Le Jour de la Terre, hier et aujourd’hui /2.

L'anxiété non renouvelable.

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Au-delà de l'anxiété due à la surpopulation, la pollution et les pesticides, des préoccupations encore plus spéculatives ont été émises lors de ce premier Jour de la Terre. Beaucoup de ces peurs, – notamment l'épuisement des ressources non renouvelables, la prétendue disparition de la biodiversité et l’apparent changement climatique global dû aux activités humaines – figurent désormais à la meilleure place dans les débats actuels sur notre environnement.
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L'épuisement des ressources non renouvelables ne tenait pas le devant de la scène jusqu'à la publication du rapport tristement célèbre Halte à la croissance ? du Club de Rome en 1972. La thèse d'une limite à la croissance a pris un nouvel essor lorsque les prix du pétrole ont explosé pendant l'embargo pétrolier arabe. Mais lors du Jour de la Terre de 1970, il y avait déjà des indices que cela deviendrait un thème majeur des célébrations futures.
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«Nous prospectons nos toutes dernières ressources et nous utilisons des matières non renouvelables plusieurs fois plus vite que nous n'en trouvons de nouvelles», avertissait Martin Litton directeur du Sierra Club dans l'édition spéciale du Time «Rapport sur l'environnement» du 2 février 1970. L’écologiste Kenneth Watt déclarait : «En l'an 2000, si les tendances actuelles se poursuivent, nous allons utiliser le pétrole brut à un tel rythme … qu'il n'y aura pas plus de pétrole brut. Vous irez à la pompe et direz, «le plein, mon gars» et il vous dira: «Désolé, il n'y en a pas.» Plus tard dans l'année, Harrison Brown, scientifique à la National academy of sciences, a publié un tableau dans le Scientific American qui détaillait les réserves de métaux et estimait que l'humanité serait totalement à court de cuivre, peu après 2000. Plomb, zinc, étain, or, argent devaient être épuisés avant 1990.• • • • • 

Bien sûr, cela ne s'est pas produit. Les prix de tous les métaux et des minéraux ont baissé de plus de 50 pour cent depuis 1970 selon le World Resources Institute. Comme nous le savons tous, la baisse des prix signifie que les choses sont plus abondantes, et pas moins. Le US Geological Survey estime qu'au rythme actuel de l'exploitation minière, les réserves de cuivre dureront 54 ans, pour le zinc, 56 ans, l'argent, 26 ans, l'étain, 55 ans, l'or, 30 ans, et le plomb, 47 ans. Qu'en est-il du pétrole ? L'enquête estime que les réserves mondiales pourraient être de 2,1 mille milliards de barils de pétrole brut – assez pour alimenter le monde pendant les 90 prochaines années. Ces chiffres sur les réserves changent en permanence – en allant plus bas, mineurs et foreurs trouvent de nouvelles sources d'approvisionnement ou développent des technologies plus efficaces pour exploiter les ressources.
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Les inquiétudes sur la baisse de la biodiversité sont devenus très populaires récemment. Lors du premier Jour de la Terre, les participants étaient préoccupés par le sauvetage de quelques espèces emblématiques comme le pygargue à tête blanche et le faucon pèlerin. Mais déjà certains prévoyaient un holocauste à venir. Comme le sénateur Gaylord Nelson l’a écrit dans Look, «le Dr S. Dillon Ripley, secrétaire du Smithsonian Institute, estime que dans 25 ans, entre 75 et 80 pour cent de toutes les espèces d'animaux vivants seront éteintes». Écrivant juste cinq ans après ce premier Jour de la Terre, Paul Ehrlich et son épouse biologiste, Anne Ehrlich, ont prédit que «comme plus des neuf dixièmes de la forêt tropicale humide primaire sera supprimée dans la plupart des régions au cours des 30 prochaines années, on s’attend à ce que la moitié des organismes de ces régions disparaîtront avec elle».
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Il y a un seul problème : la plupart des espèces qui étaient en vie en 1970 sont encore là aujourd'hui. «Les extinctions animales documentées ont culminé dans les années 1930, et le nombre d'extinctions est en baisse depuis lors» selon Stephen Edwards, un écologiste de l'Union mondiale pour la nature, un organisme de conservation internationale de premier plan dont les membres sont des organisations non gouvernementales, des organismes internationaux, et des organismes nationaux de conservation. Edwards note qu’un rapport de 1994 de la World conservation union a constaté que les extinctions connues depuis 1600 étaient de 258 espèces animales, 368 espèces d'insectes et 384 plantes vasculaires. La plupart de ces espèces, explique-t-il, étaient des espèces «insulaires endémiques» comme le Dodo. En conséquence, elles sont particulièrement vulnérables à la perturbation de l'habitat, à la chasse et à la concurrence des espèces envahissantes. Depuis 1973, seules sept espèces ont disparu aux États-Unis.
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Comment expliquer ces taux relativement bas d'extinction ? Comme pour beaucoup d'autres indicateurs écologistes, la richesse économique ouvre la voie à la fois à la création d'un marché pour des valeurs environnementales et de technologies moins consommatrices de ressources. Considérons, par exemple, que l'une des principales causes d'extinction est la déforestation et la perte subséquente des habitats. Selon le Groupe consultatif pour la recherche agricole  internationale, ce qui entraîne la déforestation tropicale n’est pas l'exploitation forestière commerciale, mais «les paysans pauvres qui n'ont pas d'autre choix pour nourrir leur famille que de débroussailler et brûler une parcelle de forêt». En revanche, les pays qui pratiquent les hauts rendements, l’agriculture chimiquement assistée ont des forêts en expansion. En 1920, les forêts des États-Unis couvraient 732 millions d'acres. Aujourd'hui, elles couvrent 737 millions d'acres, même si le nombre d'Américains est passé de 106 millions en 1920 à 272 millions aujourd'hui. Les forêts en Europe s’étendent de façon encore plus marquée, passant de 361 millions d'acres à 482 millions d'acres entre 1950 et 1990. Malgré la poursuite du déboisement dans les pays tropicaux, Roger Sedjo, chercheur confirmé du laboratoire d’idées Resources for the future, note que «76 pour cent de la zone des forêts tropicales humides est encore couverte de forêts». Ce qui est loin des pleurs sur la disparition des neuf dixièmes des surfaces. Encore des bonnes nouvelles : dans son État des forêts du monde 1999, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture montre que si les forêts des pays en développement ont été réduites de 9,1 pour cent entre 1980 et 1995, le taux mondial de déforestation est en train de ralentir.• • • • • 

