La Science contre Gore sur la fonte de la glace polaire et le changement de niveau des océans

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"Si le Groenland fondait, ou si la moitié du Groenland et la moitié de l'Antarctique fondait, le niveau des mers du globe augmenterait de 5 à 6 mètres", Al Gore, dans son livre An Inconvenient Truth, p. 196.

Réchauffement climatique
Fonte de glace arctique

Après avoir fait cette déclaration spectaculaire – qui est en fait correcte grâce aux deux importants "si" qu'elle contient – Gore cite complaisamment Sir David King de la GB qui disait "les cartes du globe devront être redessinées", comme si la survenue de ce scénario hypothétique était quelque chose à laquelle nous devrions nous attendre très prochainement. Et pour rendre visuellement sa démonstration encore plus poignante, Gore poursuit en illustrant ce qui se passerait en Floride, à la baie de San Francisco, les Pays-Bas, Beijing, Shangai, Calcutta, Bangladesh et Manhattan, en suggérant que nous devrions commencer à nous préparer maintenant pour ce qui est implicitement montré comme une menace sérieuse au même titre que les menaces majeures de notre temps. Les perspectives données par la science sur ce qui se passe réellement est cependant quelque chose de bien, bien différent.

Dans le numéro du 17 Mars 2007 de la revue Science, qui met en lumière l'état actuel de la science des régions polaires dans le cadre de l'Année Polaire Internationale, Shepherd et Wingham (2007) font une revue de ce qu'on connaît au sujet de la contribution à la hausse des mers par la perte de glace du Groenland et de l'Antarctique en se concentrant sur les estimations faites à partir des résultats de 14 satellites sur le bilan des plates-formes glaciaires depuis 1998. Ces études se classent en 3 types principaux : l'analyse standard de budget massique, mesure altimétrique du changement de volume des plates-formes glaciaires et mesures des changements dans l'attraction gravitationnelle des plates-formes glaciaires. Elles ont donné des résultats divers, allant d'une hausse équivalente du niveau des mers de 1.0 mm/an à une baisse de 0,15 mm/an.De ces 3 approches, les résultats de la dernière technique, d'après Sheppherd et Wingham, "sont plus négatifs que ceux donnés par le budget massique et l'altimétrie." Pourquoi ? Parce que d'après eux, la technique gravimétrique est "nouvelle et 1) un consensus sur les erreurs de mesure n'existe pas encore, 2) la correction pour le rebond postglaciaire est incertaine, 3) la contamination due aux changements de masse de l'océan et de l'atmosphère est possible et 4) les résultats dépendent des méthodes de synthèse des données." De plus, ils disent que 5) des données de l'expérience Grace (Gravimetry Recovery and Climate Experiment) ne remontent qu'à 3 ans et que 6) elles sont par conséquent particulièrement sensibles aux fluctuations à court terme du comportement des glaciers et ne sont ainsi pas représentatives de ce qui pourrait se passer dans des échelles de temps plus longues.

Même en incluant ces résultats vraisemblablement surévaluées, les 2 chercheurs concluent que la "meilleure estimation" actuelle de la contribution de la fonte de glace continentale est une hausse de 0,35 mm/an, soit 3,5 cm par siècle, à comparer avec les 6 mètres décrits par Gore.

Selon les "meilleures estimations"
actuelles, la fonte de la glace
continentale serait responsable d'une
hausse des mers de 3,5 cm par siècle

Cependant, même cette hausse tout à fait inodine pourrait être trop large car bien que 2 des plus grosses plates-formes glaciaires du Groenland aient doublé leur rythme de perte en moins d'un an en 2004, ce qui a amené les alarmistes du climat à déclarer que la Glace du Groenland a réagi bien plus rapidement au réchauffement climatique que quiconque a prévu, l'étude de Howat et al. 2007, publié dans le même numéro de Science que Sheppherd et Wingham, rapporte que ce rythme "a diminué en 2006 aux niveaux précédents." Et ces observations, selon eux, "suggèrent que ce cas particulier devrait être pris en compte dans la manière d'évaluer les bilans de masse, spécialement quand on extrapole dans le futur car les pics à court terme pourraient produire des tendances à long-terme erronées."

Vu ces nombreuses observations, il nous semble raisonnable de conclure que l'ancien vice-président américain a supposé beaucoup plus de choses que ce qui serait scientifiquement justifié au sujet du comportement futur de la glace du Groenland et de l'Antarctique et de leurs impacts sur l'élévation du niveau des mers. En fait, il a sous-entendu largement plus que ce qui serait justifié.

Références
Gore, A. 2006. An Inconvenient Truth: The Planetary Emergency of Global Warming and What We Can Do About It. Rodale, Emmaus, PA, USA.

Howat, I.M., Joughin, I. and Scambos, T.A. 2007. Rapid changes in ice discharge from Greenland outlet glaciers. Science 315: 1559-1561.

