C’est encore la faute de «l’anticyclone des Açores» !

Par Marcel Leroux, Professeur Emérite de Climatologie

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Il fait mauvais, et particulièrement froid pour un mois de juillet. Le 10, dans Libération, Météo-France laisse entendre que « Le soleil, ce n’est pas pour demain ». Mais le 13, dans le Figaro, on prévoit que « la seconde quinzaine de juillet devrait voir le retour des normales saisonnières »

En réalité Météo-France ignore « ce qui va se passer », comme le précisent ses prévisions saisonnières : « En France métropolitaine, aucun scénario n’est privilégié pour les températures, ni pour les précipitations »(site Météo-France). En dépit des « énormes » et très coûteux supercalculateurs (dont le dernier a été inauguré le 31 mai 2007), les supputations sur le temps relèvent encore des incantations magiques, ou des « prédictions » de Mme Soleil. Pour quelle raison ?

La raison la plus évidente est « officiellement » proclamée partout dans les médias : « c’est la faute de l’anticyclone des Açores » ! Ce fantasque individu « n’occupe pas sa position normale » ! Jean-Marie. Carrière, ingénieur à Météo-France, ajoute même : « en se gonflant de chaleur, cet anticyclone se charge en pression et repousse normalement les dépressions humides… » (Reuters,9 juillet). Phrase d’anthologie ! Inutile de préciser, bien sûr, que de l’air qui se réchauffe, voit plutôt sa pression diminuer (et non augmenter !), et que de l’air chaud est physiquement incapable de« repousser » quoi que ce soit ! Comme si ce n’était pas suffisant, Jean-Marie Carrière ajoute encore : « rien ne permet de prédire scientifiquement, d’ici huit à dix jours, le déplacement normal de cet anticyclone » ! Le mystère s’épaissit !

Peu importe d’ailleurs, puisque cet anticyclone n’existe pas ! Cela fait longtemps que je dénonce cette confusion entre les échelles de temps et de phénomènes, héritage de l’école « climatologique » de la fin du 19ème siècle. Des moyennes de pression établies sur 30 ans, ont remarqué que la pression moyenne est généralement plus élevée sur la partie orientale de l’Atlantique Nord, bien au sud de l’archipel des Açores. Mais il s’agit d’une situation moyenne, c’est-à-dire virtuelle, qui n’existe pas à l’échelle synoptique, c’est-à-dire celle du temps réel, au jour le jour. Faire référence à l’ « anticyclone des Açores » et à sa complice en pression moyenne la « dépression d’Islande », ou « dépression atlantique », qui « ne rencontrant pas de barrière anticyclonique circule sans entrave » (P. Gallois, Météo-France, Le Figaro, 13 juillet), c’est encore pratiquer l’« animisme météorologique » ! On déplore « le départ de l’anticyclone, retiré sur ses Açores natales », on annonce « le retour de l’anticyclone », mais personne, ni prévisionniste, ni présentateur, ne peut le montrer sur une carte de pression synoptique ou sur une image de satellite. Simplement, parce qu’à l’échelle du temps présent (le temps qu’il fait), ce fameux anticyclone n’existe pas. Si par chance on peut désigner « un » anticyclone, il ne faut pas oublier de préciser qu’il ne s’agit que d’un arrêt sur image, et que quelques heures, avant et plus tard, cet anticyclone n’occupait pas et n’occupera pas la même position. Car, à l’échelle du temps, tout est mobile, anticyclones comme dépressions.

