Des mathématiques pour sauver la planète

[Au moins, certains arrêteront peut-être de m’expliquer qu’un matheux n’a pas son mot à dire sur la question du climat. Ben.]

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par Christiane Rousseau,
Vice-présidente du comité exécutif de l’Union Mathématique Internationale

J’ai eu le privilège d’être élue vice-présidente de l’Union Mathématique Internationale (UMI) lors de sa dernière assemblée générale, et cela fait maintenant cinq mois que je suis les activités de l’UMI. Les sujets abordés au comité exécutif sont assez divers, de l’établissement d’un bureau permanent au classement et au prix des journaux, des mathématiques dans les pays en voie de développement au prochain congrès international de mathématiques, et les membres du comité exécutif tendent à se spécialiser dans un ou deux dossiers. Bien que je sois moi-même mathématicienne pure, je suis de plus en plus intéressée par la science de la durabilité [science of sustainability], laissez-moi donc vous en parler. L’UMI est l’une des unions internationales au sein du conseil international de la science (ICSU). Au comité exécutif, nous recevons régulièrement des messages de l’ICSU demandant une implication de ses membres. Bien qu’il ne soit pas nouveau que des scientifiques s’impliquent dans l’étude du changement climatique et des questions de durabilité, un sentiment nouveau d’urgence s’est développé. Les signes d’un réchauffement deviennent si nombreux qu’une action urgente est nécessaire si nous voulons sauver la planète d’un futur catastrophique, car nous ne sommes peut-être plus loin d’un point de non retour : changement climatique avec davantage de phénomènes météorologiques extrêmes, élèvation du niveau de la mer avec la fonte des glaciers, pénurie d’aliments et d’eau dans un futur proche en raison de l’accroissement de la population mondiale et le changement climatique, perte de biodiversité, nouvelles épidémies ou espèces invasives, etc. Voilà pourquoi l’ICSU lance une initiative de recherche sur dix ans : Recherche sur le système terre pour une durabilité globale [Earth system research for global sustainability], et un comité de pilotage pour cette initiative est en cours de constitution. Les objectifs de cette initiative sont les suivants :
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1. Délivrer aux échelles mondiale et régionales les connaissances dont les sociétés ont besoin pour répondre efficacement au changement global tout en accomplissant des objectifs économiques et sociaux ;

2. Coordonner et orienter la recherche scientifique internationale pour résoudre les Grand Challenge et Belmont Challenge ;

3. Engager une nouvelle génération de chercheurs en sciences sociales, économiques, naturelles, médicales et de l’ingénieur dans la recherche sur la durabilité globale.

Dans le même esprit, l’ICSU se prépare à une forte présence scientifique à la prochaine conférence des Nations Unies pour le développement durable (Rio+20) qui se tiendra du 4 au 6 juin 2012 à Rio de Janeiro. Pour cela, l’ICSU organise un certain nombre de rencontres préparatoires régionales et mondiales. Il est clair que les sciences mathématiques ont un rôle essentiel dans la recherche interdisciplinaire qui doit être menée afin d’atteindre des réalisations significatives. Les autres disciplines scientifiques concernées sont nombreuses, qui vont de la physique à la biologie, à l’économie, etc. Permettez-moi de citer Graciela Chichilnisky, à l’origine du marché du carbone du Protocole de Kyoto : « Ce sont les physiciens qui étudient le changement climatique, mais ce sont les économistes qui conseillent les politiciens qui prennent les décisions. » Considérant l’importance de la contribution des sciences mathématiques dans les questions de durabilité, l’UMI a demandé à participer activement à ces réunions préparatoires, et à être représentée à Rio+20. Ce doit être l’occasion de bâtir des partenariat avec les autres unions scientifiques au sein de l’ICSU. De plus en plus de mathématiciens et d’instituts de recherche de par le monde commencent à s’intéresser au développement durable, comme le montre la large participation à Mathématiques de la Planète Terre 2013 (www.mpe2013.org), qui a été récemment approuvée par l’UMI. Mais le monde a besoin de davantage qu’une initiative d’un an. La science de la durabilité est remplie de problèmes difficiles et mathématiquement passionnants. Beaucoup d’entre eux requièrent de nouvelles techniques mathématiques. Nous pouvons espérer que ces initiatives permettront de former une nouvelle génération de chercheurs en sciences mathématiques qui seront en mesure de travailler dans des équipes interdisciplinaires pour répondre à ces défis.

source : IMU-Net 47 : May 2011 (http://www.mathunion.org/imu-net)
(traduction par Ben)