L’Organisation météorologique mondiale enterre le réchauffement climatique


par Benoît Rittaud

Je ne pensais pas que ma boule de cristal était si efficace. Ce qui vient de se passer, je l’ai annoncé il y a quatre ans, en ne me trompant que d’un mois. Mais commençons par le commencement — ce qui, en l’occurrence, requiert paradoxalement de prendre les choses dans l’ordre chronologique inverse.

L’Organisation météorologique mondiale a publié un communiqué de presse pour préparer le Sommet 2014 sur le climat. (Vous ignoriez peut-être qu’un tel sommet allait se tenir, mais il faut s’y faire : ce genre de grand-messe ne s’arrête jamais.) Daté du 9 septembre, il s’intitule « La progression du dioxyde de carbone s’accélère » et nous promet comme d’habitude les flammes de l’enfer. Repris un peu partout dans les médias, il me semble important d’en aider à la lecture, car un communiqué de presse où apparaissent les mots « changement climatique » est un peu comme une petite annonce pour une voiture d’occasion : il faut lire entre les lignes.

Nous apprenons donc dans ce communiqué que la concentration atmosphérique en gaz à effet de serre (GES) a atteint un nouveau record en 2013, et que l’augmentation est « la plus forte augmentation interannuelle de la période 1984-2013 ».

Bon, déjà, une question : pourquoi 1984 ? Le communiqué ne le dit pas, en revanche, la fameuse rubrique « Planète » du site du journal Le Monde croit connaître la réponse : il s’agirait de la « date des premières mesures fiables ». Ce n’est pas très gentil pour les chercheurs de la station de Mauna Loa qui disposent en fait de données qui remontent à 1959, mais passons.

L’augmentation de la teneur atmosphérique en GES est un point qui n’est pas, ou peu, contesté. L’origine humaine de cette augmentation ne l’est guère plus (même si certains se posent des questions, mais ne lançons pas le sujet ici). La corrélation entre émissions de GES et PIB mondial suggère que l’augmentation de 2,7% de ce dernier entre 2012 et 2013 (calcul mené à partir des données de la Banque mondiale) doit conduire à une augmentation des émissions de GES. Le fait que l’on atteigne un « record absolu » de concentration des GES a donc partie liée avec le fait que le PIB mondial n’a jamais été aussi haut.

En revanche, le fait que la différence des concentrations entre 2012 et 2013 batte elle aussi le record ne cadre pas avec l’évolution du PIB, l’augmentation de ce dernier n’étant pas la plus forte de ces dernières années (sans même parler de la réduction tendancielle des émissions de GES par point de croissance). Lisez l’« Explication » avancée par l’OMM :

Des données préliminaires laissent supposer que cela pourrait être dû à la réduction des quantités de CO2 absorbées par la biosphère terrestre alors que les émissions de ce gaz continuent de croître.

Voilà qui n’est pas sans rappeler le « On s’autorise à penser dans les milieux autorisés qu’un accord secret pourrait intervenir… » commenté en son temps par le regretté Coluche au cours de l’une de ses célèbres revues de presse (passage à 4’20).

Tout le monde ne peut que se réjouir de l’élévation de la richesse globale de l’humanité (que cette élévation cache d’énormes disparités entre les croissances des différents pays est une autre question). Mais si cela se fait au prix d’une augmentation de la concentration en GES, le jeu en vaut-il la chandelle ? La question est de savoir ce que nous risquons. Et c’est là que le communiqué de l’OMM se surpasse :

 «La décision d’inclure dans ce numéro du Bulletin de l’OMM sur les gaz à effet de serre une section sur l’acidification des océans était nécessaire et vient fort à propos. Il est grand temps que l’océan, qui est le facteur déterminant du climat de la planète, soit dorénavant au centre du débat sur le changement climatique», a fait valoir Wendy Watson-Wright, Secrétaire exécutive de la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO.

«Si l’on estime que le réchauffement planétaire n’est pas une raison suffisante de réduire les émissions de CO2, il devrait en être autrement pour l’acidification des océans, dont les effets se font déjà sentir et ne feront que se renforcer dans les décennies à venir.

