Question de sensibilité.

La sensibilité climatique est une notion importante, à la base des projections de l'évolution du climat et de l'indice de température moyenne. Mais comme rien n'est simple, un débat qui semblait (à peu près clos) se rouvre à quelques mois de l'arrivée du 5ième rapport du GIEC.

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Qu'est que la sensibilité climatique ?

Voici ce que dit le GIEC (AR4)

La sensibilité du climat à l’équilibre est un indicateur de la réponse du système climatique à un forçage radiatif constant. Elle est définie comme le réchauffement moyen à l’équilibre à la surface du globe sous l’effet d’un doublement de la concentration de CO2. Les progrès réalisés depuis le troisième Rapport d’évaluation permettent d’affirmer qu’elle se situe probablement entre 2 et 4,5 °C, la valeur la plus probable s’établissant à 3 °C environ, et qu’il est très improbable qu’elle soit inférieure à 1,5 °C. Des valeurs nettement supérieures à 4,5 °C ne peuvent être exclues, mais la concordance des modèles et des observations n’est pas aussi bonne pour ces valeurs. {GT I 8.6, 9.6, encadré 10.2, RiD}
Les rétroactions peuvent amplifier ou atténuer la réponse à un forçage donné. L’émission directe de vapeur d’eau (un gaz à effet de serre) liée aux activités humaines joue un rôle négligeable dans le forçage radiatif. Ainsi, l’augmentation de la concentration de vapeur d’eau dans la troposphère sous l’effet de l’accroissement de la température moyenne à la surface du globe représente non pas un facteur de forçage du changement climatique, mais une rétroaction positive essentielle. Les variations de la concentration de vapeur d’eau, qui constituent la principale rétroaction influant sur la sensibilité du climat à l’équilibre, sont aujourd’hui mieux connues qu’à l’époque du troisième Rapport d’évaluation. Les rétroactions liées aux nuages restent la plus grande source d’incertitude. Les schémas spatiaux de la réponse climatique dépendent dans une large mesure des processus et rétroactions climatiques. Par exemple, les rétroactions relatives à l’albédo des glaces de mer ont tendance à renforcer la réponse aux hautes latitudes. {GT I 2.8, 8.6, 9.2, RT.2.1.3, RT.2.5, RiD}

Le réchauffement nuit à la fixation du CO2atmosphérique dans les terres émergées et les océans, augmentant ainsi la partie des émissions anthropiques qui reste dans l’atmosphère. Cette rétroaction positive du cycle du carbone renforce l’accroissement de CO2 atmosphérique et entraîne des changements climatiques plus importants pour un scénario d’émissions donné. Cependant, la vigueur de cet effet de rétroaction varie considérablement selon les modèles. {GT I 7.3, RT.5.4, RiD ; GT II 4.4}

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 L'état du débat

(Extrait de source)

Mike Hulme, professeur de changement climatique à l'université d'East Anglia souligne que "bien souvent, quand nous croyons argumenter scientifiquement à propos des preuves du changement climatique, nous sommes en fait en désaccord à propos de choix politiques, de principes éthiques ou de système d'appréciation". …/…
 Xie Zhenhua, représentant du gouvernement chinois, a déclaré qu’il fallait que le GIEC adopte une attitude plus ouverte; selon lui, "toutes les vues scientifiques doivent pouvoir s’exprimer". Pour John Beddington, conseiller scientifique en chef du gouvernement britannique, "l'impact du réchauffement a été exagéré par certains scientifiques et il y a un besoin urgent de positions plus honnêtes à propos des incertitudes concernant le taux du changement climatique (…) Nous avons un problème
de communication à propos des incertitudes. Il y a véritablement un problème à ce sujet (…)"
[ Sunday Times].


