Météo France – IPSL : le jeu des 28 erreurs

par Benoît Rittaud.

L’une des séries de données que j’ai réclamées à Météo France est celle des anomalies annuelles de température en France, qui correspondent à ce graphique.

TemperaturesFrance

Lorsque j’ai découvert, et donc signalé à Météo France, que ces données qu’elle me refusait étaient en réalité en accès libre sur le site de l’IPSL, il m’a été répondu notamment ceci :

les données du fichier excel du site cycleducarbone.ipsl.jussieu.fr semblent présenter une ou plusieurs anomalies. L’année 2009 aurait pour valeur de l’indicateur 11.1. La normale de température pour les 30 dernières années est de 12.6 (source MF).

(…)

Le site de Jussieu précise que « les captures d’écran de cette page représentent des données s’arrêtant en 2008 ». Le fichier excel n’a peut être pas été mis à jour comme il est précisé. Pour toutes les années antérieures il y a cohérence.

La phrase importante est la dernière : « pour toutes les années antérieures [à 2008] il y a cohérence. » Il est légitime de supposer que mon correspondant a comparé le fichier Excel de l’IPSL avec celui de Météo France et qu’il a vérifié que les deux coïncidaient jusqu’en 2008. En attendant que MF daigne me donner le fichier (j’attends toujours) ou que la CADA l’enjoigne de le faire, ce courrier de Météo France affirme à l’évidence qu’on peut utiliser le fichier de l’IPSL en confiance avant 2008. (Je traiterai dans un autre article le cas des années plus récentes.)

N’étant pas tout à fait un perdreau de l’année, j’ai quand même voulu vérifier que le fichier de l’IPSL donnait bien le même graphique que celui publié par Météo France jusqu’en 2008. J’ai donc tracé le graphique suivant, constitué des données du fichier de l’IPSL normalisées un peu comme j’ai pu.

TempératuresIPSL

Je profite de l’occasion pour dire tout le mal que je pense de la forme donnée au graphique de MF (et par ricochet le graphique ci-dessus, conçu pur lui ressembler), qui accorde une importance privilégiée à une « valeur normale » pourtant purement conventionnelle et force l’œil à ne lire le graphique que par rapport à cette référence, ce qui pollue considérablement l’environnement visuel de la courbe. Passons.

Deux points doivent être notés avant toute tentative de comparaison :

1) l’IPSL donne des températures absolues là où Météo France donne des écarts à une température de référence. Il y a donc une soustraction à faire. Ça n’a rien de difficile, sauf que la valeur à soustraire n’est probablement pas la normale de 12,6°C prise par Météo France. (Ç’aurait été trop beau.) Conséquence : il ne faut pas attacher trop d’importance à une éventuelle différence qualitative du genre « chez l’IPSL l’année n est au-dessus de la moyenne alors qu’elle est en-dessous chez MF ».

2) l’IPSL donne des températures au dixième de degré près, alors que le graphique de Météo France est manifestement constitué de données plus précises, probablement au centième près. (Voyez par exemple, dans le graphique de Météo France, les années 2004 et 2005 : les valeurs correspondantes sont distinctes mais, selon l’échelle des ordonnées, leur différence est nettement inférieure à 0,1°C ; selon ma propre mesure, elle est voisine de 0,01°C : cf. ci-dessous.) De petits écarts entre les deux fichiers sont donc inévitables et pas forcément significatifs.

Une fois formulées ces réserves importantes, voici une superposition des deux diagrammes.

Superposition MF-IPSL

Même en tenant compte des points 1 et 2, la comparaison ressemble à un jeu des 7 erreurs. Pour en avoir le cœur net, je me suis donc lancé dans ce que j’espérais pouvoir éviter de faire : évaluer à la main chacune des valeurs du graphique de MF. Pour ceux que cela intéresse, j’ai mis les résultats dans un fichier que vous pouvez télécharger (ReconstitutionGraphiqueMF). La mesure « à la main » a été un peu longuette, mais pas difficile. Avec un logiciel de géométrie (GeoGebra), j’ai placé en tant qu’image le graphique de MF sur une fenêtre et j’ai, pour chaque année n, mesuré la distance (normalisée, j’espère convenablement) entre l’origine du repère et la droite horizontale passant par le bout du bâton de l’année n. Ci-dessous les exemples superposés des années 2004 et 2005, dont la distance évaluée à 0,01°C indique qu’il n’y a pas besoin d’un œil de lynx pour espérer une précision de l’ordre du centième de degré, même s’il faut bien sûr rester prudent dans l’interprétation de données obtenues d’une telle manière.

Zoom2004-2005

Une fois effectué cet ingrat travail de mesure (pour lequel je devrais peut-être envoyer la facture à MF…), j’ai superposé le graphique qui s’en déduit de celui de MF pour voir si je n’avais pas fait un trop mauvais boulot. Voici :

SuperpositionMFetOeil

Mon vieux Ben, c’est bon : t’as pas encore besoin de prendre rendez-vous chez l’ophtalmo.

