OCO-2 versus Salby

Par Bob

Oups !  je sais que c’est une question chaude. Certains ont des certitudes et des idées bien arrêtées.
Ce n’est pas mon cas.

Mais on peut regarder avec des chiffres, juste pour faire avancer le débat.
Prenons ça pour de la curiosité…

Beaucoup d’entre nous ont été intéressés par les toutes premières cartographies issues d’OCO-2, le nouveau satellite US qui identifie les sources d’émission de CO2 sur la planète qui a publié sa première image (ci-dessous).
L’indice -2 attribué à ce satellite rappelle que l’exemplaire OCO-1 avait été pulvérisé avec son lanceur lors du crash de ce dernier qui s’est produit il y a quelques années. Il faut rester prudent au sujet de cette image car la cartographie OCO-2 ci-dessous ne correspond qu’à quelques 6 semaines de données (autour de décembre 2014). Ceux qui voudraient savoir comment cette distribution des émissions de CO2 varie au cours de l’année peuvent jeter un coup d’oeil sur la galerie des images données par le projet japonais GOSAT.

oco-2.jpg

L’échelle des couleurs qui va du bleu au rouge sombre couvre la séquence 387ppm à 402.5 ppm ce qui paraît être un faible écart. Mais, en réalité, le satellite mesure la concentration d’une très haute colonne de CO2, laquelle est largement homogénéisée durant son ascension dans l’atmosphère. Les différences de couleur ne sont donc,  en première approche et faute de connaître le gradient vertical de la concentration de CO2 , qu’une indication de  la répartition géographique des puits (en bleu) et des émetteurs (en jaune -rouge) de CO2.

Comme on le peut le voir, il y a beaucoup de zones rouges et jaunes (les émetteurs de CO2), en particulier dans les océans de l’hémisphère Sud. On en voit moins dans l’hémisphère Nord et on identifie peu de foyers industriels sur les continents à l’exception notable de la chine. Les spécialistes disent que les zones rouges des continents de l’hémisphère Sud seraient dues aux incendies de forêts ou de savane…Peut-être. Quoique pour l’Amazonie…euh.

source de l’image OCO-2 (j’ai rajouté un trait noir horizontal indiquant la position de l’équateur).

Il m’est revenu en mémoire que Murray Salby avait montré une corrélation assez nette entre le flux net de CO2 (autrement dit le taux d’accroissement du CO2 dans l’atmosphère et non pas le taux de CO2) et la température de la surface du globe ou de  la basse atmosphère de la planète. A noter que Salby n’est ni le seul ni le premier à avoir fait cette observation. Voici un des graphes qu’il montrait lors de ses présentations. Il ne couvrait que la période allant de  1980 à 2008 et utilisait les températures RSS-MSU appelée « surface conditions », le tout étant lissé avec un filtre passe-bas de deux ans.

salby15.jpg

Vous pouvez, vous même, visualiser cette corrélation avec Wood For Trees comme l’a fait un des lecteurs de WUWT. On compare la dérivée temporelle du taux de CO2 dans l’atmosphère, c’est à dire le taux de variation, avec l’anomalie de température UAH. Le résultat est assez bluffant. Mais on peut reprocher à cette technique d’utiliser la différentielle (la dérivée temporelle) qui minimise le fond continu, c’est à dire la tendance à long terme.

De fait, la relation observée  par Salby (et celle que vous voyez dans le graphique Wood for trees) peut s’écrire de la manière suivante  où <-> signifie ici proportionnel à.

d(CO2)/dt <->T

Sans que l’on puisse, à proprement parler, déterminer le sens de la causalité (s’il y en a une !) à partir de l’observation d’une telle corrélation. Est-ce le taux d’augmentation du CO2 qui crée une variation de température ou est-ce la température qui crée une variation du taux de CO2 comme le pensent Salby et quelques autres (Humlum et al.)  ?

L’idée :

Tester la corrélation de Salby sur une plus longue durée à partir des données disponibles, mais cette fois-ci en distinguant les « surface conditions » des deux hémisphères entre elles ainsi que celles des terres et des océans de chaque hémisphère et ceci au moins depuis 1959 (date des premiers relevés directs du taux de CO2 dans l’atmosphère). Si les flux nets de CO2 sont assez nettement localisés comme semble le montrer la carte fournie par OCO-2, cela devrait (pourrait), peut-être, se voir sur les corrélations. Nous pourrions alors (au moins) voir si les résultats des corrélations « de Salby » sont cohérentes avec les images données par OCO-2 et donc valables à l’échelle locale (comme doit s’y attendre Salby).

