Des ressources hydriques difficiles à anticiper

Les incertitudes demeurent importantes : même si l’augmentation de température accélère le cycle hydrologique, on éprouve encore des difficultés à en prévoir les conséquences. Les modèles doivent être améliorés et leur utilisation être raisonnable et… raisonnée.

Bernard Tardieu

Des propos diplomatiques digne d’un dignitaire d’académie scientifique. Hug avait signalé la parution d’un livre intitulé Le climat, science, diplomatie et solidarité de Bernard Tardieu. J’ai survolé un premier chapitre sur le niveau des océans et c’est un simple résumé de la position du GIEC par un sous-fifre. Bernard Tardieu a un cv et une spécialité :

Il a été vice-président de la Commission internationale des grands barrages, président du Comité français des barrages et réservoirs, vice-président du Comité d’orientation de la recherche en génie civil (1985-1995), membre du Conseil scientifique d’IRSTEA (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture). Il est membre du Comité technique permanent des barrages et ouvrages hydrauliques, membre du Conseil scientifique d’EDF…

Du coup je me suis tout de même tapé un second chapitre que je vous livre ici.

Par Bernard Tardieu, Président de la Commission « Énergie et changement climatique » de l’Académie des technologies

L’eau est omniprésente à la surface de la planète, eau douce et eau salée, eau continentale de surface et souterraine, eau des mers et des océans, sous forme liquide, de neige ou de glace. Elle est indispensable à la vie. Elle est aussi employée à diverses fins, par exemple pour la production d’énergie ou comme support pour des moyens de transport (fluviaux ou maritimes). Par ailleurs, la dynamique climatique est liée à celle des grandes masses océaniques et à la répartition atmosphérique de la vapeur d’eau. Réciproquement, son cycle est modifié par l’évolution du climat. De ce fait, divers usages en dépendent (agriculture, énergie, eau potable et domestique, besoins des écosystèmes). Elle peut aussi être un facteur de risque (inondations, pluies intenses, coulées torrentielles, sécheresses). Elle permet la diffusion et le transport d’éléments minéraux ou organiques. Enfin, la lecture « au fil de l’eau » est un bon moyen de suivi, de compréhension des activités humaines et de leurs effets sur l’environnement.

Les impacts attendus du réchauffement climatique sur les différentes formes d’eau sont divers et importants. Certains commencent à être bien documentés, d’autres font l’objet de recherches et d’approfondissements afin de les établir solidement, de raffiner les modèles prévisionnels et d’orienter les politiques publiques. Parmi les principaux effets observés ou attendus on peut citer :

• des variations dans les précipitations, y compris neigeuses, en fréquence, en intensité et en moyenne, et des variations dans les débits des fleuves en moyenne ou en amplitude de variation. Les modèles proposent des scénarios qui peuvent avoir des conséquences positives ou négatives selon les lieux et les types. Les scénarios pour la France métropolitaine ont été analysés dans un document récent : Climat de la France au 21e siècle, ONERC, G. Ouzeau, M. Déqué, M. Jouini, S. Planton, R. Vautard (du ministère de l’écologie et du développement durable sous la direction de Jean Jouzel). La France est située dans une zone climatique intermédiaire où les incertitudes sont les plus fortes, ce qui rend l’approche très complexe ;

• les glaciers continentaux qui sont des réserves d’eau douce dont la fonte de printemps et d’été participe au débit des rivières. Une partie des précipitations d’eau ruisselle ou s’infiltre jusqu’aux nappes souterraines : c’est l’eau bleue, qui peut être prélevée par pompage et utilisée par l’homme. Une partie s’infiltre dans le sol superficiel (1 à quelques mètres) puis est reprise soit par évaporation directe depuis la surface, soit par les racines et évapotranspirée par la végétation : c’est l’eau verte, capitale pour le monde végétal.

