Résumé
Anopheles gambiae, un hôte du parasite
responsable du paludisme, source Wikipedia
L'histoire des maladies propagées par les moustiques est complexe et liée au climat, l'écologie, la biologie du moustique et maints autres facteurs qui défient une analyse simpliste. La résurgence récente de beaucoup de ces maladies est une cause d'inquiétude majeure mais c'est facile d'attribuer cette résurgence au changement climatique ou d'utiliser des modèles basés sur la température pour "prédire" de futures épidémies. A mon avis, le GIEC (Groupement Intergouvernemental d'Etude du Climat) dessert la société en se fiant aux "experts" qui ont peu ou pas de connaissance du sujet en leur permettant d'émettre des avis d'autorité qui ne sont pas basés sur de la science saine. En réalité, les principaux déterminants de la transmission de la malaria et de nombreuses autres maladies véhiculées par les moustiques sont la politique, l'économie et les activités humaines. Une utilisation imaginative et organisée des ressources est urgemment nécessaire pour maîtriser ces maladies indépendamment du changement climatique futur.
Ce témoignage [par le Professeur Paul Reiter] est présenté au Comité pour donner une perspective du rôle du GIEC dans la compilation et l'évaluation des informations techniques.
Je suis spécialiste de l'histoire naturelle et de la biologie des moustiques, de l'épidémiologie des maladies qu'ils transmettent et des stratégies de contrôle de leur population. Mon entière carrière, plus de 30 ans, a été consacrée à ce sujet complexe. Mes recherches comprennent la malaria, le filariasis, la dengue, la fièvre jaune, l'encéphalite de St Louis et l'encéphalite du Nil et m'ont conduit dans de nombreux pays en Afrique, en Amérique, en Asie, en Europe et dans le Pacifique. J'ai passé 21 ans en tant que chercheur pour le CDC (Center for Disease Control and Prevention) américain. Actuellement, je suis professeur à l'Institut Pasteur de Paris et responsable de sa nouvelle unité Insectes et de Maladies Infectieuses.
J'ai été membre du Comité d'Expert Consultatif de l'OMS sur la Biologie et le Contrôle des Vecteurs depuis 1998 et consultant pour plusieurs Groupes de Travail Scientifique de l'OMS. J'ai travaillé pour l'OMS, l'Organisation de Santé Panaméricaine (PAHO) et d'autres agences de détection d'épidémie par les maladies véhiculées par les moustiques mais aussi le sida et la fièvre hémorragique Ebola. J'étais Auteur Principal de la section Santé de l'Evaluation des Conséquences Potentielles de la Variabilité et du Changement Climatique [programme américain] et Auteur Contributif du Troisième Rapport d'Evalution (TAR ou third assessment report) du GIEC (voir ci-dessous). J'ai été directeur du Comité Américain d'Entomologie Médicale de la Société Américaine d'Hygiène et de Médecine Tropicale et de nombreux comités d'autres associations professionnelles.
Le commentaire qui suit traite essentiellement du Chapitre Santé du Groupe de Travail II (impacts, adaptation et vulnérabilité) du GIEC dans le Troisième Rapport d'Evalution dans lequel les maladies à vecteur moustique ont figuré de manière prédominante. Mais avant cela, je tiens à vous donner quelques bases sur les maladies véhiculées par les moustiques. J'utiliserai la malaria comme exemple.
Je me demande combien de vos Lords ci-présents sont conscients de la situation historique du Palais de Westminster ? Je me réfère à l'histoire de la malaria, pas à l'évolution du gouvernement. Etes-vous au courant que la totalité de l'endroit maintenant occupé par le parlement était autrefois un marécage notoirement infesté de moustiques à malaria ? Que jusqu'au début du 20e siècle, "ague" (le mot originel anglais pour malaria) était une cause de morbidité et de mortalité élevée dans les Iles britanniques, particulièrement dans les marécages inondés lors des marées tels que Westminster ? Et que Georges Washington suivait l'exemple du Parlement Britannique en installant les immeubles de son gouvernement dans un marécage à malaria ? Je mentionne cela pour dissiper toute fausse idée selon laquelle la malaria serait une maladie "tropicale".
Le mot "ague" est apparu 13 fois dans les pièces de Shakespeare. A l'époque de Shakespeare, William Harvey disséquait à l'Hôpital St Thomas des cadavres de patients décimés par l'infection. Harvey était le premier à décrire les changements dans la consistance du sang qui résultaient des complications mortelles provoquées par l'infection. A la fin du 17e siècle, un certain William Talbor était anobli après avoir guéri le Roi de "l'ague" en utilisant une concoctions de quinine qu'il a mise au point dans les marécages d'Essex. Il vendit plus tard sa recette à Louis XIV, devint Chevalier Talbor et mourut riche et fameux après avoir guéri de nombreux aristocrates d'Europe.
