En mémoire de Bill Gray

William Gray, un spécialiste des ouragans, est mort il y a quelques jours.

Pour lui rendre hommage, voici un texte qu’il a écrit en 1996, bien avant que Trenberth se mette à chercher de la chaleur manquante au fond des océans, ou que des climatologues essayent de retrancher les la nina des courbes de température pour éradiquer la pause.

Merci à Scaletrans pour cette traduction en express, et à PU pour héberger tant de trésors.

PREVISION DES CARACTERISTIQUES DE CIRCULATION GLOBALE DANS LES 25 PROCHAINES ANNEES par William M. Gray (écrit en 1996) Département de Science de l’Atmosphère, Université d’Etat du Colorado, Ft Collins, CO 80523.

CONTEXTE. Durant le dernier quart de siècle la circulation globale s’est comportée sur plusieurs plans de façon distincte de ses caractéristiques générales du quart de siècle précédent (mi années 40 à fin années 60). Par comparaison avec la période précédente ou avec le climat à long terme, la période depuis 1970 a vu :

  1. Anomalie SST positive de l’hémisphère sud moins l’hémisphère nord,
  2. Vents d’ouest de moyenne latitude plus forts sur le Pacifique et l’Atlantique et moins de blocage de l’Atlantique Nord,
  3. Conditions El Niño plus fortes et plus fréquentes,
  4. Conditions de sécheresse au Sahel,
  5. Moins d’ouragans majeurs sur l’Atlantique,
  6. Petite augmentation des températures globales de surface, et
  7. Beaucoup d’autres changements.

Ces changements récents du quart de siècle semblent être d’origine naturelle. L’auteur suppose qu’ils sont une conséquence du ralentissement marqué de la circulation thermohaline (ou convoyeur) de l’Atlantique intervenue à la fin des années 60. Ce ralentissement de la circulation océanique était une conséquence de la brutale décroissance de la salinité en Atlantique Nord à cette époque. Mais des observations plus récentes montrent que la salinité de l’Atlantique a augmenté dans les dernières années. Il est probable que nous voyons actuellement une circulation thermohaline plus forte. Cela va probablement causer un retournement des conditions décrites ci-dessus. Des changements en plus ou en moins dans la force de la circulation thermohaline sur une échelle multi-décennale ont été avérés ou inférés par une multitude d’observations remontant à des siècles et des milliers d’années jusqu’au derniers âge glaciaire.

S’il se produit un retour aux conditions de circulation globale plus typique de l’époque d’il y a 25-50 ans, nous devrions assister alors à un retournement général des caractéristiques de circulation globales incluant une légère diminution de la température de surface globale. De nombreux météorologues ont interprété l’augmentation de la température globale de surface depuis la fin des années 60, et l’augmentation générale de température globale de surface depuis 1900 comme une preuve du réchauffement global par des gaz à effet de serre d’origine humaine. Mais il y a probablement d’autres explications plausibles des tels changements de température globale. Il est plus probable que les changements de température globale du dernier siècle sont une réponse à des changements de température naturels qui ne sont pas, ou très peu liés à l’augmentation des gaz à effet de serre d’origine humaine. Les changements de la température de surface semblent résulter des variations de la circulation thermohaline globale.

2. CHANGEMENTS DE LA CIRCULATION THERMOHALINE DE L’ATLANTIQUE

Il est probable que l’altération multi décennale de la force de la circulation thermohaline de l’Océan Atlantique (fig. 1) est le mécanisme principal de l’essentiel de la circulation globale multi décennale et des variations climatiques qui ont été observées dans le dernier demi siècle et les époques passées. La portion Atlantique de la circulation thermohaline fait partie d’une bien plus grande circulation océanique globale.


Figure 1: Illustration du principe de la circulation thermohaline de l’Atlantique. L’eau très saline gèle et coule dans l’extrême l’Atlantique Nord, amenant vers le nord par compensation une couche de surface plus chaude d’eau fortement saline (d’après Broecker, 1991).