– Le climat une histoire de sensibilité –

En effet, comme fait bien de le rappeller John Beddington, les incertitudes sont nombreuses. Si le réchauffement induit  par  un doublement de la concentration en CO2 est estimé assez correctement (1,2°C selon le GIEC), sur la base de lois physiques solides, ce réchauffement d’1,2°C conduit lui-même à des changements au niveau du système climatique, que l’on appelle rétro-actions. Or, les incertitudes concernant ces rétroactions sont très importantes, et c’est ce que soulignent les scientifiques qui étaient jusqu’à présent ostracisés et parfois mêmes traités publiquement de "négationnistes", ceci alors que la science ne peut progresser que par confrontation des idées et des théories. 
Certains scientifiques estiment que la sensibilité climatique (climate sensitivity) n’est que de 0,5°C, ce qui est le cas, par exemple, du climatologue Richard Lindzen du MIT (la sensibilité climatique est précisément le réchauffement induit par un doublement de la concentration en CO2, ceci en tenant compte des rétro-actions comme la vapeur d’eau, les nuages et l'albedo, une fois le système climatique parvenu à l'équilibre).
D’autres climatologues n’excluent pas que la sensibilité climatique puisse être supérieure à 10°C…Ce qui est très différent ! Le GIEC estime que l’hypothèse la plus probable est une sensibilité climatique de 3°C (3°C +/- 1,5°C) mais ceci est contesté par de nombreux scientifiques, et, il n’y a toujours pas de consensus à ce sujet. Comme le souligne le scientifique David King, directeur de recherche à Cambridge, professeur à l'université d'Oxford et ex-conseiller scientifique en chef du gouvernement britannique sous Tony Blair mais aussi sous Gordon Brown : "En faisant face à la demande de la population qui veut savoir ce que dit la science, le GIEC a été élaboré comme un moyen pour trouver un consensus. Personnellement, j'ai toujours estimé que cette recherche du consensus est contraire à l'esprit de la science" [The Telegraph].
…/…
Concernant le réchauffement observé entre les années 1970 et les années 1990, le climatologue allemand Mojib Latif estime que jusqu’à la moitié de ce réchauffement est du aux oscillations océaniques naturelles : Oscillation Multi-décennale  Atlantique (AMO), Oscillation Décennale Pacifique (PDO), etc. Rappelons que les océans couvrent les 2/3 de la surface terrestre et occupent un volume d'1,37 milliards de kilomètres cubes. La pause du réchauffement observée depuis 10 ans -ceci alors que la concentration en CO2 atmosphérique continue à augmenter- s’expliquerait d’ailleurs, toujours selon Mojib Latif, en grande partie par les oscillations océaniques [Der Spiegel]. Ceci ne remet bien entendu en cause ni le fait que le CO2 anthropique exerce un forçage positif, ni la tendance de fond au réchauffement à l’échelle du siècle, mais cela relativise le rôle joué par les gaz à effet de serre d’origine humaine. Par ailleurs le rôle de la vapeur d’eau stratosphérique est également encore mal compris, comme le souligne une étude qui vient d’être publiée dans Science par Susan Solomon [Science]. 
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(Source : Pensée unique)
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D'après le NIPCC
Il n‘y a aucun doute que la question centrale de la science du climat consiste à déterminer si la contribution humaine au réchauffement du XXème siècle est significative. C‘est une question très difficile. Il n‘y a aucune raison de penser que les forçages naturels aient brutalement cessé d‘agir. Mais le réchauffement climatique anthropique (AGW) est certainement plausible : le taux de gaz à effet de serre (GH) a constamment augmenté à cause des activités humaines – essentiellement du fait de la combustion des carburants fossiles utilisés pour produire de l'énergie. Mais comment pouvons-nous déterminer la « sensibilité climatique » aux gaz à effet de serre (GH) ?
Le GIEC (IPCC) a hésité sur la méthodologie. Leur premier rapport d‘évaluation (FAR—1990) se contentait de noter que les températures et les taux de gaz à effet de serre (GH) avaient augmenté, mais il n‘apportait que peu d'attention à la longue période de refroidissement de 1940 à 1975. Leur second rapport d‘évaluation (SAR—1996) essayait de montrer que les variations des tendances au réchauffement (les « empreintes ») étaient en accord avec les variations des tendances calculées. Leur troisième rapport (TAR—2001) se contentait d‘affirmer que le XXème siècle était le plus chaud des 1000 dernières années (et ceci ne prouve rien). Le quatrième rapport (AR4—2007) disait fondamentalement : Nous prenons en compte tous les forçages naturels – ainsi, tout le reste doit être d‘origine anthropique.