Tout cela s'était produit durant la période approximativement entre le milieu du 15e siècle jusqu'au début du 18e siècle, ce que les climatologues appellent le "Petit Age Glaciaire". Les températures étaient fortement variables mais généralement bien plus basses que maintenant. En hiver, la mer était gelée jusqu'à plusieurs milles de la côte, le Roi pouvait organiser des fêtes sur la Tamise gelée, il y a 6 récits d'Esquimaux qui débarquaient de leurs Kayaks en Ecosse et les colonies de Viking en Islande et au Groenland disparurent.
Malgré cette période remarquablement froide, peut-être la plus froide depuis le dernier Age Glaciaire, la malaria était ce que nous aurions appelé de nos jours un "sérieux problème de santé public" dans de nombreux endroits des Iles britanniques et était endémique, parfois courant à travers l'Europe aussi haut que dans la Baltique et dans le Nord de la Russie. La malaria commença à disparaître de nombreuses régions de l'Europe, du Canada et des USA suite à de nombreux changements dans les modes de culture et de vie qui avaient affecté le cycle de reproduction du moustique porteur et ses contacts avec les humains mais elle a persisté dans des régions moins développées jusqu'au milieu du 20e siècle. En fait, l'épidémie la plus catastrophique jamais enregistrée dans le monde s'était produite en Union Soviétique dans les années 1920 avec, lors du pic d'apparition, 13 millions de cas par an et 600.000 morts. La contagion était élevée dans de nombreux endroits en Sibérie et il y eut 30.000 cas et 10.000 morts dus au falciparum, le parasite de la malaria le plus mortel, à Archangel, près du cercle arctique. La malaria a persisté dans de nombreux endroits de l'Europe jusqu'à la venue du DDT. Un des derniers pays infectés de malaria en Europe était la Hollande : l'OMS a finalement déclaré l'éradication de la malaria en 1970.
J'espère vous avoir convaincu que la malaria n'est pas exclusivement une maladie tropicale et qu'elle n'est pas limitée par les hivers froids ! De plus, bien que la température soit un facteur dans la transmission (le parasite ne peut pas se développer dans le moustique tant que la température reste inférieure à 15°C), il y a de nombreux autres facteurs – la majorité d'entre eux ne dépendant pas du temps ou du climat – qui ont un rôle bien plus important. L'interaction de ces facteurs est complexe et résiste à une simple analyse. Comme un éminent malariologiste l'a dit : "tout dans la malaria est tellement lié et modifié par les conditions locales que ça en devient un millier de maladies différentes et un puzzle épidémiologique". Comme aux échecs, ça se joue avec peu de pièces mais avec une variété infinie de situations.
La même chose s'applique aux maladies dont le moustique est le vecteur, et c'est ça qui les rend fascinants, et même les facteurs climatiques défient une analyse simple. Ainsi, quelque part dans le monde, la transmission est essentiellement liée aux périodes pluvieuses tandis que dans d'autres, les épidémies se produisent pendant la saison sèche. Dans certaines hautes landes, la transmission est la plus élevée durant les mois chauds pendant que dans d'autres, elle est limitée à la saison froide. En Hollande, la malaria était transmise pendant l'hiver car les moustiques vecteurs n'hibernent pas, en se nourrissant à la fois du sang de bétail et de l'homme et passent l'hiver dans les maisons et les granges, en piquant de temps à autre sans jamais pondre d'œuf (la plupart des moustiques femelles piquent pour nourrir leurs œufs). Au Soudan, un faible niveau de transmission se produit durant les 10-11 mois de la saison sèche, quand la température diurne est aux alentours de 40°C. Les moustiques vecteurs se réfugient également dans les maisons, se nourrissant occasionnellement sur l'homme et attendant la courte période de pluie pour pondre. Le pic de transmission se produit durant la saison des pluies plus froide.
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66 réponses à “Malaria et réchauffement climatique. Témoignage du Professeur Paul Reiter de l’Institut Pasteur devant le Parlement Britanique.”
REDBARON 17 (#43),
Vu que la première génération est déjà bien entamée (ceux qui ont des gamins à l’école savent que le processus est en marche depuis déjà un bail…. les profs constituent un terreau fertile pour les idéologies, de vraies éponges… et comme beaucoup étaient en manque, celle-là, ils l’ont absorbé tout de suite, et en quantité…)… je dirais que dans une génération au plus, on ne pourra plus y échapper…
Laurent (#38 et 42), Araucan (#39), Sirius (#40), REDBARON 17 (#43)
Pour résumer et peut-être en terminer -car j’aime beaucoup ce forum et je ne souhaite pas le squatter avec mes possibles élucubrations- je me demande si, depuis l’avènement médiatique de la terreur RCA, nous ne sommes pas en train d’assister à la « spéciation de l’espèce écologiste » !
