CHANGEMENTS CLIMATIQUES DANS LES MERS DE L’ARC ARCTIQUE EURASIEN/1

Différentes théories ont été exposées quant aux changements climatiques en Arctique. L’une d’elle dit qu’il existerait deux régimes climatiques en fonction de la présence ou de l’absence de glace polaire. Les deux régimes seraient instables induisant l’apparition ou la disparition de glace résultant de petits changements dans les facteurs climatiques ou, même, en l’absence de ces changements, de processus auto-oscillatoires du système atmosphère+océan+glace polaire.
Mais Zakharov a conclu en 1996 que ″la cause la plus significative des changements climatiques dans l’étendue de glace de mer se trouve dans des changements de la structure verticale de la couche supérieure de l’océan plutôt que dans des changements thermiques de l’atmosphère″. Suit une digression sur les effets des variations de salinité dues notamment aux décharges continentales (fleuves et icebergs). Mais l’auteur considère que les séries ayant servi aux calculs sont trop courtes, et ne prennent en compte qu’une partie de la décharge continentale.

Il est toutefois important de souligner que le rôle de la halocline dans la formation de glace de mer de l’Océan Arctique exclut la possibilité qu’une petite augmentation de la température en Arctique puisse amener à une disparition relativement rapide de la glace.

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2 Modifications à long terme de l’étendue de la glace de mer Arctique au vingtième siècle

La terminologie géographique adoptée  suit les définitions russes définissant le bassin arctique comme un ″bassin polaire abyssal, limité par le talus continental″. L’étude concerne le bassin nord-européen, les mers arctiques de Sibérie et les zones proches du bassin arctique soit environ 5 millions de km² ou 75% du total (voir figure 2.1)

Carte

Figure 1 Limites de l’Océan Arctique et de ses mers: Groenland (1), Barents (2), Kara (3), Laptev (4),Est Sibérien (5), Chukchi (6), Baie de Baffin (8), Baie d’Hudson (9) Norvège (10).

Les mers bordant les continents ont fait l’objet d’observations assez suivies depuis la fin du 19ième siècle ; depuis 1930, des observations aériennes régulières ont été effectuées, notamment sur les mers de Barents et de Kara. Depuis 1993, ce sont les observations satellitaires qui ont pris le relais. Pour obtenir des données sûres d’observations sur une période centenaire, une compilation de toutes les données de navigation (exploration et commerce) a été effectuée. Ceci a permis de construire un modèle de prévision obtenant un coefficient de corrélation de 0.72 qui valide relativement bien la reconstruction.

Caractéristiques saisonnières et annuelles de l’étendue de glace de mer au 20ième siècle

Il a été constaté une décroissance régulière de la glace de mer au cours du vingtième siècle, dont la pente a été déterminée par régression linéaire (moindre carré). C’est dans les mers du Groenland et de Barents que la pente est la plus forte, alors qu’à l’Est de la Nouvelle Zemble la différence est peu sensible. Pour les mers occidentales, la décroissance de la glace de mer a été plus rapide dans la première moitié du vingtième siècle que dans la seconde.

A noter que, dans un régime cyclique, la pente de la droite de tendance dépend de l’intervalle de temps, notamment du point de départ et d’arrivée à l’intérieur d’un cycle. L’ignorer peut donner lieu à de fortes distorsions. (NdT: ce qui a déjà été amplement montré dans d'autres cas …).

Variations de l’étendue totale de glace de mer (mers du Groenland, de Barents et de Karamers)

Figure 2:  Variations de l’étendue totale de glace de mer. Droites de régression pour les mers du Groenland, de Barents et de Kara pour la période 1900-2003 (Août). L’insert montre les équations correspondantes de : 1) 1900 à 2003, 2) 1900 à 1969, 3) 1945 à 2003.

Variations de l’étendue de glace de mer : mers de Laptev, de Sibérie orientale et de Chuchki.

Figure 3. Variations de l’étendue de glace de mer. Régression linéaire pour les mers de Laptev, de Sibérie orientale et de Chuchki, période de 1900 à 2003 (Août).

Une reconstruction effectuée pour les mers nordiques remontant jusqu’à 1864, soit 135 ans, montre que 50% de la diminution de l’étendue de glace de mer a pris place dans les quatre dernières décennies du 19ième siècle.

Les modifications interannuelles de l’étendue de glace dans les mers eurasiennes de l’océan arctique semblent avoir un caractère polycyclique. La structure fréquentielle de ces changements est caractérisée par des pointes significatives pour des périodes de 2±3 ans, 8±12 ans, autour de 20 ans et 50±60 ans.

Il y a des différences entre les trois mers occidentales qui présentent une variabilité de basse fréquence, alors que les trois mers orientales ont une variabilité de haute fréquence. La surveillance aérienne depuis 1933 a permis d’isoler une période complète de 50 ans suffisante pour faire ressortir les spectres de basse fréquence.

La structure du spectre de basse fréquence diffère entre les mers des secteurs est et ouest. On distingue bien une variabilité synchrone de 50±60 ans pour les mers du Groenland de Barents et de Kara avec des maxima vers 1910 et 1970 et des minima vers 1940 et 2000. Au contraire, une variabilité plus courte de 20±30 ans et moins est apparente pour les mers de Laptev, Sibérie Est et Chukchi.

Globalement, on distingue trois époques typiques pour les deux régions: une diminution de l’étendue dans la première partie du 20ième siècle et un accroissement subséquent  de la fin des années 60 au début des années 70 suivi par une nouvelle diminution dans les trois dernières décennies.