Dans le monde, 6 300 km3/an d’eau verte sont utilisés annuellement pour l’agriculture pluviale (eau verte) et 1 800 km3/an pour l’irrigation (eau bleue) sans compter les pertes d’eau d’irrigation (environ 700 km3/an). En France, 86 % de l’eau des précipitations utilisée (eau bleue et verte) sert à l’agriculture. La consommation d’eau bleue est à 48% pour l’irrigation. Dans le monde, l’utilisation d’eau bleue se répartit entre 70% pour l’irrigation, 22% pour l’industrie et 8% pour la consommation domestique. Cette importance relative de l’irrigation est très variable en fonction du climat et de la stratégie des pays. Par exemple, au Maroc, 48% des prélèvements d’eau bleue sont destinés à l’irrigation, en Tunisie 80%, en Algérie moins de 60%.

On estime aujourd’hui que dans certains pays, l’irrigation se fait en extrayant des aquifères des volumes d’eau supérieurs à la recharge annuelle moyenne, ce qui conduit à vider ces aquifères d’une fraction plus ou moins grande de leurs stocks, ce qui ne peut pas durer indéfiniment. Dans l’ordre décroissant d’importance, les pays concernés sont l’Inde (35 km3/an), le Pakistan (18 km3/an), les USA (16 km3/an), l’Iran (14 km3/an), la Chine (11 km3/an), le Mexique (6 km3/an). Ces chiffres proviennent, pour partie, de modélisations hydrologiques et, pour une autre, de mesures du champ de gravité réalisées depuis l’espace par le satellite GRACE.

Le total mondial de ces prélèvements sur les stocks d’eau douce serait de l’ordre de 125 km3/an, soit environ 5% de toute l’eau utilisée dans le monde pur l’irrigation (2 510 km3/an en 2000). Mais ces estimations sont très imprécises. Dans le monde, plus de 70% des barrages ont l’irrigation comme vocation première (l’énergie hydroélectrique est la vocation principale de moins de 25% des barrages).

La consommation d’eau pour l’énergie est faible, même si les prélèvements sont importants. En effet, l’eau prélevée est immédiatement rejetée dans le milieu. La génération d’électricité thermique requiert une source chaude et une source froide obtenue par circulation de l’eau d’un fleuve, de la mer ou en évaporant de l’eau dans des tours. Par exemple, sur le Rhône, les centrales nucléaires de Bugey et Cruas (à tours de refroidissement), plus Saint-Alban, Tricastin (sans tour de refroidissement) consomment 4,5 m3/s en moyenne alors que le débit d’étiage est de l’ordre de 600 m3/s à Beaucaire. Dans certains cas, l’énergie peut entrer en compétition avec l’irrigation en saison sèche. Pour cette raison, beaucoup d’usines thermiques sont construites en bord de mer.

L’énergie hydroélectrique ne consomme presque pas d’eau. Dans certains cas, les lacs de retenue évaporent plus que l’espace végétal qu’ils remplacent, surtout dans les pays désertiques, ce qui fait baisser localement la température. Cette évaporation correspond à une consommation d’eau faible. Pour le barrage d’Assouan, construit en Égypte en plein désert, on l’estime quand même à 12% de la ressource, soit environ 10 km3/an. La production hydroélectrique dépend du débit des rivières, de la hauteur de chute et du volume de stockage. En ce sens elle est directement impactée par la modification des débits des rivières.

La production agricole est sensible aux modifications saisonnières et interannuelles des ressources en eau et à leur évolution tendancielle, davantage pour l’agriculture pluviale que pour l’agriculture irriguée. Ces variations ont un impact sur la productivité et sur les types de culture ou d’élevage développés.

Les ressources en eau sont soumises à de fortes variations dans le temps, avec des sortes d’alternances pluriannuelles de périodes sèches ou humides, variables selon les types de climat et donc selon les régions. Il est donc essentiel de tenter d’anticiper les tendances des variations des ressources en eau associées au changement climatique et difficilement discernables au sein de la grande variation naturelle des pluies et des chutes de neige.