Les sources :

Source des anomalies de température (HadSST (océans)) et Crutem (continents) repiquées sur Wood for Trees, en utilisant  « compress = 12 » pour obtenir  les moyennes annuelles (par exemple pour les océans de l’hémisphère Sud).
On obtient évidemment les mêmes résultats en partant des données originales HADSST sur le site du Hadley d’où sont automatiquement extraites  les données WFT.  La source des incréments annuels de CO2  se trouve  sur NOAA -Mauna Loa.  A noter qu’il s’agit bien des « flux net de CO2« , c’est à dire de la résultante annuelle des échanges globaux dans les deux sens qui, apparemment, enrichissent chaque année, l’atmosphère en CO2.

Voici  deux exemples de graphes obtenus en superposant les incréments annuels globaux de CO2 avec les relevés des températures des océans pour chacun des deux hémisphère. Les graphes correspondants vont de 1959 à nos jours (du moins à la date de fin des données disponibles au moment de l’écriture de ce billet (Déc. 2014)).

En bleu les données de l’incrément annuel du CO2 (le flux). En rouge, les données des températures de surface des océans.

A gauche pour l’hémisphère Sud et à droite pour l’hémisphère Nord.

hadsst3-sh.jpghadsst3-nh.jpg

Comme on peut le voir, hormis pour  les deux ou trois ans  qui ont suivi l’explosion du Pinatubo (1992) la corrélation de Salby est assez bonne pour les océans de l’hémisphère Sud. Elle est un peu chancelante pour ceux de l’hémisphère Nord. Nous verrons cela avec des chiffres, ci-dessous.

Quid de continents ?  Voici, la même manip avec les données CRUTEM3v qui donnent les anomalies de températures des terres de l’hémisphère Nord (à droite) et Sud (à gauche)

crutem3v-sh.jpgcrutem3v-nh.jpg

Cette fois-ci, pour les continents, c’est à peu près l’inverse de ce qui se passe pour les océans. A première vue, la corrélation semble un peu meilleure pour  les continents de l’hémisphère Nord que pour ceux de l’hémisphère Sud. Mais ces deux corrélations apparaissent moins bonnes que pour les océans de l’hémisphère Sud.

Pour en savoir un peu plus, nous calculons (au moyen des régressions traditionnelles)  les coefficients de corrélation entre les séries de température et celles du flux de CO2.

Voici, à titre d’exemple, une image des corrélations observées pour les océans de l’Hémisphère Sud (HS) et de l’Hémisphère Nord (HN) . Pour les visualiser, on plotte (comme ils disent) le taux d’augmentation annuelle du CO2 en fonction de la température des océans des deux hémisphères. A gauche, les océans de l’hémisphère Sud et à droite ceux de l’Hémisphère Nord. Comme on le voit, effectivement, la corrélation est meilleure (moindre dispersion des points autour de l’approximation linéaire) pour les océans de l’Hémisphère Sud que pour les océans de  l’Hémisphère Nord.

correlhs.jpgcorrelhn.jpg

Le calcul des coefficients de corrélation confirme les impressions visuelles. On trouve :

Température de surface des océans  (HadSST)

Hémisphère Sud : R = 0.77  (0.81 si on retire les deux années 1991-1992 du Pinatubo)

Hémisphère Nord : R = 0.59  (0.62 si on retire les deux années 1991-1992 du Pinatubo)

Température de surface des continents

On trouve :

Hémisphère Sud : 0.59

Hémisphère Nord : 0.70

D’où on peut « déduire » à partir de ces graphiques de corrélations « de Salby » et en suivant son point de vue, que  les émissions de CO2 « doivent » avoir lieu de manière prépondérante dans les océans de l’hémisphère Sud plutôt que dans ceux du Nord. Les continents de l’hémisphère Nord émettent un peu moins que les océans de l’hémisphère Sud mais plus que les terres de l’hémisphère Sud et que les océans de  l’hémisphère Nord.