En bon promoteur du développement durable, l’OMM est donc en train de recycler le gaz carbonique : la Terre ne se réchauffant plus, l’OMM passe aussi discrètement que possible à autre chose. Les +6°C en 2100 dont on nous parlait encore il y a peu sont passés par pertes et profits : la « Pause » dans la hausse des températures qui dure depuis plus de 15 ans est passée par là.

Ainsi, qu’on se le dise : les carbocentristes ont désormais déserté le terrain du réchauffement climatique, au profit de l’acidification des océans. Et, je vous le disais en introduction, ma boule de cristal me l’avait prédit en janvier 2010.


137 réponses à “L’Organisation météorologique mondiale enterre le réchauffement climatique”

  1. Nicias (#100),

    D'ailleurs il persiste en qualifiant l'objet même de ce post de "détails" pour expliquer qu'il n'en ai pas parlé.

  2. Je pense que la meilleure politique est d’ignorer les pics de Mano. Pour en revenir au sujet, je vous donne cette page (en anglais) qui traite de la chimie des océans. Elle date de 3 ans. On y parle de l’acidité.
    Le diagramme de prédominance des espèces CO2 / HCO3- /CO3 2- y est bien indiqué.
    J’ai essayé de trouver quels pouvaient être les proxy (oui encore ces objets de polémique!) qui pourraient donner une idée du pH océanique dans un lointain passé. Mais sans résultats.
    De toutes manière si un tel proxy existait, je pense que son utilisation devrait être encore plus délicate que les proxy « température ».

    Si quelqu’un en connait?

  3. Bernnard (#102),

    J’ai un papier sur mon disque dur qui parle de sédimentation de CaCO3.
    Il cite :Zachos et al Rapid acidification of the ocean during the paleocene-eocene thermal Maximum Science 308

  4. Bernnard (#102),

    J’ai aussi « Atmosphèric carbon dioxide concentrations over the past 60 million years » Pearson et Palmer 2000 Nature
    Ils utilisent le pH des océans pour estimer la concentration de CO2 dans l’atmosphère smile
    « here we use the boron-isotope ratios of ancient planktonic foraminifer shells to estimate the pH of surface-layer sea water »

  5. Nicias (#104),

    Ils utilisent le pH des océans pour estimer la concentration de CO2 dans l’atmosphère

    épatant: on tourne en rond!

    Oui j’ai entendu parler de l’isotope du bore mais je n’en ai pas gardé de traces. Je continue à regarder si je trouve des choses.

  6. Bernnard (#106),

    Dans les époques les plus reculée, lorsque l’on a plus rien d’autre, ce sont les proxy de température qui sont utilisés pour estimer la concentration en CO2 de l’atmosphère^^

  7. Nicias (#107),
    Oui, cela reviendrait à dire que les proxy pH et température sont les mêmes ! smile
    Un bon proxy pH devrait être indépendant de la température si on ne veut pas tourner en rond.

    À mon avis, on n’est pas sorti de l’auberge !

  8. Nicias (#103),
    Si ces articles sont des pdf, vous pouvez éventuellement me les envoyer. Je les stockerai alors sur mon blog et en donnerai ici l’adresse, afin que chacun puisse les consulter, à commencer par Bernnard. De plus, il se pourrait qu’un jour j’en fasse usage…

  9. Bernnard (#108),
    Sur les différentes manières de tourner en rond, on se souviendra du comportement inexplicable des pins Bristlecone des plus hautes altitudes dont les cernes conduisent les chauffards allant vite en besogne à reconnaître une spectaculaire hausse des températures. Rien de tel avec la même espèce à plus basse altitude, rien de tel avec d’autres espèces longévives elles aussi. Conclusion : les pins Bristlecone de la zone de combat (à la limite altitudinale des arbres) sont de bons indicateurs du réchauffement ! Ou comment partir de la conclusion pour y revenir bien vite.

  10. Nicias (#111), Merci. Chacun pourra donc les consulter à partir de vos liens.
    Si quelqu’un a accès aux articles de Nature, je suis preneur pour le second.

