et l’après-midi, il a plaqué son monde lors de la plénière du groupe. Cet économiste de haut vol serait inaccessible depuis son rapport détonnant, début 2007, sur les coûts du réchauffement. Et il refuse de rencontrer le moindre journaliste.

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