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51.  lemiere jacques | 3/12/2011 @ 16:35 Répondre à ce commentaire

the fritz (#45),
Le problème tient plutôt dans la science climatologique elle m^me,
c’est une science molle, quasiment non expérimentale;
les hypothèses passent aisément au statut de vérité voire de dogme, par simple convention ou habitude ou parce que qu’on a rien d’autre ou du fait d’une idéologie sous jacente; d’ailleurs, dans ce domaine, chaque nouvelle observation ou presque, lève de nouvelles questions et révèle l’ignorance dans lequel on se trouve….
Les vérités de la climato qui ne sont souvent que des hypothèses , permettent la controverse.
Courtillot est clairement honnête, il s’exprime avec clarté et cherche à ce qu’on le comprenne. Allègre ou Hansen mieux vaut ne pas en parler, reste qu’à l’issue de la controverse l’un des deux zozos sortira « vainqueur »…

52.  the fritz | 3/12/2011 @ 22:17 Répondre à ce commentaire

Mihai V (#44),
Il y a deux choses qui dérangent dans les courbes de Beck; c’est d’une part le protocole analytique et d’autre part la cause naturelle ( non anthropique) qui aurait pu amener aux variations données dans ses courbes
Si l’on admet que la biosphère à l’équilibre ne fait pas varier le CO2 atmosphérique (cf les courbes des différents sites analytiques des derniers 50 ans) les perturbations sont la fossilisation et la contribution des volcans qui représentent (l’un en plus, l’autre en moins) 0,07 Gt de C, alors que la contribution anthropique est de 7 Gt soit 100 fois plus; je vois donc mal les variations données par Beck dépendre d’autre chose que de mauvais étalonnage résultant de modes analytiques divers et variés et de prises d’échantillons non représentatifs , et liés à des hétérogénéités au niveau du sol: pour exemple 600ppm place de la concorde , plus de 1000 dans une salle de classe non ventilée

53.  lemiere jacques | 4/12/2011 @ 1:16 Répondre à ce commentaire

the fritz (#48),
Ben oui, et quel serait le changement de régime qui expliquerait la différence entre la régularité des courbes de mona laua et les sursauts des courbes de beck ????
On ne peut évidemment pas rejeter cette idée ,mais surtout, on ne sait pas.

On a déjà du mal avec les températures pour les quelles on dispose de mesures sur la durée dans des stations fixes qui seules permettent d’étudier une variations dans le temps .

Le taux de CO2 dans l’atmosphère on l’estime, on ne le mesure pas. Il faut donc faire des hypothèses, et si possible les énoncer. Mais je ne vois pas pourquoi ce qu’on a tant de mal à avaler sans grimacer avec les températures des stations on devrait l’avaler avec le taux de co2! C’est 100 fois plus indigeste.

54.  the fritz | 4/12/2011 @ 10:40 Répondre à ce commentaire

lemiere jacques (#49),
J’ai pas de mal à croire que la température du globe a augmenté de 0,7 °C en un siècle; j’ai plus de mal à croire que cette augmentation est due à la seule augmentation du CO2 atmosphérique; par contre j’ai beaucoup de mal à croire comme l’affirme Beck que le taux de CO2 était de 440 ppm en 1943 et a chuté à 320 en 1950
Comme tu dis , la pilule est 100X plus difficile à avaler

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