Une fois les valeurs du graphique de MF connues, on peut évaluer les écarts avec les données de l’IPSL. C’est là qu’il faut choisir une valeur normale de référence à soustraire (point 1 ci-dessus). Sans pouvoir garantir l’exactitude de mon choix, il me semble que la valeur de 11,7°C ne doit pas être loin de la vérité. Voici un graphique qui présente, avec cette valeur, la différence entre les anomalies de l’IPSL et celle de MF. Comme vous le voyez, c’est une jolie crosse de hockey qui apparaît.

CrosseDeHockey

Le problème vient de l’année 2009, et il faut reconnaître que MF m’avait prévenu.

Deuxième tentative, en arrêtant le graphique juste avant cette année mystérieuse :

Ecarts

Même dans un monde idéal où le fichier de l’IPSL correspondrait à celui de MF, le fait que l’IPSL ait arrondi à un seul chiffre après la virgule fait que la courbe ne pouvait pas être parfaitement horizontale et située à la hauteur zéro : il y aurait forcément eu quelques fluctuation dues aux arrondis. Sauf que ces fluctuations ne peuvent normalement pas sortir d’un intervalle de taille 0,1°C. Par exemple, si, comme il est le plus logique, les arrondis de l’IPSL ont été faits au plus proche dixième (en arrondissant 0,43°C à 0,4°C et 0,47°C à 0,5°C, par exemple), alors la courbe ci-dessus devrait rester à l’intérieure d’une bande horizontale limitée par les valeurs -0,05 et +0,05. Pour tenir compte des imprécisions dans mes mesures, on peut pousser jusqu’à -0,06 et +0,06, mais pas plus. Chaque écart dépassant 0,06 (en plus ou en moins) correspond donc à une année pour laquelle l’IPSL et MF divergent. Cela se produit dans 28 cas. Sur 111 années, cela fait tout de même un taux d’erreur de 25 %.

Si c’est cela que Météo France considère comme des données « en cohérence », alors nous n’avons pas la même définition du mot.

Précisons que cette divergence reste qualitativement le même lorsqu’on change la valeur de référence (11,7°C), c’est-à-dire, de manière équivalente, qu’on fait glisser la bande horizontale autorisée vers le haut ou vers le bas (en pratique, ce qui est gagné d’un côté est perdu de l’autre).

Enfin, j’ignore s’il faut chercher une tendance quelconque dans cette courbe des écarts entre MF et l’IPSL. Le fait que les données de MF soient homogénéisées à partir de 1947 a-t-il quelque chose à voir avec le décrochage particulièrement brusque qui se produit au début des années 1950 ? Coïncidence, peut-être.

À suivre…

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51.  chercheur | 23/10/2014 @ 1:13 Répondre à ce commentaire

Bob (#46),

Merci pour ces graphiques que je trouve parfaitement superposés.
Il y a des moments où la correspondance est très nette et d’autres non.
Mais mon propos n’est pas là. Toutes mes remarques sont résumés dans le document australien que vient de publier joletaxi. Qu’attend on pour faire un travail identique en France?
Cela fait longtemps que contrairement à joletaxi, il me parait tout à fait vraisemblable que l’ensemble des services officiels chargés de synthétiser les données se soient livrés à des falsifications. Je considère depuis longtemps que toutes ses histoires, qui ont été initiées par les écologistes, relèvent de la pratique religieuse dogmatique. Quand il faut des preuves pour répondre au dogme, on n’hésite pas à les fabriquer. Ils sont persuadés d’agir pour le bien de l’humanité. Ils sont « la lumière du monde » pour paraphraser une célèbre religion.

52.  Murps | 23/10/2014 @ 13:18 Répondre à ce commentaire

chercheur (#51), je ne pense pas qu’ils aient l’impression de « falsifier » les données. Ils les présentent de la manière qu’ils croient juste…
C’est un biais de confirmation qui n’est pas si choquant lorsqu’on défend une conviction politique ou… une religion !

53.  chercheur | 23/10/2014 @ 15:33 Répondre à ce commentaire

Murps (#52),

Ce qu’ils croient juste, c’est la nécessité de sauver la planète du capitalisme, de la consommation et de la surpopulation.
Personnellement je suis toujours choqué de voir quelqu’un vouloir imposer une manière de vivre aux autres. Rien ne le justifie, ni une conviction politique, ni une religion.

54.  de Rouvex | 23/10/2014 @ 15:42 Répondre à ce commentaire

chercheur (#53), ils doivent être choqués que vous aimeriez qu’ils respectent la vérité scientifique, ils pensent peut-être que c’est une sorte de religion scientiste que vous prônez là ?? 😕

55.  Murps | 23/10/2014 @ 17:06 Répondre à ce commentaire

de Rouvex (#54), non, non pas du tout.
Je suis comme vous scandalisé par cette présentation qui fait fi de l’honnêteté scientifique, voire de l’honnêteté tout cours.
Je cherche simplement une explication rationnelle – psychologique – à un comportement qui n’est pas rationnel.
Quand un voleur se fait prendre la main dans le sac, il nie souvent et ment comme un arracheur de dent. La mauvaise foi est une forme de défense et je pense que ça caractérise la climatologie moderne.