Lorsque la partie atlantique du tapis roulant global s’écoule plus rapidement que la normale, les circulations globales et les courants océaniques revêtent des caractéristiques qui sont différentes de celles qui sont associées à une circulation du tapis roulant plus faible que la normale. Lors des périodes de forte circulation du tapis roulant, la température de surface de la mer (SST) tend à se réchauffer mais les autres SST globales tendent à se refroidir. Un petit refroidissement de la surface globale vient de ce que plus d’eau chaude océanique est captée des océans tropicaux et envoyée vers l’Atlantique Nord où il coule (en raison de sa forte salinité), de plus, l’est Pacifique et les océans de l’hémisphère sud, en raison du relâchement de l’activité d’El Niño, ne reçoivent pas autant d’eau chaude de la région chaude du Pacifique ouest.

On sait que les températures globales de surface tendent à augmenter durant les événements El Niño et sont plus basses en leur absence. Une forte circulation du tapis roulant Atlantique provoque un refroidissement progressif des températures globales de surface. De telles conditions de refroidissement ont été observées durant les périodes 1870-1899 et 1943-1968 lorsque la baisse progressive des températures globales de surface fut observée (Fig. 2). Les conditions inverses se produisent lorsque le tapis roulant atlantique s’affaiblit. Un tapis roulant faible amène un refroidissement des eaux de surface de l’Atlantique Nord.

Une partie de l’eau supérieure plus chaude de l’océan normalement délivrée en Atlantique Nord lorsque le tapis roulant est fort reste au contraire sur les parties plus larges des océans et provoque une élévation générale de la température. C’est durant ces périodes de réduction de la circulation du tapis roulant que le Sahel ouest connaît des conditions sèches, que l’activité cyclonique aux basses latitudes est supprimée, et que se produisent des El Niño plus fréquents et plus forts. Ce sont aussi les époques où les températures globales de surface augmentent. Ces conditions de faible circulation du tapis roulant et d’augmentation de la température globale de surface se sont produites durant les années 1900-1942, et de nouveau se produisent depuis 1968.


Figure 2: Portrait de quatre périodes multi-décennales avec différentes forces de tapis roulant, pluies au Sahel, activité des ouragans en Atlantique et fréquents événements El Niño majeurs, et tendance de la température globale de surface.

Ces variations concordantes de paramètres météorologiques de base qui sont associées à des changements sous entendent une relation directe de cause à effet. Il est probable que l’essentiel du réchauffement global ayant pris place depuis la fin des années 60 est du aux altérations de la circulation océanique globale provoquées par un affaiblissement substantiel de la force du tapis roulant atlantique. Ces changements de base de la circulation océanique ne devraient pas être attribués à l’augmentation des gaz à effet de serre d’origine humaine. L’Atlantique Nord étant la principale région océanique où l’eau de surface coule en profondeur (en raison de conditions spéciales de haute salinité), il est important de comprendre les causes d’une telle variation d’immersion. Si l’immersion dans l’Océan Atlantique Nord était ralentie (comme cela s’est apparemment passé depuis la fin des années 60) alors les océans tropicaux enverraient moins d’énergie vers le Pôle dans l’Atlantique Nord. Cette énergie normalement exportée vers l’Atlantique Nord se traduirait à la place par un lent réchauffement des autres régions océaniques alimentant en particulier l’Océan Indien et le Pacifique Ouest.

Un réchauffement graduel et lent des océans en dehors de l’Atlantique Nord se produirait. De tels changements se sont produits depuis le début des années 70. On a observé qu’il y a eu une brusque montée de la fréquence et de l’intensité des événements El Niño depuis la fin des années 60 quand le tapis roulant Atlantique est censé avoir entamé un affaiblissement substantiel. On doit noter que les événements El Niño furent moins fréquents et moins intenses durant les 25 ans entre 1943 et 1967 quand le tapis roulant de l’Atlantique Nord était censé être beaucoup plus fort. Et les événements El Niño prévalaient moins lors des trois dernières décennies du 19ième siècle (1870-1899) quand la pluviosité dans l’ouest du Sahel et l’activité cyclonique avaient augmenté, alors que les températures globales semblaient s’être quelque peu refroidies. Donc, il se peut que le réchauffement général des SST globales que l’on a observé depuis la fin des années 60 soit une conséquence des altérations multi décennales caractéristiques du tapis roulant Atlantique et de la réponse naturelle de la température globale à ces changements de la force du tapis roulant.

