Lendemain de bataille

par Benoît Rittaud, alias Ben (membre du Collectif des climato-réalistes).

L’émission d’hier sur France Culture au cours de laquelle j’ai débattu avec Jean-Pierre Dupuy a été d’une rare violence. Je n’avais plus connu ça depuis un débat télévisé il y a quelques années face à Alain Lipietz.

On s’est serré la main au début, il y a eu un bref round d’observation avant l’émission, où Jean-Pierre Dupuy m’a montré sa tablette pour m’expliquer qu’il avait sous les yeux mon livre « au format Kindle ». Sauf que mon livre (il s’agit du Mythe climatique) n’est jamais paru dans un quelconque format numérique. Je soupçonne donc fort Jean-Pierre Dupuy de l'avoir téléchargé illégalement, sans l'assumer. Mais comme à ce moment-là j’espérais encore un débat normal entre nous, j’ai fait semblant de croire à son très probable bobard. [MàJ : autant pour moi, Le Mythe climatique existe au format Kindle. Merci à Svecan pour l'info. L'éditeur ne m'avait jamais prévenu. Mes excuses à Jean-Pierre Dupuy pour ce soupçon infondé.] [2è mise à jour : ce très cher Jean-Pierre Dupuy a bel et bien acheté le livre sur Kindle. "Achat vérifié" sur Amazon, où il a laissé le commentaire suivant pour lequel je ne lui ferai pas l'honneur d'un procès pour injure :

CommentaireDupuy

]

Mes espoirs de débat normal n’ont pas duré. Les auditeurs ont dû très vite sentir la tension qui s’est installée. Le « meilleur » (si l’on peut dire) s’est pourtant déroulé hors-micro. C’est allé au point où, pendant une pause où Jean-Pierre Dupuy se faisait particulièrement vociférant et ordurier, Adèle Van Reeth, la présentatrice de l’émission, a carrément menacé de le faire évacuer du studio. En quelques dizaines de minutes, il est ainsi passé du statut d’invité de marque à celui de quasi-importun. Inutile de dire que sur le visage des personnes qui écoutaient en régie se lisait une certaine consternation : dans une émission philosophique sur France Culture, on ne doit pas souvent assister à ce genre de pétage de plombs.

Ledit pétage de plombs a trouvé son prolongement après l’émission, où Jean-Pierre Dupuy m’a, dans le ton courtois et posé que vous imaginez, enjoint de reconnaître que j’étais un « escroc », avant d’ajouter que j’étais un « sale type » et qu’il « espérait bien ne jamais [me] revoir. » Le tout devant quelques témoins qui ont donc pu admirer la grande classe du personnage ainsi que le niveau élevé de son discours philosophique, à la fois richement argumenté et ouvert à la discussion.

Sur l’émission elle-même, il me faut remercier et féliciter Adèle Van Reeth, pour avoir mené un débat difficile de façon très professionnelle, et aussi, bien sûr, pour avoir eu le courage de laisser la parole à un climatosceptique-mangeur-d’enfants. Pouvoir présenter un argument un peu long en recevant écoute et attention, ce n’est pas si courant dans les médias. L’animatrice a peut-être eu un peu le défaut de sa qualité, en revanche, lorsqu’elle a supporté sans broncher les interminables monologues de Jean-Pierre Dupuy à la fois confus, soporifiques et hors-sujet. Mais bon, là (comme sur le reste d’ailleurs), je suis évidemment un peu partial (un tout petit peu…).

Jean-Pierre Dupuy s’est montré d’une intolérance dogmatique qui m'a fait froid dans le dos. J’ai trouvé particulièrement effrayante sa façon de vouloir faire mon procès à partir de citations tronquées de mon livre (voire inventée, pour l'une d'elles), interprétées de façon tendancieuse. D’autre part, sur le volet philosophique, où en principe il aurait dû être à son affaire, il m’a semblé d’une indigence intellectuelle tout à fait étonnante. Une fois passées à l’écumoir, il ne reste à peu près rien de substantiel de ses risibles logorrhées dans lesquelles il se perdait lui-même. Ses propos du genre : « la théorie de Newton est fausse, on le sait depuis Einstein » n’étaient rien d’autre que de l’épistémologie de comptoir — pour ne pas dire de bazar.

Ce n’est pas juste que nous étions en désaccord : à mon sens, il n’était tout bonnement pas au niveau, comme l’a illustré son incapacité à saisir les ressorts mathématiques du pari de Pascal (qui ne devraient quand même pas être si compliqués pour un polytechnicien).