  11. Nicias (#111), Hacène (#109),

    Une étude de proxy « pH des océans » semble être en cours. Elle est basée sur le même principe mis en œuvre par Pearson et Palmer. La co-précipitation des isotopes du bore dans les carbonates est fonction du pH semble t-il mais ce n’est pas bien compris.
    Je ne sais pas quel crédit on peut accorder aux études antérieures surtout que je suppose que les variations de pH ne doivent pas être gigantesques et probablement lents.
    http://www.agence-nationale-re…..-BS06-0013
    Comme je le disais plus haut: que voilà un proxy délicat!

  12. Nicias (#114),
    Merci beaucoup. Pour ceux qui voudraient jeter un oeil à Pearson et Palmer (2000) : « Atmospheric carbon dioxide concentrations over the past 60 million years », suffit de cliquer.

  13. En continuant de regarder ce qu’il y a sur le web concernant le pH passé des océans je suis tombé sur cette perle (en français de 2012).

    En fait on ne sait rien mais on suppose beaucoup !
    On échaffaude un historique et on ne se prive pas de superlatifs:

    Jamais depuis 300 millions d’années, les océans ne se sont acidifiés aussi rapidement

    Mais à aucun moment le rythme de cette acidification n’atteint celui mesuré actuellement.

    Dans cette affaire d’acidification océanique on va retrouver les mêmes arguments catastrophiques que pour la température avec encore moins de précision. Toutes les déviances sont possibles.

  14. Bernnard (#117),

    Je viens de regarder dans Palmer et Pearson, le pas de temps dans les sédiments marins est de l’ordre du million d’année, tout comme les erreurs de datation.
    Dans le document de l’OMM, ils parlent d’une baisse du pH par an de 0,0014 pour les stations les plus fiables (tropicales) et ne présentent pas de données antérieures à 1990. A ce rythme, dans 100 ans, on sera toujours à l’intérieur des barres d’erreur des études paléo smile

    Pas de quoi revendiquer du « aussi rapidement » comme dans l’article de La Recherche.

  15. Dans le document de l’OMM, ils parlent d’une baisse du pH par an de 0,0014 pour les stations les plus fiables (tropicales) et ne présentent pas de données antérieures à 1990.

    Nicias (#118), il n’y a PAS de station de mesure de pH fiable avec des données de pH plus de 20 ans, zéro, nada, zilch, que dalle. Et a fortiori encore moins de « stations les plus fiables ».
    Eh oui, elle est aussi mauvaise, et malfaisante, que ça, la « science » climatologique. Même les astrologues ont la décence de mentir moins effrontément que nos climastrologues réchauffistes.

  16. Bernnard (#117),
    Lise Barnéoud est journaliste scientifique, passionnée de voyages et de nature. Elle collabore régulièrement à plusieurs quotidiens et magazines (Libération,
    ————————–
    Libé, hop j’ai arrêté ; c’est de la science pour payer des voyages

  17. ils parlent d’une baisse du pH par an de 0,0014

    LE pH AU MILLIEME !!!!!
    😯

    Faut oser !!!!

  18. Une des raisons à cet enterrement de première c’est cette constatation, clairement mise en avant par Sylvestre Huet dans un de ses derniers post concernant la météo mondiale
    http://sciences.blogs.liberati…..-nasa.html

    il est quand même étonnant, qu’à part les pôles , les principaux émetteurs de CO2 mondiaux soient restés les zones les plus froides dans ce mois d’août caniculaire , à savoir l’Australie, la Chine, l’Europe de l’ouest tirée bien sûr par l’Allemagne et ses centrales au charbon et l’Est des USA
    Mais on n’en est plus à une à une bizarrerie près en ce qui concerne ce réchauffement , pardon, ce changement , pardon , ce dérèglement climatique

  19. La lutte pour le climat reprend des couleurs à New York
    http://www.lefigaro.fr/science…..w-york.php
    Marielle Marielle Court
    « Grand reporter chargée des questions environnementales et climatiques »
    Oui il osent tout, et c’est a cela qu’on les reconnait!