Variabilité de l’englacement total dans les mers du Groenland, de Barents et de Kara

Figure 4 : Variabilité de l’englacement total dans les mers du Groenland, de Barents et de Kara pour la période 1900±2003 (Août) : 1) Régression linéaire, 2) Tendance polynomiale.

Comme les mers du secteur ouest, les mers du secteur Est présentent une tendance négative du début à la fin du 20ième siècle avec une variabilité de période 55 à 60 ans. Cependant les amplitudes diffèrent significativement, les phases étant légèrement décalées.

Outre le cycle de 60 ans, il existe des cycles plus courts de 20 et 10 ans qui diffèrent d’une mer à l’autre.

Bien que la variabilité cyclique de courte période (2-3 et 6-7 ans) des mers de l’arc sibérien soit généralement considérée comme un bruit par rapport à la variabilité de longue période, cela masque des changements significatifs du climat arctique. La contribution de ces cycles à la variabilité interannuelle de l’englacement est comparativement importante, c’est pourquoi une attention particulière a été apportée à leur étude dans le but d’améliorer les prévisions d’englacement. Ceci a permis d’expliquer en partie les conditions d’englacement opposées entre les secteurs est et ouest.
1.  Marot | 31/01/2011 @ 9:44 Répondre à ce commentaire

Passionnant.

Je souhaite mettre en relief quelques petites choses en rapport avec la moyenne des températures vue par Hansen soi-même déjà affichée ici.

La figure 5 page 3 Anomalie de la température moyenne annuelle en °C dans la zone 70°-85° de latitude Nord entre 1891 et 2000 et leur tendance polynomiale montre un ajustement polynomial exactement synchrone avec les deux périodes de croissance de Hansen 1910-1940 et 1970-2000.

La tendance linéaire durant le siècle 0,8°C est exactement la même que celle retenue par S. Akasofu.
(un détail ce doit être 0,8°C plus ou moins 0,09 et non 0,9 !)

On peut noter par la figure 2 page 2 Variations de l’étendue totale de glace de mer. Droites de régression pour les mers du Groenland, de Barents et de Kara pour la période 1900 ± 2003 une opposition de phase étonnante : baisse de 1910 à 1940 et de 1970 à 2000 et montée de 1940 à 1970.

2.  Tequila | 31/01/2011 @ 14:03 Répondre à ce commentaire

« Des centaines de marins russes libérés après un mois bloqués par les glaces

lundi 31 janvier 2011, 13:00
Deux brise-glaces russes ont fini par extraire le dernier d’un groupe de navires bloqués par la glace avec des centaines de personnes à bord depuis décembre en mer d’Okhotsk, achevant une opération de sauvetage sans précédent menée dans les conditions de l’Extrême-Orient russe. “L’opération s’est terminée avec succès”, a déclaré lundi à l’AFP le porte-parole de l’Agence fédérale de la pêche (Rosrybolovstvo), Alexandre Saveliev. Cette annonce a été faite un mois tout juste après l’appel à l’aide de cinq navires qui s’étaient retrouvés prisonniers de glaces épaisses de deux à quatre mètres, par des températures inférieures à moins vingt degrés dans la baie de Sakhaline. »

Je n’y comprends plus rien. Est-ce encore un coup du réchauffement climatique dû au CO2 sibérien, nord chinois, ou coréen, lequel serait la conséquence des feux de forêt de la région de Moscou.
Peut-être est-ce la conséquence du refroidissement des relations entre les deux Corée, le Japon ?
Je vais consulter ma grand-mère qui me dira que c’est à cause de la révolution en Tunisie et en Egypte.

3.  scaletrans | 31/01/2011 @ 15:52 Répondre à ce commentaire

Marot (#1),

Il y a une tentative d’explication de l’opposition de phase entre les mers Arctiques occidentales et orientales (lesquelles sont d’ailleurs beaucoup moins sensibles aux agents extérieurs) dans la deuxième partie du texte.

4.  pastilleverte | 31/01/2011 @ 15:54 Répondre à ce commentaire

Merci Scaletrans, très impressionnant !
Moi qui suit un « layman », j’ai presque compris (ah ah diraient Warm et consorts).
Est-ce qu’on peut dire que ces travaus valident la théorie des AMP chère au regretté Marcel leroux, et toujours rejetée par Meteo-France ?
@ Tequila,
je vous rappelle que, par exemple, une tequila (même « boum boum »), ne fait pas un mexicain, et que, comparaison n’est pas raison, un temps chaud ne fait pas un RCA, un temps froid ne fait pas un nouveau PAC.
Moi, ma grand-mère avait coutume de dire « couvre toi bien, il fait froid en hiver », mais il est vrai qu’elle était née à la fin du XIX° siècle, et fort peu instruite en matière(s) scientifique(s), a fortiori climat-pssitacco-alarmiste.

5.  scaletrans | 31/01/2011 @ 16:06 Répondre à ce commentaire

Marot (#1), et pour Araucan

(un détail ce doit être 0,8°C plus ou moins 0,09 et non 0,9 !)

Un petit problème lors du copier/coller à partir du texte d’origine a transformé le tiret en caractère plus/moins, je n’ai pas assez fait attention et ça donne des quiproquos.

6.  Marot | 31/01/2011 @ 18:36 Répondre à ce commentaire

scaletrans (#3), scaletrans (#5)
Merci pour les deux messages, cher correspondant.

7.  Araucan | 31/01/2011 @ 18:47 Répondre à ce commentaire

scaletrans (#5),

Corrigé mais j’ai mis 0,8-0,9 …

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