Ce que dit le Giec

Un document de synthèse a été émis par le Giec en juin 2008, « Le changement climatique et l’eau », document technique VI du Giec. Les auteurs soulignent que l’attribution des causes des changements des précipitations mondiales n’est pas claire du fait que ces dernières sont fortement influencées par l’amplitude de la variabilité naturelle. Le sujet de l’évapotranspiration est abordé :

  Il n’existe que peu de littérature sur les tendances observées en matière d’évapotranspiration réelle ou potentielle ». […] « Un résultat extrêmement fiable est que le réchauffement climatique donnerait lieu à des variations saisonnières de l’écoulement fluvial là où une grande partie des précipitations hivernales tombent actuellement sous forme de neige, avec des débits printaniers inférieurs en raison de la baisse ou de la précocité de la fonte de neige, et des débits hivernaux supérieurs. C’est notamment le cas dans les Alpes européennes, en Scandinavie et autour de la mer Baltique, en Russie, dans la chaîne de l’Himalaya ainsi que dans l’ouest, le centre et l’est de l’Amérique du Nord.

Le rapport ne propose pas de conclusion sur la quantité de neige et les tendances perçues. En 2015, la quantité de neige a été très exceptionnellement élevée en Norvège. Le phénomène El Niño joue un rôle essentiel dans les oscillations climatiques à l’échelle pluriannuelle. « Les observations disponibles jusqu’à présent ne font pas état d’un changement formellement détectable de la variabilité du phénomène ENSO (El Niño – Southern Oscillation, El Niño — oscillation australe) ». La figure 6.1 qui suit montre les courbes d’anomalies qui caractérisent El Niño depuis 1950.

Dans le rapport du GIEC, il est dit qu’aucune corrélation solide n’est décelée entre température et ressources hydriques. Le résumé exécutif est plus conclusif :

 Le réchauffement observé pendant plusieurs décennies a été relié aux changements survenus dans le cycle hydrologique à grande échelle, notamment : l’augmentation de la teneur en vapeur d’eau de l’atmosphère, la modification de la configuration, de l’intensité et des extrêmes des précipitations, la diminution de la couverture neigeuse et la fonte des glaces accrue, ainsi que la modification de l’humidité du sol et du ruissellement. Les changements dans les précipitations sont très variables à l’échelle spatiale et d’une décennie à l’autre. Au cours du xxe siècle, les précipitations ont surtout augmenté sur les continents dans les latitudes les plus septentrionales, tandis que des diminutions ont principalement touché les latitudes comprises entre 10°S et 30°N depuis les années 1970. La fréquence des épisodes de fortes précipitations (ou la partie des précipitations totales imputable à de fortes pluies) a augmenté dans la plupart des régions (probable).

Les sources d’eau douce sont essentiellement la pluie et la neige. Leur volume dépend d’éléments très complexes dont la température. Les modèles physiques du climat sont loin d’être robustes. Les observations sont peu démonstratives. Que peut-on conclure, sinon que l’effort doit porter sur l’amélioration des modèles afin de réduire les incertitudes des scénarios du futur ?

De fait, le paragraphe 10.3.2 « Water Cycle » du rapport du groupe 1 (WG1) du GIEC de 2014 montre que des tendances commencent à être décelées dans l’analyse des précipitations. Cependant, la plupart des traitements sont faits sur un demi-siècle, ce qui est très court. Les tendances constatées seraient plus saisonnières que sur les valeurs moyennes. Ce qui est certain du point de vue thermodynamique, c’est que le cycle hydrologique est plus intense quand la température augmente, car l’atmosphère contient plus d’eau sous forme vapeur, liquide ou glace. On peut en déduire une tendance à long terme concernant l’intensification des pluies. Quand cela sera-t-il significatif pour les cultures ? L’influence des modifications de la couche d’ozone semble constatée avec un bon degré de confiance pour la zone antarctique, mais ce problème est maintenant en passe d’être résolu par l’interdiction de l’usage des gaz CFC considérés comme responsables de ce trou dans la couche d’ozone (et d’un effet de serre) et, selon la NASA, celle-ci sera bientôt dans son état pré-anthropique.