3. CHANGEMENT DE TEMPERATURE GLOBALE DU A L’AUGMENTATION DES GAZ A EFFET DE SERRE ANTHROPIQUES

Il est probable qu’il n’y a pas eu et qu’il n’y aura pas de réchauffement significatif des températures globales de surface dues aux gaz à effet de serre d’origine humaine dans les 25-30 prochaines années. Ceci peut-il être vrai lorsque la plupart des modélisations de gaz à effet de serre indiquent un réchauffement substantiel ? Oui, parce que les preuves d’un réchauffement par les gaz à effet de serre proviennent de modèles numériques relativement compliqués qui contiennent un nombre d’hypothèses physiques sur l’humidité et les processus nuageux qui peuvent mal simuler la véritable atmosphère. Ceci est particulièrement le cas en ce qui concerne la boucle de rétroaction positive de la vapeur d’eau qui figure dans presque toutes les simulations de modèles.

Les processus de rétroaction de la vapeur d’eau représentent approximativement 75-85 pour cent des 2-4° C de réchauffement global que les simulations de modèles montrent se produire avec un doublement du CO2. Presque tous les résultats des modèles de gaz à effet de serre montrent que l’atmosphère augmenterait son taux de vapeur d’eau si les gaz à effet de serre anthropiques augmentent. C’est cet accroissement de la vapeur supplémentaire qui est prévu causer la majorité du réchauffement du aux gaz à effet de serre anthropiques dans les simulations globales. L’auteur pense que la vapeur d’eau de moyenne et haute altitude subit une légère décroissance (et non une croissance) quand les gaz à effet de serre anthropiques augmentent.

4. LES CHANGEMENTS DE LA TEMPERATURE GLOBALE DE SURFACE ATTENDUS DANS LES PROCHAINES DECENNIES

Depuis la fin 1994 une nouvelle organisation des caractéristiques des SST de l’Océan Atlantique est en cours. Ces modifications des SST s’effectuent à grande échelle et sont importantes par comparaison avec des modifications intervenant dans les périodes classiques de deux ans. Nous formulons l’hypothèse que ces changements sont dus à une modification majeure de la circulation thermohaline ou « tapis roulant » dans l’Océan Atlantique. La salinité de l’Atlantique Nord s’est accrue largement. Ces changements sont également cohérents avec d’autres modifications de circulation globale intervenues depuis 1 ou 2 ans. Il semble que nous assistions à une transition majeure vers une circulation thermohaline plus forte dans l’Océan Atlantique. Il s’est passé presque trois décennies depuis que le modèle d’anomalie de la SST a connu une telle différence entre nord (chaud) et sud (froid) comme observé actuellement. Nous nous attendons à ce que ces changements de la disposition des SST de l’Atlantique amène une activité cyclonique intense (ou majeure) dans les années à venir et un petit refroidissement de la température globale de surface. Il est probable que les changements de la température globale moyenne de surface seront provoqués par la nature plutôt que par des influences anthropiques et iront vers un faible refroidissement, non un réchauffement.

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1.  Nicias | 20/04/2016 @ 18:12 Répondre à ce commentaire

pop

2.  Araucan | 20/04/2016 @ 23:45 Répondre à ce commentaire

Est ce que les prédictions de ce texte sur la circulation thermohaline se sont vérifiées ? En particulier la salinité nord-atlantique ?