Le temps est en effet animé, comme le montrent clairement les clichés de satellite, par des anticyclones mobiles d’origine polaire, parvenant de l’Arctique sur l’Europe occidentale, soit par le Canada et les Etats-Unis puis l’Atlantique, soit plus directement à l’est du Groenland par la Mer de Norvège. Ce sont les AMP, ou Anticyclones Mobiles Polaires qui véhiculent de l’air froid en direction des Tropiques. Les premiers ont une fréquence moyenne de départ de 1 AMP toutes les 56 heures (2 jours et 5 heures), les seconds de 1 AMP toutes les 140 heures (soit presque 6 jours). Ces fréquences moyennes, par conséquent très variables, ont été établies sur la période 1950-2000 par A. Pommier (2005). Chaque AMP, froid et dense, soulève devant lui l’air plus chaud (plus léger), et il est donc entouré de dépressions, dans lesquelles se situent les fronts, les nuages et le « mauvais temps ». Les anticyclones mobiles, de vaste dimension (plus de 2.000 km en moyenne), mais de faible épaisseur (1.500 mètres), perdent de leur vitesse en cours de déplacement. Ils finissent donc par s’emboîter les uns dans les autres aux limites de la zone tempérée (plus au sud en hiver, mais plus au nord en été, dans l’hémisphère nord). Ils forment alors une Agglutination Anticyclonique(AA), au fur et à mesure que les couloirs dépressionnaires intermédiaires se rétrécissent jusqu’à disparaître, tandis que la pression s’élève. La fusion des anticyclones est favorisée par la présence de hauts reliefs qui canalisent, freinent ou bloquent leur translation. Tel est le cas de l’alignement Cantabriques-Pyrénées et des Alpes, qui compriment les AMP et élèvent la pression sur le Sud de la France, l’ensellement Languedoc/vallée du Rhône laissant toutefois s’écouler l’air froid vers le sud (tramontane et mistral). Dans le même temps, les perturbations défilent sur la partie septentrionale de la France, sous l’influence de ces mêmes anticyclones qui ne sont pas encore ralentis. Tel est aussi le cas sur l’ensemble de l’Europe du Nord au temps maussade et pluvieux, tandis que le bassin méditerranéen, anticyclonique, stable, est ensoleillé, chaud et non pluvieux. On se souvient des inondations en Grande-Bretagne, alors que dans le même temps sévissaient la canicule et la sécheresse en Italie et en Grèce. Car, on l’oublie trop souvent, la hausse de pression et la stabilité de l’air dans l’AA favorisent la rapide élévation diurne de la température (et non l’inverse), et ainsi il est normal que sous l’action des mêmes acteurs (les AMP), il fasse mauvais dans le Nord, puis beau dans le Sud. Rien de mystérieux ici ! A condition toutefois d’observer la réalité, notamment révélée par le satellite, sans vouloir lui faire dire autre chose que ce qu’il montre, pour « coller » artificiellement à des concepts anciens, dépassés, et scientifiquement infondés.

Ces contrastes ne sont pas « des caprices du climat » (Le Figaro,13 juillet), mais sont au contraire logiques, car la machine climatique est parfaitement organisée. A force d’épiloguer sur un hypothétique « changement climatique », on oublie d’observer l’évolution réelle des paramètres climatiques. Parmi eux, la pression atmosphérique de surface est un paramètre particulièrement révélateur de la dynamique du temps. Or, depuis les années 1970, la pression atmosphérique augmente régulièrement et fortement sur la plus grande partie de l’Europe (à l’exception de sa partie nord) et sur le bassin méditerranéen et au-delà (comme sur bien d’autres régions du monde qui offrent les mêmes conditions dynamiques : cf.M. Leroux, 2005). Une telle hausse (de plusieurs hPa à l’échelle des moyennes annuelles, ce qui est considérable) n’a évidemment rien à voir avec le prétendu « réchauffement climatique » (et en est même antinomique puisqu’une hausse de température fait baisser la pression). Elle résulte, sur la trajectoire des AMP et dans les AA, d’une intensification des échanges méridiens d’air et d’énergie et notamment d’une fréquence accrue des AMP. Cette intensification ne peut résulter que d’un refroidissement des régions sources des AMP, en Arctique et Antarctique. Contrairement aux affabulations du GIEC, les régions polaires, comme l’attestent les données d’observation, connaissent en effet à la fois des régions de réchauffement et des régions de refroidissement. Dans l’Arctique, au nord du Canada jusqu’au Groenland d’où partent les AMP, la température baisse (cf. ACIA, 2004), tandis qu’elle s’élève dans la Mer de Norvège où parviennent les dépressions et l’air cyclonique chaud venu du sud. Les AMP, plus froids et plus nombreux, provoquent ainsi des perturbations plus violentes, mais aussi des agglutinations anticycloniques plus fréquentes et de plus longue durée, en hiver comme en été. Les périodes de canicule sont toujours associées à une forte hausse de la pression, dont on ne parle pas alors que c’est le facteur essentiel de la chaleur et de la sécheresse. Ainsi, la canicule grecque récente, comme la canicule d’août 2003, obéissent au même facteur : l’agglutination d’AMP de forte puissance, se produisant à des latitudes variables, et entoutes saisons. Mais aucun « centre d’action » (anticyclone ou dépression) n’est « installé » à demeure, plus ou moins proche de sa position dite normale, car tout est mobile, et tout est constamment remis en question en fonction de la densité de l’air en mouvement. Ainsi, la Roumanie a d’abord connu la canicule en même temps que la Grèce (sous la même AA), puis un AMP plus puissant a bouleversé le champ de pression et provoqué à l’inverse des inondations. Il n’y a pas non plus lieu de s’étonner que l’hémisphère sud, actuellement en hiver, connaisse d’intenses vagues de froid, notamment en Amérique du Sud et en Afrique du Sud, sachant que la même évolution affecte l’ensemble de la planète. La circulation générale est en effet entrée dans un mode rapide depuis les années 1970 (M. Leroux,2005), mode de circulation qui est exactement l’inverse de l’évolution dite « de l’effet de serre » prédite par le GIEC.