«Les pays développés des régions tempérées semblent avoir en grande partie achevé la conversion des terres forestières à l'agriculture et ont atteint une relative stabilité d'utilisation des terres. En revanche, les pays en développement des régions tropicales sont encore dans un mode de conversion de leurs terres. Ceci suggère que la stabilité de l'utilisation des terres est fortement corrélée avec un développement économique réussi», conclut Sedjo, dans son chapitre sur la sylviculture dans The True State of the Planet, un recueil d'essais que j'ai édité. En d'autres termes, si vous voulez sauver les forêts et la faune, vous feriez mieux d’aider les pauvres à devenir riches.• • • • •

Bien sûr, la plus grande crise environnementale qui menace l'humanité de nos jours est censée être le réchauffement global. Rien d’étonnant, les inquiétudes sur le climat à venir ont été un thème commun des alarmistes lors du premier Jour de la Terre. Toutefois, ils ne pouvaient pas s'entendre sur la direction que la température de la terre allait prendre.
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«Les théoriciens de l’effet de serre affirment que le monde est menacé avec une hausse de la température moyenne, qui, si elle atteint 4 ou 5 degrés, pourrait faire fondre les calottes polaires, élever le niveau de la mer de près de 300 pieds et provoquer une inondation dans le monde entier», expliquait Newsweek dans son rapport spécial du 26 Janvier 1970 sur «The ravaged environment» (l'environnement dévasté). Toutefois dans un souci d'équilibre, le magazine notait aussi que de nombreux autres scientifiques voyaient les températures à la baisse : «Cette théorie suppose que la couverture nuageuse de la Terre continuera à épaissir parce que plus de poussière, de fumées et de vapeur d'eau sont envoyés dans l'atmosphère par les cheminées industrielles et les avions à réaction. Protégée de la chaleur du soleil, la planète refroidira, la vapeur d'eau baissera et gèlera : une nouvelle période glaciaire naîtra.»• • • • • 

Kenneth Watt était moins équivoque dans son discours à Swarthmore sur la température de la Terre. «Le monde s’est refroidi depuis une vingtaine d'années» a-t-il déclaré. «Si les tendances actuelles perdurent, la température moyenne mondiale sera d'environ quatre degrés plus basse en 1990 (NdT : qu'actuellement) mais onze degrés plus basse en l'an 2000. C'est à peu près le double de ce qu'il faudrait pour nous mettre dans une ère glaciaire».• • • • •