Des études pour les grands projets de transferts d’eau

Au Maroc, les rapports réalisés à la demande du ministère en charge de l’eau « Projet 2015 » (transfert d’eau nord-sud) reprennent les données hydrauliques sur des séquences qui débutent en 1915 pour la pluviométrie et en 1939 pour les mesures de débit des grands fleuves. Aucune tendance n’est perceptible pour les débits. Une tendance est visible pour la pluviométrie à Tanger, mais l’industrialisation de la région peut avoir une influence sur la mesure. Les cycles sont bien visibles. Le rapport indique que l’on ne voit pas d’influence de la température sur les ressources hydriques et que l’on ne connaît pas l’évolution de l’évapotranspiration avec la température. On note que plus le climat est aride, moins il y a de corrélations. Les modèles de prévision de provenances variées indiquent des résultats qui varient de 20 à 160 % des valeurs actuelles.

Jessica Tierney, de l’institut océanographique Woods Hole aux US, et Pedro DiNezio, de l’université d’Hawaï, travaillent sur le régime des pluies dans les régions des Tropiques et du Pacifique pendant le dernier maximum glaciaire (allant de –26 000 à –19 000 ans), sur les conditions climatiques de la région de l’océan indopacifique, la principale source de chaleur et d’humidité pour l’atmosphère terrestre, plus sèches pendant le dernier âge glaciaire que pendant les périodes qui l’ont précédé et celles qui l’ont suivi (publié dans Nature, 19 mai 2013).

Ils ont comparé leur résultat avec celui fourni par douze modèles climatiques. Seul celui développé par le centre Hadley pour la prévision climatique et la recherche, installé dans les locaux du MET Office, l’organisme météorologique national du Royaume-Uni, a « trouvé » le phénomène…

La bonne nouvelle est que le modèle d’Hadley combiné aux preuves géologiques montre la voie d’une amélioration de nos capacités à simuler et prédire les régimes de précipitation dans les tropiques. Plus nous étudions les mécanismes à l’œuvre dans le passé, mieux nous pourrons prévoir les changements climatiques qui affecteront les milliards d’habitants de ces régions du monde.

Une étude intéressante a été présentée par l’IRD (Institut de recherche pour le développement) à l’université Montpellier II en 2012 sur l’analyse de l’évolution des chroniques de flux liquides dans les bassins du Congo et de l’Orénoque. Les figures 6.2 et 6.3 ci-après en sont tirées. Elles présentent les variations interannuelles des débits de grands fleuves tropicaux : le Congo, l’Oubangui, la Sangha, l’Amazone et l’Orénoque. La figure suivante montre le séquençage de la chronique de débits annuels du Congo à Brazzaville de 1903 à 2010 en périodes d’écoulements homogènes avec leurs moyennes interannuelles correspondantes.

La comparaison des débits des deux fleuves est intéressante, car le bassin versant du Congo est proche de l’équateur et dans l’hémisphère sud, loin vers l’est alors que le bassin versant de l’Oubangui est dans l’hémisphère nord. Il serait intéressant de pouvoir comparer les débits de l’Oubangui et ceux du Chari qui va vers le lac Tchad.

L’Orénoque est situé en Amérique du Sud, au nord du bassin de l’Amazone avec lequel il entre en contact par le Rio Negro durant certaines périodes de crues. La figure 6.4 illustre le séquençage de la chronique de débits minimum mensuels de l’Orénoque à Ciudad Bolivar de 1926 à 2010 en périodes d’écoulements homogènes avec leurs moyennes mensuelles respectives.


L’énergie électrique du Venezuela est majoritairement fournie par les aménagements hydroélectriques du Caroni, affluent rive droite de l’Orénoque (barrages de Guri, Tocoma, Caruachi, Macagua pour un total de 17 GW). Les variations de ressources du Caroni impactent directement les ressources énergétiques du pays.

La figure 6.5 suivante (archives Coyne et Bellier) est relative à l’exploitation du barrage de Kariba sur le Zambèze. Le lac Kariba est de très grande taille. Il régularise les débits du Zambèze. Le bassin-versant du Zambèze est situé sur les hauts plateaux angolais et alimenté par les pluies venues de l’Atlantique. On voit que le Zambèze est soumis à de grands cycles hydriques de 15 à 20 ans sans que l’on discerne une tendance.