    Paris, Londres, Rio de Janeiro… Des milliers de manifestants vont défiler dimanche dans les rues de grandes villes en faveur du climat. Mais «the place to be» sera New York, où les organisateurs espèrent exploser les compteurs. Annoncé en tête de cortège, Leonardo DiCaprio, le tout nouveau messager de la paix nommé par l’ONU.

    Toujours plus scientifique… A quand Winslet a poil pour le climat?

    Des hommes politiques – et notamment des membres de la délégation française dont Laurent Fabius -, des chefs d’entreprises et des représentants de plus d’un millier d’ONG battront le pavé, emmenés par Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’organisation internationale.

    Ah les ONGs… lire le travail de Donna Laframboise sur le sujet.

    Ils se sont engagés à tout mettre en œuvre afin de maintenir la hausse moyenne de la température en dessous de 2°C. «Or nous n’allons pas dans cette direction», insiste l’ancienne présidente irlandaise Mary Robinson, désormais envoyée spéciale des Nations Unies sur le changement climatique.

    Robinson, une recyclee de plus…

    Les ONG demandent d’ailleurs à François Hollande de s’engager sur une dotation de un milliard d’euros sur trois ans pour le fonds vert. Créé en 2009, ce fonds est destiné à financer les projets de lutte contre les changements climatiques ou la déforestation dans les pays en voie de développement.

    C’est une priorite quand il sera en dessous de 10% de satisfaits… Promis!

    (…)premier ministre australien qui ne sera d’ailleurs pas présent à New York. Le réchauffement climatique est «une connerie absolue» a-t-il proclamé par le passé.

    Quand il ne deraille pas sur l’Ukraine, Abbott pas en touche lui au moins… 😉

  20. AntonioSan (#127),

    Sur Le Figaro, on est toujours censuré:

    gus chaud – Commentaires
    Avatar gus chaud

    Le chant du cygne de la plus grande escroquerie que le monde ait connue. Normal que Fabius se précipite.
    sur La lutte pour le climat reprend des couleurs à New York
    09:56, le 21/09/2014 Répondre Refusé

    Il ne faut pas faire de peine au « grand reporter »

  21. Cher Benoit,

    Il semble que ma boule de cristal ait été aussi relativement cristalline en septembre/octobre 2009 lorsque je publiai mes 4 articles:
    Les Caniculs-bénis: une nouvelle hystérie religieuse au service de l’Ordre Mondial?
    Carbone mon amour!
    Effets de serres et révolution verte eugénique
    Les écolo-thermistes.
    http://www.liberterre.fr/gaias…..iculs.html

  22. Dominique Guillet (#129), Salut Dominique, j’avais signalé vos textes à l’époque de leur sortie mais le fait que nous fussions des écolos avait suscité l’ire de certains lecteurs de skyfall !! Pourtant, parmi l’espèce en question, les climato-résistants ne sont pas légion et ils auraient dû vous chouchouter ! J’imagine que vous avez dû avoir beaucoup de mal à vous faire entendre parmi les gens qui fréquentent Kokopelli, y compris la blanche NKM ??

  23. ils auraient dû vous chouchouter

    je parle des lecteurs de Skyfall.

  24. Dominique Guillet (#129), le GIEC, un « truc dans le machin » : bien vu !
    Vos articles sont un peu longs, je n’ai pas encore tout lu. Je ne suis pas d’accord avec tout, loin de là, en tout cas vous ne manquez pas de style…

  25. de Rouvex (#130),

    C’est une erreur de raisonner sur « les ennemis de nos ennemis sont nos amis »

    Il y a des « amis » dont j’aimerais bien me passer, car il font plus de tort que de bien à la cause

  26. Ben (#132),
    Trop long, trop long ??? Quel rafraîchissant discours !!! On en redemande…
    C’est vrai, un bon style et p….que ça décoiffe…Certains et certaines en prennent plein les gencives !
    Je dis bravo…

    Duramen

  27. BLARD Jean-Louis (#135), je précise : « longs », c’était pour dire « pas encore le temps de tout lire (mais ça viendra) », et pas du tout pour dire « trop long ». Désolé de l’ambiguïté.

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