Watt avait tort. Les températures mondiales n’ont pas baissé et les craintes d'une nouvelle ère glaciaire se sont dissipées comme le givre un matin d'automne. Depuis 1988, lorsque le climatologue gouvernemental James Hansen a affirmé devant le Comité de l'énergie et des ressources naturelles du Sénat qu'il avait détecté un réchauffement global, les catastrophistes climatiques ont presque tous basculé dans la crainte du réchauffement global. La théorie est simple, brûler des combustibles fossiles comme le charbon et le pétrole, envoie un excès de gaz carbonique dans l'atmosphère, ce dioxyde de carbone emprisonne la chaleur du soleil et la re-rayonne, réchauffant l'atmosphère.
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Il est généralement admis que la moyenne des températures de la terre a en effet augmenté d’environ 1°F au cours du siècle passé. La question est maintenant, à combien de réchauffement par l'homme peut-on s'attendre au 21e siècle? Les modèles climatiques informatiques ont initialement prévu que la température atmosphérique pourrait augmenter entre 3 et 5°C d'ici 2100. Toutefois, quand les modèles ont été affinés, les estimations du réchauffement possible ont été diminuées – la gamme est désormais à 1,5°C à 3,5 d'ici 2100. Un rapport récent du Conseil national de la recherche a noté que «la surface s’est apparemment réchauffée de 0,25°C à 0,4°C depuis 1979». Fait remarquable, le groupe NRC estime aussi le changement de la température de l'atmosphère entre 0 ° C et 0,2° C au cours de la même période. En d'autres termes, l'atmosphère ne s’est peut-être pas réchauffée du tout depuis 1979. Il s'agit d'une conclusion étrange parce que les modèles informatiques du climat n'ont jamais prédit que la surface se réchaufferait en premier ou plus vite que l'atmosphère, en fait, ils prévoient le contraire. Par conséquent, cet écart entre les températures de surface et atmosphériques pose une question grave sur l'exactitude prédictive des modèles.
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Cela n’arrête pas beaucoup les catastrophistes. En février, Tom Karl, climatologue au National climate data center a publié une étude suggérant que le réchauffement climatique s'accélère. Karl affirme qu’en 1997 et 1998 il y a eu 16 mois consécutifs durant lesquels «nous avons battu tous les records mondiaux de température de tous les temps.» Cependant, Patrick Michaels, climatologue de l'université de Virginie (qui reçoit des fonds de sociétés produisant des combustibles fossiles) souligne que ces 16 mois de températures record l’ont été au cours du grand El Niño 1997-1998 dans l'océan Pacifique. Au cours des El Niño, les eaux de l'océan Pacifique occidental se déplacent vers l'est de façon spectaculaire, réchauffant les eaux normalement froides au large des côtes d'Amérique du Sud et  faisant ainsi monter la moyenne des températures mondiales. Les températures sont maintenant redescendues à leur niveau d’avant le phénomène El Niño. Il n’est pas prévu que les El Niño soient affectés par le réchauffement anthropique mondial.
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Dans tous les cas, quel que soit le réchauffement climatique qui se produit, il est apparemment canalisé dans les nuits d'hiver. Les températures estivales de jour ne semblent pas monter. Des nuits d'hiver plus chaudes sont bien moins une menace pour la nature et l'humanité que des températures estivales plus élevées. Nos côtes sont-elles en passe d'être submergées par la montée des eaux due à la fonte des calottes glaciaires ? La meilleure estimation du GIEC de l'ONU est que le niveau de la mer pourrait monter d'environ 8 pouces d'ici 2100. Si cela peut sembler inquiétant, gardez en tête que le niveau des mers est monté d'environ 6 pouces au cours du siècle dernier.
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En fait, une menace bien plus grande pour le prochain siècle vient des activistes écologistes eux-mêmes. Pour contrer le réchauffement climatique, ils veulent essentiellement planifier l'avenir énergétique du monde entier pour les 100 prochaines années. Ils sont à l’œuvre à travers la Convention des Nations Unies sur le changement climatique et le Protocole de Kyoto. L'absurdité (et l'arrogance) de ce type de planification devient clair quand on imagine le même exercice en 1900. Le meilleur comité scientifique disponible en 1900 n'aurait tout simplement pas été en mesure de planifier les millions d'automobiles et de camions, l'éclairage électrique partout, des millions de maisons et d'immeubles de bureaux, le carburant pour des milliers d'avions à réaction et des millions de réfrigérateurs, de climatiseurs, etc. Pratiquement aucun des dispositifs de cette liste presque sans fin n’avait même été inventé en 1900. Compte tenu du taux croissant de l'innovation technologique, nous avons sans doute encore moins de chance de prévoir l'avenir que ceux de 1900.