56.  joletaxi | 23/10/2014 @ 17:16 Répondre à ce commentaire

Murps (#55),

Je cherche simplement une explication rationnelle – psychologique – à un comportement qui n’est pas rationnel.

vous avez une explication à ceci?

http://quadrant.org.au/opinion.....ave-world/

Jouzel a un un physique inquiétant, mais cela me semble une explication très superficielle non?

57.  MichelLN35 | 23/10/2014 @ 17:58 Répondre à ce commentaire

joletaxi (#56),

C’est exactement ce que j’allais dire, il faut aussi lire la présentation de Jo Nova et le débat sur son site :

http://joannenova.com.au/2014/.....more-39033

Quand on sait que Jouz, avec ses pairs, ose reconnaître qu’il ne croit plus en ce qu’il dit mais qu’il est responsable de la situation de 1000 personnes qui dépendent de lui et quer donc il ne peut pas faire marche arrière.

Le résultat c’est qu’en cours de physique et à l’agrégation on « doit » enseigne que c’est la température de la vitre qui surchauffe l’atmosphère de l’intérieur de la serre en « absorbant » tous les infrarouges ré-émis par le sol.

On comprend alors que ces gens veulent nous voir passer à la kalach ou au fusil d’assault et que ce sera fait par nos petits enfants, « éduqués » par la BD. Mais croire que Jouz ne sache pas que la moyenne des températures n’est pas une température et que la terre n’est pas un corps noir, je ne gobe plus. Il faudrait bien qu’un jour, ils payent tous.

58.  Anecdote | 23/10/2014 @ 18:51 Répondre à ce commentaire

Bonsoir
En se basant sur les données de Jones sur les 30 stations de Météo-France sélectionnées pour estimer le réchauffement, voici ce que j’obtiens jusqu’à maintenant, parmi d’autres résultats :
– Sur la période 1961-2010 : un réchauffement de +0.98°C à Bordeaux-Mérignac, +0.83°C à Toulouse-Blagnac, mais +0.50°C à Perpignan et +0.42°C à Limoges-Bellegarde. Faites votre choix pour la tendance moyenne pour le sud-ouest de la France…
– Sur la période 1951-2000 : un réchauffement de +0.64°C à Lyon-Bron, +0.51 à Strasbourg mais +0.08°C à Dijon…

59.  joletaxi | 23/10/2014 @ 19:36 Répondre à ce commentaire

de toute façon, la polémique sur les t°, c’est un combat d’arrière garde.

nos brillants esprits ont découvert que si la terre était en déséquilibre énergétique, le seul endroit où pouvait se cacher l’énergie, c’est dans l’eau

http://wattsupwiththat.com/201.....me-things/

et là, je vous vois mal aller contester quoi que ce soit, car on est en plein brouillard.
et ainsi ,la saga peut continuer

60.  joletaxi | 23/10/2014 @ 19:40 Répondre à ce commentaire

MichelLN35 (#57),
je suis bien d’accord avec vous, mais comment imaginer que partout dans le monde, tous les offices en charge poursuivent le même but, et sont prêts à toutes les acrobaties?

En dehors d’une mauvaise foi crasse, ce véritable endoctrinement planétaire de pratiquement tous les scientifiques , climato et périphériques,a de quoi me sidérer

je n’ai aucune explication , ni même un début d’explication.

61.  Bob | 23/10/2014 @ 23:33 Répondre à ce commentaire

joletaxi (#60),

je n’ai aucune explication , ni même un début d’explication.

Follow the money !
Pour les scientifiques, si tout cela s'écroule, plus de bourses, plus de recrutements, plus de contrats juteux, plus de promotions, plus de médailles, plus de prix, d'invitations à la télé et même, in fine, plus de labo.
C'est une spirale infernale. Une addiction suicidaire. L'analogue de Wall Street avant Septembre 29.
Je pense qu'ils s'en rendent compte et qu'au moins, les leaders en sont parfaitement conscients.
Mais comment arrêter ce truc, sans trop de casse tout en restant "riche" et sans perdre sa crédibilité ?

62.  yvesdemars | 24/10/2014 @ 14:00 Répondre à ce commentaire

Bob (#61),
ou l’analogue de la bulle immobilière US qui explosa à partir de 2007 et culmina avec la faillite de Lehmann Brothers

63.  Murps | 24/10/2014 @ 23:23 Répondre à ce commentaire

joletaxi (#56), oh la vache !
Jouz’ qui fait la pub d’une bd ou on déquille des santaclaus à la kalachnikov pour sauver la planète…
Franchement, ça sent l’internement psychiatrique. Ca vaut largement la secte des Goniox.

Et Le Treut qui a gagné un prix phil’ Morris.

« Explication rationnelle »…
J’ai parlé peu vite.
Bob (#61), oui, mais tout cet argent pourra partir dans des trucs plus utiles.

64.  yvesdemars | 25/10/2014 @ 11:04 Répondre à ce commentaire

Murps (#63),
Jouzel est mûr pour la Syrie, inutile de le retenir …