Figure 6.5 Niveau du lac Kariba de janvier 1962 à janvier 2012

La figure 6.6 suivante montre sur une longue période, depuis 1905, les écarts de long terme cumulés qui témoignent de très longs cycles et donc de la difficulté de planifier avec certitude la construction et l’exploitation des infrastructures pour l’aménagement des fleuves. À chaque période sèche, l’inquiétude monte. Les populations riveraines du lac se déplacent vers la nouvelle position des rives du lac, près de 10 mètres plus bas (l’équivalent d’une forte marée qui dure 15 ans…).


Figure 6.6 Reconstruction des pluies annuelles en millimètres de 1800 à nos jours

Devant l’ampleur de ces grands cycles, il n’est pas possible, dans l’état actuel des connaissances, de distinguer des tendances. D’une façon générale, on ne distingue pas de tendance perceptible sur les débits des grands fleuves et les chercheurs ne voient pas d’influence directe du climat. En revanche, l’influence de l’augmentation du niveau des mers sur les débits estuariens pourrait induire des modifications en amont, par exemple sur des systèmes peu pentus comme l’Amazone ou l’Orénoque.

Le fait que l’on ne décèle pas de tendance évolutive des ressources hydriques, ni de corrélation entre la température et les ressources hydriques ne permet pas de conclure. Il n’y a pas de vraisemblance à supposer que le futur sera pire en tout lieu, comme si nous étions aujourd’hui dans un état d’optimum global exceptionnel. Le phénomène est tellement complexe et dépendant des particularités climatiques de chaque région que les modèles ne permettent pas, pour l’instant, de faire des prévisions hydrologiques vraiment crédibles (même si les températures sont bien mieux prévues) et cela d’autant plus qu’il n’y a que peu de mesures de calage, ni d’explications physiques complètes structurées de changements encore imperceptibles (ou se manifestant par des signaux très faibles). Pour la France, les météorologues ne mesurent pas clairement d’évolution des précipitations, alors qu’ils mesurent parfaitement l’augmentation des températures. Comme, par ailleurs, les prélèvements dans les fleuves et les nappes ont tendance à augmenter, la mesure d’une tendance à l’intérieur des variations météorologiques est réellement difficile. Les difficultés rencontrées pour tirer un bilan clair doivent nous inciter à approfondir la question (y compris dans les aspects mathématiques (instabilité, bifurcations…).

Dans son ouvrage Histoire du climat depuis l’an mil (éditions Flammarion, 1967), Emmanuel Le Roy Ladurie nomme « petit optimum médiéval » la période relativement chaude en Europe de l’ouest des années 800 à 1300 qui semble correspondre au climat d’aujourd’hui, une période plutôt favorable aux agriculteurs et aux consommateurs, même si la sécheresse était le « fait dangereux » de la zone méditerranéenne. Dans le reste de la France, l’excès d’humidité et le gel excessif étaient plus dommageables, comme il le montre pour le « petit âge glaciaire » (jusqu’en 1860). Nous n’avons pas d’archives historiques concernant des températures au-delà de plus ou moins 1 °C par rapport à la moyenne. En revanche, les archives paléontologiques (donc antérieures à la période historique) nous renseignent à ce sujet. Par exemple, on évalue une température de +12 °C par rapport à l’actuel au milieu de l’Éocène. Emmanuel Le Roy Ladurie commente avec son humour et sa modestie habituels : « Je suis trop paresseux pour m’occuper des ressources en eau, c’est beaucoup trop capricieux ». Dans ses livres, l’eau est présente tout le temps, puisque l’agriculture tient un rôle central, mais son étude historique n’est pas faite pour l’instant.