Au fait, si vous voulez svoir pourquoi je suis un « escroc » et un « sale type » : ce n’est pas parce que j’aurais interrompu ici ou là Jean-Pierre Dupuy ou que je me serais mal comporté à tel moment avec lui, mais parce que je persiste à affirmer qu’en probabilités zéro fois l’infini ça fait zéro. Il faudra transmettre l’info à tous les auteurs de manuels de probas et de théorie de l’intégration qui, depuis un bon siècle, propagent cette honteuse escroquerie.

Après quelques heures, le souvenir de cette émission suscite en moi deux réactions antagonistes. La première est égoïste et prévisible : je pense qu’entre Jean-Pierre Dupuy et moi il n’y a pas eu photo et que les auditeurs de France Culture s’en sont rendu compte. (Ce n’est bien sûr rien de plus que mon impression.)

Victoire, donc. Mais victoire tout de même un peu amère. En effet, lors de mon débat télévisé avec Alain Lipietz, l’agressivité de mon contradicteur d’alors n’avait pas la même portée. Alain Lipietz est une personnalité politique secondaire, marginale dans son propre parti (qui, de mémoire, a d’ailleurs fini par l’exclure) — sans compter que la politique est un lieu traditionnel d’excès verbaux.

Avec un Jean-Pierre Dupuy, les choses ont une autre résonance, car que je le veuille ou non, il s’agit d’un collègue. Et même d’un collègue au CV brillant, auquel j’ai peu de chances de pouvoir comparer le mien un jour. Il s’agit donc de quelqu’un qui ne devrait avoir aucun mal à déployer son intelligence, sa culture, sa capacité à présenter clairement un argument et à rester dans un sujet. Si quelqu’un comme lui en est incapable, cela signale, en creux, que notre élite intellectuelle n’est tout simplement pas à la hauteur de sa mission.

En criminalisant les opinions adverses (il est signataire de l’Appel pour stopper les crimes climatiques), en se refusant à être mon contradicteur pour tenter de se faire mon juge, ce n’est pas seulement moi que Jean-Pierre Dupuy a choisi comme ennemi. C’est l’idée même de pensée libre.

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101.  Curieux | 26/09/2015 @ 13:22 Répondre à ce commentaire

Gros prix de consolation Ben, vous avez une très bonne critique de votre livre « La peur exponentielle » sur « Pour la Science ». Le discour de la raison semble de mieux en mieux entendu.

102.  Ben | 26/09/2015 @ 17:33 Répondre à ce commentaire

Curieux (#101), merci, mais vous faites erreur : le prix de consolation, c’est pour le perdant.

103.  etienne | 7/10/2015 @ 15:30 Répondre à ce commentaire

Au delà de l’agressivité de Dupuy, c’est surtout son argumentation qui est complètement foireuse.
Le bonhomme « raisonne » comme une peau de tambour, ce qui en dit long sur l’état de confusion mentale de nos réchauffistes.
Ca doit être un mélange de panique et de délire narcissique: en réalité, les réchauffistes intelligents et cultivés savent bien qu’ils défendent une cause indéfendable intellectuellement.
Ca les rend aggressif, et ils se mettent à dérailler.

Aucun de ses développement soi-disant « savants » ne tient la route, et n’apportent rien au débat:

-Son « paradoxe » sorite (ou paradoxe du tas) sur l’infiniment petit est totalement hors sujet, et comme on peut le lire sur wiki, pratiquement inopérant, puisque reposant sur une définition oiseuse: on ne sait pas définir quantitativement une qualité – ici être un « tas ». Et surtout, on voit pas ce que ça vient faire là.

-Qu’on le prenne dans tous les sens qu’on veut, 0 fois quelque chose, même l’infini – qui n’est pas une catégorie du réel, mais une simple abstraction pensable – c’est toujours 0.
Aussi, si on parvient à démontrer que les émissions de GES n’ont AUCUN impact sur le climat, alors le débat sera clos, quelques soient l’ampleur et la magnitude des « risques » associés à ce supposé réchauffement. Toutefois cette condition n’est pas nécessaire pour rejeter le carbocentrisme: il suffit pour cela que cet impact hypothétique soit faible. Nul besoin donc d’en appeler au zéro et à l’infini pour traiter du sujet.

-L’observation d’un seul cygne noir suffit à réfuter l’énoncé « tous les cygnes sont blancs ». Il faut le rejeter de façon absolue – après avoir vérifié bien sûr que l’observateur n’est ni fou ni daltonien, c’est-à-dire 1) qu’il sagit bien d’un cygne 2) qu’il est bien noir.
L’incapacité manifeste des modèles à prédire correctement les observations suffit largement à les réfuter, et doit conduire à les rejeter, contrairement à ce qui est fait.

Dupuy ne connaît manifestement pas le sujet et croit pouvoir appliquer le raisonnement faible probabilité x grande magnitude, qui fonctionne bien pour les risques nucléaires, au « risque » climatique – qui n’en n’est un que pour ceux qui sont convaincus de l' »emballement » – alors que les risques nucléaires sont eux bien réels et bien connus.