3.  miniTAX | 21/04/2016 @ 0:21 Répondre à ce commentaire

Araucan (#2), William Gray a vu juste sur les cycles multidécennales d’el Nino & la Nina. Par contre, il a faux sur la circulation thermohaline car il s’était basé sur des pseudo-mesures de débits qui se sont révélés fausses. Depuis, avec les bouées Argo notamment, on s’est rendu compte, tada surprise, qu’on en sait beaucoup moins sur cette circulation qu’on pensait (en termes de débit, répartition, saisonnalité, modification de la salinité…). Et surtout qu’on ne sait rien du tout sur son évolution dans le temps. Karl Wunsch, à l’époque de la sortie de The Climate Swindle avait déjà averti du manque de mesures fiables, des incertitudes béantes et d’une « science » basée uniquement sur des modèles. Les choses n’ont pas avancé d’un pouce depuis puisque le projet Argo n’a pas atteint les objectifs d’implantation et qu’on a jamais réussi à mettre en place un système de mesure homogène dans le temps et dans l’espace (demandez-vous pourquoi les données brutes d’Argo ne sont pas dispo publiquement comme promis, tout comme celles de OCO2).
Mais bon, c’est comme tout le reste de la « science » Nintendo climatologique : un gaspillage monstrueux d’argent public pour rien (on n’a toujours pas réussi, malgré des centaines milliards dépensés en modèles et en super-ordinateur à réduire l’incertitude sur la sensibilité climatique par rapport ce qu’avait trouvé le rapport Charney aux graphiques fait à mains levées en… 1979 !). Avec tout l’argent public bouffé par cette vaste hystérie planétaire, on aurait put établir des bases permanentes sur la Lune et envoyer des hommes sur Mars.

4.  AntonioSan | 21/04/2016 @ 18:15 Répondre à ce commentaire

Et il n’etait pas le seul bien sur…

5.  Nicias | 21/04/2016 @ 22:19 Répondre à ce commentaire

miniTAX (#3),

William Gray a vu juste sur les cycles multidécennales d’el Nino & la Nina. Par contre, il a faux sur la circulation thermohaline car il s’était basé sur des pseudo-mesures de débits qui se sont révélés fausses

Donc il a fait une prédiction correcte (le retournement de l’AMO en gros) avec des données fausses. Bullshit…
Il se base sur des mesures de la salinité, pas des mesures du débit. Enfin c’est ce qu’il dit.

AntonioSan (#4),

J’ai très fortement pensé à Leroux en lisant ce texte.
Gray ne parle pas de l’arctique, c’est dommage. cf l’article « Leroux et el nino » et entre autre le graphique des températures de l’arctique qu’il contient avec le retournement en ~1995.

6.  Nicias | 21/04/2016 @ 22:27 Répondre à ce commentaire

AntonioSan (#4),

Je me demande dans quelle mesure on peut assimiler les deux états de la circulation thermohaline que décrit Gray avec les modes de circulations rapides et lents tels que pensés par Leroux.

7.  Araucan | 21/04/2016 @ 22:54 Répondre à ce commentaire

miniTAX (#3),
Merci !

8.  scaletrans | 22/04/2016 @ 9:44 Répondre à ce commentaire

Nicias (#6),

Assimiler, non, je ne le pense pas, mais il y a un lien quelque part.

9.  lemiere jacques | 23/04/2016 @ 8:29 Répondre à ce commentaire

quand un climatologue me dit qu’il comprend un truc global , j’ai un doute…D’où vient cette aversion à reconnaître que compte tenu des données, compte tenu de l’etat de la science et de la nature intrinsèque du bidule couplé et surcouplé, on n’est pas en état de comprendre et de prévoir?
Un type aurait il fait des prévisions qui se seraient révélées justes sur la base d’une théorie que je serais sceptique …
Puisque qu’il faut ou bien 30 ans pour obtenir une mesure climatique locale, puisque rien de global n’est bien mesuré, toute vérification de théorie climatique va prendre du temps.
Avec un raisonnement de nature qualitative faisant intervenir différents paramètres vous pouvez en général tout dire et tout expliquer.
Reste que gray est respectable…

10.  Murps | 23/04/2016 @ 23:55 Répondre à ce commentaire

lemiere jacques (#9),

Avec un raisonnement de nature qualitative faisant intervenir différents paramètres vous pouvez en général tout dire et tout expliquer.

Voui.
Dans la « nature de la physique », Feynmann explique bien qu’une théorie trop vague n’est pas prouvable et donc n’a aucun intérêt scientifique.