Un autre aspect de la question concerne l’impact de la température et des variations de ressources en eau sur la production agricole, et notamment vivrière. Si la température augmente, le cycle végétatif se raccourcit : plus il fait chaud, plus le temps passe vite pour la plante, jusqu’à une limite supérieure de 32-34 °C au-delà de laquelle la plante ne peut plus s’adapter. Il n’y a pas d’optimum de température. Les espèces et les variétés sont sélectionnées pour optimiser la production en fonction du climat local. Le monde agricole adapte sa pratique et ses sélections de production en fonction du climat, à l’intérieur de la variabilité qu’il a expérimentée. Par exemple, les catégories de précocité sont adaptées à la latitude. Pour les arbres, surtout ceux à croissance lente, l’adaptation est plus longue et peut avoir un coût pour les forestiers. Le monde agricole, même traditionnel, est dynamique et s’adapte en permanence.

Des perspectives délicates

Les incertitudes demeurent importantes : même si l’augmentation de température accélère le cycle hydrologique, on éprouve encore des difficultés à en prévoir les conséquences. Les modèles doivent être améliorés et leur utilisation être raisonnable et… raisonnée. C’était l’un des objets majeurs de la synthèse : Environnement : modélisation et modèles pour comprendre, agir et décider dans un contexte interdisciplinaire, de Claudine Schmidt-Lainé et Alain Pavé publiée en 2002 par Elsevier.

On voit aussi que l’étude du passé aux échelles historiques, préhistoriques et paléontologiques devrait être mieux prise en compte et même développée, au moins dans ce contexte. On conviendra que l’échelle historique correspond au passé pour lequel on dispose d’archives écrites, l’échelle préhistorique inclut les archives d’autres natures et enfin l’échelle paléontologique prend en compte les archives antérieures aux sociétés humaines. Ces travaux devraient concerner les variations climatiques et leurs effets en ajoutant, pour la période historique, l’histoire des techniques de gestion de l’eau, des pratiques et des produits agricoles. Bien entendu, toute recherche de progrès technologique améliorant la gestion des systèmes hydrologiques, plus généralement de la ressource en eau, stockage y compris, des milieux fluviaux et lacustres doit être privilégiée.

8 Comments     Poster votre commentaire »

1.  Nicias | 6/11/2017 @ 13:09 Répondre à ce commentaire

A notre que pour la « contre-cop » en décembre, on aura Ian Byatt, un britannique qui a le même genre de spécialité et semble vent debout contre les aménagements hydrique dimensionnés sur la foi des modèles.

2.  lemiere jacques | 8/11/2017 @ 8:01 Répondre à ce commentaire

normalement, on devrait nous expliquer comment est traitée l’hydrologie dans un modèle pour nous faire quelque peu accepter les résultats éventuels. mais sachant que d'(un point de vue d’un modélisateur me semble t il, la partie radiative du CO2 est supposée être bien « comprise » et que justement on fait des modèles complexes pour essayer de voir ce qui va se passer au point de vue hydrologique et circulatoire…les prédictions sont très périlleuse! sinon relèvent de logique circulaire ou fermée. du genre puisque pour faire une prédiction fiable il faut que les modèles convergent nous diront que si les modèles convergent la prédiction est fiable…

3.  lemiere jacques | 8/11/2017 @ 8:16 Répondre à ce commentaire

parler de cycles quand on voit das variations peut induire en erreur.. on a tendance à penser que le cycle est associé à une forme de périodicité…m^me si ce ‘est pas ce que dit sa définition…
mais justement la définition de cycle étant ambiguë parler de cycle n’amène rien de bon.

ça a varié comme ça…
sinon on a va encore se coltiner une analyse spectrale est des prévisions….

4.  Murps | 10/11/2017 @ 18:28 Répondre à ce commentaire

Article intéressant.
C’est certainement un grand professionnel de « l’aménagement hydrique » avec des compétences en génie civil, hydroélectricité, agriculture, sylviculture…
Mais par contre il semble avoir la foi en la valeur de la climatologie moderne :

Le phénomène est tellement complexe et dépendant des particularités climatiques de chaque région que les modèles ne permettent pas, pour l’instant, de faire des prévisions hydrologiques vraiment crédibles (même si les températures sont bien mieux prévues)

Bon, ben si les températures sont mieux prévues…
A moins qu’il n’évoque les variations de températures saisonnières, auquel cas je n’ai pas tout compris et sorti la phrase de son contexte…

5.  amike | 10/11/2017 @ 20:08 Répondre à ce commentaire

Murps (#4), La prévision pour lui, semble être à minima la détermination de la tendance future.