espèce écologiste : divisée (sous l’effet traumatisant du RCA!) en une branche originelle (décroissante) et une nouvelle (productiviste)
Celà dit, je n’exclus pas que l’avenir me donne tort… En ce cas, ça voudra dire que cette pseudo-spéciation n’est qu’une illusion (voire carrément une connerie!) et que « mes » soi-disant écologies « arc-en-ciel » ne sont que la matérialisation d’une soumission idéologique progressive à l’écologie verte..! Donc à la décroissance…
Bon, sinon, c’est promis, je m’arrête là sur le sujet, RDV dans un an ou deux…
Laurent (#49),
Mais les prochaines générations qui viennent utiliseront de plus en plus internet et auront donc plusieurs points de vue. Je sais que vous êtes sceptique sur le rôle de l’internet. C’est clair que pour la personne crédule et sans aucun esprit critique, internet ne changera pas grand chose, mais pour les autres…
Ce n’est peut-être pas significatif, mais je peux vous dire que le documentaire ‘La grande arnaque du réchauffement climatique’ est remise régulièrement sur les réseaux de partage et qu’à chaque fois elle a de plus en plus de succès. Pour moi, cela est assez encourageant.
dubitatix (#50),
Mais non il y a bien des courants différents dans les mouvements écologistes, comme il y a des courants différents à droite ou à gauche ou différentes sensibilités dans les différentes religions.
Ce serait encore plus inquiétant si ce genre de courant était monolithique….
Laurent (#49),
Mais le jeunes ayant tendance à rejeter ce qui leur disent leurs parents…. il n’est pas certain que cela dure si longtemps que cela…
Araucan (#52),
Faut espérer… mais même dans ce cas, on en a encore pour une bonne trentaine d’années d’éco-morale…
J’ai quand même l’impression que nous sommes au fond du trou concernant le matraquage du RCA et qu’il y a des signes de questionnement. Ainsi, Gérondeau a été invité récemment pour débattre lors d’un AG d’un groupement de producteur porc en Bretagne. La taxe carbone, ils savent ce que ça coûte, pas ce que ça leur rapportera. Donc ça a été comme un électrochoc pour de nombreux participants. Les réactions contre les réchauffistes pourraient être virulentes assez vite.
douar (#54)
Intéressant. Auriez-vous un lien pour en savoir un peu plus sur cette réunion? Merci.
douar (#54),
Les taxes cela ne rapporte pas généralement au taxé… En plus, c’est toujours difficile de prévoir les effets d’une taxe…
dubitatix
Désolé il n’y a pas encore de lien. A l’inverse, la semaine passée, AG d’un centre de gestion agricole avec Jacques Brégeon, Président du goupe interministériel au développement durable (ouf), alors là selon les témoins, c’était la fin du monde, si on ne faisait rien. Normal, faut bien qu’il justifie sa place!
Eh bien, il y a plein de beau monde qui se déplace en Bretagne !
douar (#58),
Et il n’y a personne qui n’ait réagi ?
dubitatix (#51)
Allez voir L’Express, y’a du lourd ! LIEN ICI
Quelle couleur pour Claude Allègre? Jaune (couleur de la trahison) ou violet (proximité avec l’écologie bleue) ? Je penche pour violet et vous?
mais ne me soumettez pas à la tentation et délivrez-moi du Mal!
Claude Allègre crée une Fondation pour l’écologie productive et ça laisse tout le forum muet !
@55_douar
Je souhaite que oui mais je crains que non. L’imagination de ceux qui conçoivent les projections climatiques pour dans 100 ans est infinie! (Il suffit de bien programmer les ordis!) Et quand ils ne jouent pas avec l’avenir pour faire peur au monde, ils cherchent dans le présent des « signes » du réchauffement, au risque de sombrer dans le ridicule. Par exemple : http://tempsreel.nouvelobs.com…..ar_an.html
dubitatix (#60),
Je pense que la position d’Allègre est cohérente. Il ne dit rien de plus que ce qui était écrit dans son livre ‘Ma Vérité sur la planète’. Une écologie basé sur la science et la croissance et qui n’essaie pas de culpabiliser les gens ou de les manipuler avec la peur. Allègre n’a rien d’un anti ‘écologie’ (au sens noble du terme). Il ne fait que dénoncer les dérives sectaires de ce mouvement. La seule chose que je pourrais lui reprocher, c’est sa position un peu trop politiquement correct sur le réchauffement climatique. Mais ne faisons pas trop la fine bouche.
floyd (#63)
Oui, vous avez raison. Mais c’est rigolo quand même.
@63_floyd
Et j’ajouterais : ni surtout avec le mensonge… J’ai lu le livre de Claude Allègre, « Ma vérité sur la planète », deux fois de suite au moins, et je suis parfaitement d’accord avec les dénonciations qu’il fait du délire climatique (GW) et ses positions sur les manières qu’une civilisation technologique et rationnelle devrait poursuivre son développement tout en étant respectueuse de l’environnement naturel et des êtres humains qui y vivent. Tout se résume selon moi en une idée : nous dépendons de la nature, certes, mais nous voulons tous mieux vivre, à commencer par nous protéger contre ses effets néfastes sur nous. Claude Allègre est parfois bourru, c’est vrai ; non politiquement correct, c’est sûr, ce qui à mon avis est bien! Mais c’est surtout à la fois un politicien aguerri et un scientifique de haut rang, ce qui est rare! Si j’étais un écolo politique (pensez à qui vous voudrez), je ne sous estimerais pas cet homme.