Autrement, dit toujours dans la même optique, selon ces graphiques indépendants de l’image de OCO-2 et réalisés dans l’esprit de la corrélation de Salby, une majorité des émissions qui se retrouvent dans l’atmosphère viendrait des océans de l’Hémisphère Sud,  suivi des continents de l’HN Nord, suivis des océans du Nord et des continents du Sud, ces deux derniers étant à peu près à égalité.

Si on a un peu les yeux de la foi (il faut les avoir en climato), c’est effectivement à peu près ce que semble indiquer la cartographie donnée par OCO-2 quoiqu’on aurait attendu un meilleur score des terres de l’HS au vu des taches rouges observées en Afrique et en Amérique du Sud. Mais, peut-être est-ce une simple question de saison ?

Autrement dit, cette petite analyse sans prétention montre, au moins, un certaine cohérence entre les observations de Salby (et autres)  et les observations du satellite OCO-2.

On peut aussi penser que l’équation précédente ( d(CO2)/dt <->T) dont, a priori, on ignore le sens (Est-ce la température qui gère le flux de CO2 ou est-ce le flux de CO2 qui gère la température ?) doit plutôt se lire dans  le sens suivant :
T ->(CO2)/dt . C’est à dire qu’il semble que ce soit la température qui gère les variations (rapides) des flux net de CO2

Mais tout cela ne concerne que les variations à court terme et ne dit rien sur les variations à long terme.

Il est fort possible que les fluctuations annuelles du flux local de CO2 soient dues aux émissions de CO2 résultant des variations de la température locale sans que cela implique que la relation va dans le même sens pour les variations à long terme et pour le globe.
Autrement dit cela ne prouve pas que les émissions anthropiques ne jouent aucun rôle, à moyen et long terme.

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101.  Mano | 24/05/2015 @ 3:01 Répondre à ce commentaire

CK66 (#100), « le nouveau directeur de GISS ( G .Schmidt ) qui n’est que mathématicien »

Mince alors, tout comme Benoit Rittaud? comme c’est bizarre…

En fait il est diplômé en mathématiques appliquées et a effectué des travaux en climatologie.

Oups, pas comme Benoit Rittaud…

Et il fait de la paléoclimatologie (ça c’est pour the fritz qui pense qu’il n’y a que ça qui compte)

A part ça Gavin Schmidt n’est « ni de près , ni de loin diplômé[s] en relation avec la météo et/ou la climatologie … »

Quant à Oreskes ou Cook, ils ne sont pas climatologues, mais qu’est-ce qui les empêche de publier un papier sur les travaux en climatologie afin de déterminer la proportion de ceux qui acceptent le fait scientifique que la température augmente anormalement et que c’est à cause de l’activité humaine (les 97%) par rapport à ceux qui le nient (les 3%)?

Vous même qui n’êtes pas climatologue vous pourriez faire la même étude, ce n’est pas si compliqué que cela, d’autres qu’Oreskes et Cook l’ont fait et devinez quoi, ils ont confirmé les 97% de Cook.

Au fait, Naomie Oreskes n’a jamais prétendu être climatologue, elle est professeur d’histoire des sciences et est parfaitement qualifiée pour parler de climatologie au niveau historique et sociétal ; que vous n’aimiez pas ses conclusions est parfaitement compréhensible, elles vont à l’encontre de vos convictions intimes et vous n’êtes de toute évidence pas capable de les accepter.

102.  ck66 | 24/05/2015 @ 5:56 Répondre à ce commentaire

Très juste comme Benoît . Rittaud … qui n’est pas directeur de Météo-France .!
Quant a Naomi . Oreskes , pour une non spécialiste , je trouve qu’elle se pose là et participe a toutes les campagnes de désinformation et tout récemment de dénigrement via son bouquin mis en image … il est donc évident que je n’adhère ni a ses conclusions , ni a son consensus … car ce n’est qu’une vue de l’esprit et non une réalité in situ .

103.  the fritz | 24/05/2015 @ 22:39 Répondre à ce commentaire

Mano (#101),

Et il fait de la paléoclimatologie (ça c’est pour the fritz qui pense qu’il n’y a que ça qui compte)

Je m’absente un peu et hop , Mano en profite pour dire plein de conneries
Bien sûr que la paleo climatologie , c’est la seule climatologie de vraie ; la climatologie actuelle , on appelle cela de la météorologie , et la climatologie du futur , ou celle du GIEC, on appelle cela les visions de Madame Soleil