Faut-il préciser que Météo-France, en sus de l’héritage de l’école climatologique de la fin du 19ème, est aussi héritière de l’école « norvégienne » (1922) toujours appliquée dans le tracé des cartes de surface, école qui ne considère que les dépressions (en ignorant les anticyclones mobiles), et de l’école « cinématique » (1939) qui accorde la préférence aux phénomènes d’altitude. On comprend alors que les AMP, anticyclones se déplaçant dans les basses couches, soient délibérément ignorés, alors qu’ils représentent le moteur du temps et de la circulation générale. En fait de circulation précisément, la référence (comme le réaffirme H. Le Treut en 2007) est encore le schéma tri-cellulaire (dit de Ferrel) qui date de 1856, et qui en dépit de plusieurs amendements ne reflète toujours pas les mécanismes réels de la circulation. En outre les principes sur lesquels ont été élaborés les modèles numériques ont été énoncés par V. Bjerknes en 1904, et les insuffisances de ces principes ne pourront jamais être compensés par la débauche de mathématiques et de technologie, sachant que les modèles ne sont pas bâtis sur un schéma réaliste de la circulation générale. Rappelons encore que le grand sujet du moment, l’effet de serre dit anthropique, proposé par Arrhenius, remonte quant à lui à 1896. La météorologie est ainsi dans une profonde impasse conceptuelle, qui (comme le souligne C. Allègre, 2007) préfère « le mythe de l’informatique toute-puissante » et la théorie, à l’observation directe des phénomènes. Même l’évolution de la pression de surface, paramètre pourtant hautement significatif de l’évolution climatique, est délibérément ignorée, parce que la hausse de pression est antinomique des scénarios du GIEC ! On comprend ainsi aisément pourquoi les faits d’observation, notamment révélés par le satellite depuis les années 1960, comme les AMP, sont passés « inaperçus », et ne sont toujours pas intégrés dans les concepts et dans les interprétations. Il n’y a donc pas lieu des’étonner que les prévisions qui ignorent les vrais facteurs du temps relèvent encore des « prognostications magiques ». C’est bien connu… c’est encore la faute à « l’anticyclone des Açores » !

Référence :

  • ACIA (2004). Arctic Climate Impact Assessment (amap.no/acia/index.html).
  • C. Allègre (2007). Ma vérité sur la planète. Plon-Fayard, 239 p.
  • M. Leroux (2005). Global warming : myth or reality ? The erring ways of climatology. Praxis-Springer, 509 p.
  • Le Treut H. (2007). Certitudes et incertitudes des modèles. Le Bilan Climatique, Pour la Science, dossier n° 54, janv-mars 2007, 10-15.
  • A. Pommier (2005). Analyse objective de la dynamique aérologique de basses couches dans l’espace
  • Atlantique Nord : mécanismes et évolution de 1950 à 2000. Thèse, Univ., LCRE, Lyon. cf. www.lcre.univ-lyon3.fr/climato/.

Source Agriculture & Environnement

51.  miniTAX | 20/09/2007 @ 23:07 Répondre à ce commentaire

Eh oui, avec le changement climatique, la pluie qui tombe en plus ne peut tomber que sous forme d’innondation catastrophique.
Soit le GIEC a raison, soit tu as tort.

52.  Charles II | 21/09/2007 @ 9:16 Répondre à ce commentaire

Dans Courrier International de cette semaine, le doute arrive tout de même à s’exprimer un peu :
http://www2.canoe.com/infos/in.....03721.html

53.  Curieux | 21/09/2007 @ 12:22 Répondre à ce commentaire

@ Charles 2 😉

J’ai lu ton lien, une bouffée de sceptiscisme ? Peut-être, mais quel abîme que de rapporter cela en un sombre combat de complots (évidement tous capitaliste !).

Que j’aimerais trouver un article faisant un point précis sur les carences du modèle carboné et ouvrant le débat aux autres théories sur l’évolution climatique.
Nous en sommes loin, hélas !

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