L’été 2100 en France selon les modèles-cocorico

par Benoît Rittaud.

Il va sans doute falloir publier une évaluation, car il n’y a rien à sauver du rapport sur le climat en France au XXIe siècle, celui-là même qui a permis à la presse de claironner partout qu’on allait griller vifs en 2100 avec « jusqu’à +5,3°C » d’augmentation de températures. Il y a tellement d’inexplicables bizarreries, plus manifestes les unes que les autres, que pour les présenter toutes il se pourrait qu’un tel audit soit plus long que le rapport lui-même. Je traiterai aujourd’hui du cas de l’évolution de la température moyenne en France métropolitaine pour les étés de la fin du siècle (période 2071-2100). Elle est présentée dans la figure 3 page 16 que voici (seul le graphique de droite nous intéresse).

RapportFigure3

Comme il est dit dans la légende, « les enveloppes colorées correspondent à l’intervalle 5%-95% de l’ensemble », ce qui permet au scénario RCP8.5 de tutoyer les températures d’une authentique poêle à frire : +8°C à l’horizon 2100. (Aladin-Climat, dans un effort méritoire, dépasse déjà les +6°C en 2100, comme quoi le ridicule ne tue pas.)

C’est pratique, les intervalles 5%-95% : ça permet à la zone rouge de monter beaucoup plus haut qu’avec un 25%-75%. Voyez en effet ce qui apparaît dans les diagrammes en boîte tout à droite, et notamment le petit rectangle orange, qui délimite précisément les 25e et 75e centiles pour la moyenne 2071-2100 : rhô, y monte moins haut, çui-là, hein ?

Autre avantage des enveloppes 5%-95% sur les enveloppes 25%-75% : seules les premières permettent aux modèles français (Cocorico-WRF et Cocorico-Aladin) de ne pas être en-dehors des clous par rapport aux moyennes des modèles européens utilisés pour faire les enveloppes. Regardez bien notre petit rectangle orange de droite : au-dessus, vous voyez une astérisque (*), et au-dessous un petit diamant (◊) : ce sont les prévisions de nos deux modèles-cocorico, l’un au-dessus des clous du 75e centile et l’autre au-dessous de ceux du 25e. Et que nous dit le texte associé ?

RapportFigure3Com

En un mot donc : les divergences c’est pas notre faute, l’important c’est que ça va chauffer. Aucune note critique sur l’incapacité des deux modèles à donner des valeurs raisonnablement proches l’une de l’autre et en cohérence avec les autres modèles européens.

Qu’en est-il de la répartition spatiale des évolutions de température ? Voici venu pour cela le temps des Mignons Petits Hexagones. Ceux du scénario médian en émissions, RCP4.5, sont les suivants (figure 6, page 20) :

 RapportFigure6

Cocorico-WRF est en-dessous du 25e centile et Cocorico-Aladin au-dessus du 75: à nouveau pas vraiment la franche entente entre les deux, donc, ce qui n’empêche pas le rapport de plastronner :

RapportFigure6Com

Pour le scénario à fortes émissions (RCP8.5), nous avons droit à la figure 7, en page 21.

RapportFigure7

Bis repetita : pour 2071-2100 Cocorico-WRF ne chauffe pas assez et Cocorico-Aladin chauffe trop. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le rapport juge à nouveau opportun de congratuler les modèles :

RapportFigure7Com

Prodige de la moyenne directionnelle, qui unit l’axe Nord-Sud de Cocorico-WRF et l’axe Est-Ouest de Cocorico-Aladin en un axe Nord-Ouest/Sud-Est qui met d’accord tout le monde. Il est vrai que quand on a absolument envie de se rassurer sur les modèles, on peut hypertrophier la singularité niçoise effectivement au Sud-Est pour oublier le reste. Parce qu’à part cette singularité, il faut quand même être vraiment très très indulgent pour prétendre que ces figures appuient la valeur des modèles.

Et dire qu’il y a 162 Mignons Petits Hexagones…

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51.  Bob | 11/12/2014 @ 17:11 Répondre à ce commentaire

dontcare (#50),

Les résultats des modélisations sont trafiqués ?

Bien sûr que non. C’est totalement inutile en matière de modélisation.
GIGO suffit amplement.

52.  dontcare | 11/12/2014 @ 17:13 Répondre à ce commentaire

Bob (#51),

Bah oui, c’est pour cela que j’étais étonné…

53.  the fritz | 11/12/2014 @ 19:46 Répondre à ce commentaire

Bob (#51),
Oui , j’étais un peu troublé par l’appel de Sandrine Bony à écouter son speech à l’académie

analyser ces processus à l’aide d’une hiérarchie de modèles de complexités différentes et, lorsque c’est possible, de les évaluer à l’aide d’observations.

C’est vrai qu’on peut faire un nouveau modèle , un de plus, hiérarchiser, puis prendre celui qui vous arrange le plus