Shepherd, A. and Wingham, D. 2007. Recent sea-level contributions of the Antarctic and Greenland Ice Sheets. Science 315: 1529-1532.

Source

1.  Frédéric, admin skyfall | 18/04/2007 @ 19:54 Répondre à ce commentaire

#1,
Le billet compare les ordres de grandeur entre ce qu’annonce Al Gore et ce que trouve les dernières mesures pour la contribution de la fonte de glace continentale au niveau de la mer (qui a tenu compte de « l’accélération » de la dernière décennie). Quant à la hausse du niveau des océans même, c’est hors-sujet. Mais je suis sûr que vous auriez trouvé tout cela vous même en lisant attentivement le billet.

P.S. Les nombreux graphiques et longs C/C hors sujet ou sans argument véritable seront considérés comme du trollage et impitoyablement vaporisés 😉 . Veuillez penser à ceux qui n’ont pas le haut débit. Merci de votre compréhension.

2.  Astre Noir | 19/11/2008 @ 18:48 Répondre à ce commentaire

Nouveau et intéressant….(ouarf, ouarfff!!!)

Alors que le niveau des océans a plutôt tendance à stagner, voire à baisser depuis 2004, voici une nouvelle toute fraîche :

La fonte des glaces principale responsable de la hausse du niveau marin depuis 2003

C’ets de l’inénarrable Sylvestre Foucart, à moins que ce ne soit Stéphane Huet, les deux duettistes comiques de Libé et le Monde

http://sciences.blogs.liberati.....es-gl.html

3.  jeff hersson | 19/11/2008 @ 20:24 Répondre à ce commentaire

Astre Noir (#2), ah oui, je viens de la voir, celle-là, mes voisins se sont demandé d’où me venait ce rire nerveux incontrôlable qui me saisissa subitement…:mrgreen:

4.  Araucan | 19/11/2008 @ 21:59 Répondre à ce commentaire

jeff hersson (#3),

Voici l’histoire en détail …

jennifermarohasy.com/blog/2008/11/correcting-ocean-cooling-nasa-changes-data-to-fit-the-models/

5.  Araucan | 19/11/2008 @ 22:25 Répondre à ce commentaire

Un petit graphique

qui vient de là :

co2sceptics.com/news.php?id=2083

6.  Sirius | 19/11/2008 @ 22:49 Répondre à ce commentaire

Selon les « meilleures estimations » actuelles, la fonte de la glace
continentale serait responsable d’une hausse des mers de 3,5 cm par siècle.

Cette estimation est compatible avec les relevés récents des satellites TOPEX/POSEIDON et JASON (période 1992-à ce jour) chargés de mesurer les fluctuations des niveaux des océans : on constate une augmentation moyenne de 3,2 ± 0,4 mm/an.

Mais si 3,5 cm/100ans n’est que la contribution de la fonte des glaces continentales, c’est que l’augmentation du niveau niveau global des océans ne viendrait que de cette fonte? Chercher l’erreur…

Par ailleurs, le « niveau » des océans est un concept abstrait, puisque la Terre n’est pas une sphère parfaite ; elle est en fait pleine de bosses. Étant donné un niveau de référence, par exemple celui de la surface de la mer des Antilles, certains plans océaniques en sont au-dessus et d’autres au-dessous, à cause des différences des champs gravitationnels locaux… Cela vient juste compliquer la réalité physique que l’on cherche à connaître.

7.  laurent | 19/11/2008 @ 23:08 Répondre à ce commentaire

Sirius (#6),

Par ailleurs, le “niveau” des océans est un concept abstrait, puisque la Terre n’est pas une sphère parfaite ; elle est en fait pleine de bosses. Étant donné un niveau de référence, par exemple celui de la surface de la mer des Antilles, certains plans océaniques en sont au-dessus et d’autres au-dessous, à cause des différences des champs gravitationnels locaux… Cela vient juste compliquer la réalité physique que l’on cherche à connaître.

Euh, non, ce n’est pas vraiment un problème… globalement le niveau des océans suit une équipotentielle (hormis les gonflements dus aux courants marins, les marées, etc…). La mesure du niveau moyen par les marégraphes permet de déterminer cette équipotentielle de référence et de suivre sa variation… c’est cela qu’on appelle « surface des mers ».

De la même façon, les altitudes terrestres (cartes, etc…) sont des altitudes géoïdiques, et non pas ellipsoïdiques, et se rapporte donc à cette équipotentielle matérialisée par le niveau moyen des océans.
C’est ce qu’on a de tout temps mesuré (une mesure par cheminement niveau bulle suit une équipotentielle, et pas un arc)

Ce n’est que depuis qu’on utilise des GPS pour mesurer des coordonnées (mais c’est rarement utilisé en carto pour établir des altitudes, même aujourd’hui), qu’il faut transformer les coordonées éllipsoïde en coordonées géoïde; pour ce faire il existe différents Geoïdes plus ou moins précis.