C’est typique du mandarin qui a techniquement cessé de penser et de « chercher », et se contente de faire fonctionner sa petite boutique d' »expert » épistémologue en risques et catastrophes, en l’appliquant à tout et n’importe quoi – ce qui lui occasionne des profits considérables, tant sur le plan financier que social et symbolique.

Or:

-il n’y a pas de théorie du climat comme le dit Ben, mais un bricolage agrégé d’équations mathématiques décrivant des phénomènes physiques vrais localement, mais dont on ne connait pas les interactions complexes ni les propriétés macroscopiques. Au contraire, on connaît très bien les phénomènes de physique nucléaire à l’oeuvre dans les centrales et potentiellement catastrophiques.

-le raisonnement probabiliste, contrairement à ce que fait le GIEC systématiquement (vrai à x%), ne s’applique pas aux modèles actuels, puisque que l’incertitude de modèles défaillants fondés sur aucune théorie robuste ne se mesure pas – et certainement pas par ces modèles EUX-MEMES.

-même dans le cas où on accorderait une confiance aux modèles, en acceptant une probabilité x d’accélération anthropique du réchauffement, la magnitude elle-même – ici la sensibilité climatique, évaluée au doigt mouillé ente 1,5 et 4,5° par le GIEC – est d’une part manifestement surévaluée, et d’autre part finalement très faible au regard des catastrophes nucléaires par exemple.

-le raisonnement circulaire du « réchauffement » catastrophique qui s’accélère tout seul n’est ni réfutable ni démontrable: soit le seuil est franchi et nous ne serions plus là pour en parler, soit il n’est pas encore atteint, mais il n’y a aucun moyen de prouver ni son existence, ni sa valeur s’il existe.
Un raisonnement logique simple et intuitif suggère même que si un tel processus existait, il se serait déjà produit et la terre serait déjà depuis longtemps une fournaise, homme ou pas homme. Tout concourt à penser que les rétroactions négatives sont telles qu’un tel processus initié par l’homme et ensuite autoentretenu de façon accélérée n’existe pas ailleurs que dans la tête des réchauffistes.

-le raisonnement du « pari pascalien » comme le dit Ben est totalement absurde, puisqu’il peut s’appliquer à n’importe quel postulat, y compris le plus fantaisiste (l’existence du croquemitaine, la venue du Messie ou de l’Imam caché, des martiens, de l’Apocalypse etc…) – ce qui est d’ailleurs le cas de celui de l’existence d’un Dieu absolument transcendant.

Il est EVIDENT que le principe de précaution, tout à fait raisonnable en lui-même, ne peut et ne doit s’appliquer qu’à des phénomènes suffisamment connus – même imparfaitement – pour ne pas aboutir à des décisions parfaitement absurdes, sinon néfastes.

-l’épistémologie de Lakatos que Dupuy croit appeler en renfort contredit justement le dogmatisme de Dupuy et de la science dominante du climat: si ce champ de recherche fonctionnait « normalement », il devrait y avoir « concurrence » entre réchauffistes (la « science dominante ») et sceptiques (ceux qui s’attachent à répondre aux « anomalies » des modèles), et non pas hégémonie autiste des réchauffistes.

Lakatos décrit – selon wiki – la coexistence d’un paradigme « progressif » (générateur de connaissances nouvelles, capable de prédire des faits inédits et d’absorber les anomalies, gagnant en influence) et d’un paradigme « régressif » (devenu incapable de prédire des faits inédits, perdant de l’influence et des adeptes parmi les scientifiques).

Or l’accumulation des moyens financiers par la science orthodoxe et la censure systématique des approches alternatives empêche l’émergence du paradigme « progressif » au profit de l’hégémonie du paradigme « régressif », qui conduit à cette bizarrerie: bien incapable de « prédire des faits inédits » ni d' »absorber les anomalies », ne générant aucune « connaissance nouvelle » , le paradigme réchauffiste continue à garder son influence et ses adeptes.

Il s’agit donc typiquement d’une crise, voire d’un dysfonctionnement majeur de la climatologie sur le plan épistémologique et scientifique, si l’on suit Lakatos, qui vient ici desservir la thèse de Dupuy.

On voit bien ici que notre « philosophe » est paniqué et use d’arguments sophistiques à côté de la plaque, voire défavorables à sa thèse, et il n’est guère étonnant qu’il finisse par un argument d’autorité (« vous avez perdu la partie ») dont le caractère dérisoire et infantile a fini d’achever une prestation désastreuse.
Non seulement c’est un piètre professeur (il expose très mal les principes qu’il décrit), mais en plus il n’y a pas l’once d’un contre-argument valide dans ses diatribes.