Il est à remarquer que cet expert fait un choix partagé par tous ceux qui partent de l’hypothèse du RCA : Alors que la seule démonstration du RCA est l’augmentation de la température moyenne mondiale,
il ne comprend le réchauffement que comme une hausse de la température diurne !
En effet, la TMG est un calcul sur le max et le min pendant 24 heures, et une moyenne qui augmente ne signifie pas une hausse en parallèle : elle peut être le seul fait des valeurs mini.
Les records de chaleur diurnes ne sont guère probants (écarts faibles, sur des lieux sans historiques, ou biaisés) alors que les valeurs mini sont plus crédibles.

Globalement et jusqu’à présent, le climat de la Terre s’est adoucit, et non pas décalé vers le haut du thermomètre.

6.  Nicias | 11/11/2017 @ 14:22 Répondre à ce commentaire

amike (#5),

Avec une température moyenne de 12°C en France comme sur la totalité des terres émergées alors que l’homme est un animal tropical, on ne peut parler que d’adoucissement.

7.  Nicias | 11/11/2017 @ 14:31 Répondre à ce commentaire

Murps (#4),

Concernant les températures, les modèles sont en accord avec les observations, ils sont paramétrés pour ça. Ils ne le sont pas pour tout le reste et pour les les précipitations, c’est du n’importe quoi (si non que globalement ils respectent la loi de Clapeyron-clausius, plus chaud–>plus humide–>plus de pluie). Le problème pour les précipitations et ce que découvre notre auteur est qu’on observe aucun changement (au moins pour les tropiques). C’est con, on ne s’y attendait pas mais c’est comme ça.

8.  lemiere jacques | 12/11/2017 @ 9:56 Répondre à ce commentaire

Nicias (#7), les températures sont mieux prévues parce que l’ignorance sur la météorologie est encore plus grande…la philosophie m^me des modèles est de considérer d’abord un forçage radiatif puis de faire des hypothèses concernant le flotte pour essayer de faire une météorologie hypothétique , alors bien sur les modèles reproduisent mieux les températures du passé … c’est la sempiternelle excuse des savants.ne voulant avouer leur ignorance..oui le type y connait un rayon en hydrologie…malheureusement pour lui ça ne l’aide à part grand chose pour prédire l’évolution future du climat…il pourrait le dire de but en blanc mais il ne le fait pas…

la loi de clapeyron clausisus…, certes… je serais assez curieux de savoir où quand comment vous l’appliquez..sans faire d’hypothèses..dans le cadre du climat…
nous ne sommes jamais dans un cas , m^me à petite échelle où les grandeurs macroscopiques sont clairement définies…

je vous rappelle que nous sommes dans un domaine..où les gens acceptent que l’océan a absorbé de la chaleur.et c’est m^me crucial pour la validité des modèles… mais par contre savoir comment se répartit cette chaleur autrement dit comment va varier la temperature de surface, la seule cruciale pour les flux de vapeur d’eau..est trop difficile..;alors alors rions un peu pourquoi la temperature de surface ne changerait pas du tout ?
quand on ne comprend pas on ne comprend pas.

alors me dire tu comprends si il y a plus de d’énergie thermique dans ce « système outrageusement caricaturé comme « vapeur d’eau flotte dans un état global d’équilibre « …le taux de vapeur d’eau va augmenter …je dis sans doute mais je serais bien en peine de le démonter m^me avec clausius clapeyron…

je vous en prie..montrez moi.

bon pour des masses d’eau « gérables entourées de terre…c’est peut être acceptable…pour le reste sorti de considérations générales très qualitatives…

pour appliquer clausius clapeyron il faut faire de la modélisation locale…avoir des pressions, des températures qui font sens thermodynamique.;et m^me là c’est déjà le foutoir.