8.  Sirius | 19/11/2008 @ 23:50 Répondre à ce commentaire

@7 laurent
Euh… Pouvez-vous traduire?
A+

9.  laurent | 20/11/2008 @ 1:36 Répondre à ce commentaire

Sirius (#8),

Oui je veux bien… mais quelle partie en particulier?

En espérant que le vocabulaire est suffisant:
– Equipotentielle: surface de potentiel (gravité) constante
– Ellipsoïde: Surface correspondant à une ellipse de révolution constituant un modèle simple de la surface terrestre (hors reliefs), servant aux calculs de coordonées (par exemple WGS84).
– Geoïde: Surface correspondant (le plus fidèlement possible) à une équipotentielle, constituant un autre modèle de surface terrestre (hors reliefs), servant aux calculs de coordonées. Un Geoïde de calcul est toujours donné par différence à un Ellipsoïde (par exemple G96-01 est un Geoïde associé à WGS84). Un Geoïde est calculé à partir de nombreux types de mesures, geodésiques, gravimétriques, etc…

Quand on mesure une altitude terrestre (sans GPS), on le fait par rapport à une origine qui est un niveau de marégraphe (altitude 0), puis par un cheminement ou des différences d’altitude sont mesurées 2 à 2 au moyens d’un niveau à bulle.
« l’horizontalité » du niveau est donc déterminé par la bulle, donc par la gravité terrestre, ce qui fait qu’au cours du cheminement, on incrémente des altitudes par rapport à une surface de gravité constante (équipotentielle), passant par le point 0 (niveau du marégraphe)

Quand au niveau des océans et mers… hormis les phénomènes de marées et de gonflements de courants marins dus à des densités différentes entre le courant et le reste… il est aussi déterminé par la gravité: il suit une équipotentielle.

C’est plus clair?

10.  Sirius | 20/11/2008 @ 2:17 Répondre à ce commentaire

@9_laurent

Merci. Je vais étudier le tout. (Les définitions.) Et après je vous répondrai.

A+

11.  miniTAX | 20/11/2008 @ 10:18 Répondre à ce commentaire

La mesure du niveau moyen par les marégraphes permet de déterminer cette équipotentielle de référence et de suivre sa variation… c’est cela qu’on appelle “surface des mers”.

laurent (#7),
Oui mais les marégraphes bougent à cause des mouvements de la croûte: subsidience, rebond isostatique, dérive tectonique… Une « référence » qui bouge, ça craint quand même non ?

Morner a par exemple dénoncé le fait que les marégraphes de Hong-Kong, dans une baie qui s’enfonce (à cause de l’urbanisation), soient utilisés pour « corriger » les données de Topex/Jason, tu dois sûrement connaître le détail de l’histoire.

12.  laurent | 20/11/2008 @ 22:07 Répondre à ce commentaire

miniTAX (#11),

C’est exact, même si Hong-Kong est une station atypique.
Mais les stations sont aussi rattachées à des réseaux géodésiques, eux-mêmes reliés entre eux au travers du réseau ITRF (qui est un réseau dynamique mesuré en continu par géodésie spatiale, et qui intègre les mouvements tectoniques).
L’utilisation des mesures de marégraphes ne devrait donc pas se faire de façon « brute », mais après compensation globale en utilisant les variations ITRF…. à ma connaissance, ce n’est pas ce qui est fait pour « calibrer » les mesures Topex/Jason.
A la place, les altitudes marégraphes sont corrigées dynamiquement des variations tectoniques à l’aide de mesures de GPS permanents…. je ne suis pas sur que cela soit aussi fiable… mais je ne suis pas un spécialiste en géodésie.

13.  miniTAX | 21/11/2008 @ 0:33 Répondre à ce commentaire

laurent (#12),
Oui donc, la « référence » pour le niveau des mers n’est connue avec une précision décente que depuis environ 10 ans puisque le GPS n’est disponible que depuis 1995 (en supposant que le réseau marégraphique de référence en soit équipé, et avec une précision verticale de l’ordre du 1/10 de mm !).

14.  laurent | 21/11/2008 @ 1:29 Répondre à ce commentaire

miniTAX (#13),

Un GPS permanent permet d’assurer au mieux un précision en Z millimétrique (avec toutes les corrections qui vont bien… qu’on sait faire correctement depuis moins de 10 ans), et pas sub-millimétrique.. et je te confirme que les marégraphes du réseau de référence ne sont pas tous rattachés à une station GPS permanente.

De toute façon, Topex a été lancé en 1992… avant il n’y avait pas de missions altimétriques globales (hormis des missions peu longues et moins précises, comme SeaSat, qui a duré moins de 4 mois)

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