Peut-on écrire l’histoire du climat ?


Chronologie

Auparavant, avant 1303, au XIIIe siècle, il y a donc des étés plus chauds, des hivers un peu moins froids, avec une belle période d’étés chauds et secs de 1240 à 1290, un certain beau XIIIe siècle, plutôt favorable, me semble-t-il, à la production des grains. Certes un été trop chaud comme on l’a vu en 2003 peut être défavorable à la culture des céréales, à cause de la sécheresse et de l’échaudage ; en d’autres termes les épis de blé résistent mal à un coup de chaleur excessif. C’est le cas par exemple en 1236. Mais disons qu’en général une série d’étés correctement chauds, à la Breughel (tableau des Moissonneurs), s’avère plutôt favorable à la maturation du blé, lui-même citoyen immigré venu il y a 6 000 ans du Moyen-Orient et donc amateur d’une bonne dose de soleil. Donc, des étés chauds au XIIIe siècle (c’est l’époque de Saint Louis, de l’épanouissement de l’art gothique) : il n’est pas exclu que ces belles chaleurs aient pu stimuler l’agriculture, l’économie et la démographie. Affaire à suivre.

…des étés pourris au cours desquels
la ceinture des perturbations atlantiques
passe plus au sud, le foin ne sèche pas,
les charrues s’embourbent, les anguilles se
répandent hors de leurs étangs, les semailles
d’automne et de printemps sont ratées,
les rendements du blé sont misérables…

Le petit âge glaciaire est assez net à partir de l’hiver 1303 (travaux de Christian Pfister, les chercheurs de Berne et de Zurich ont beaucoup apporté sur ce point, ils ne se rendent pas dans l’Arctique, mais ils observent les glaciers qu’ils ont chez eux ; à Grenoble on pourrait en faire autant direction Chamonix !), donc il y a une poussée des glaciers au XIVe siècle, notamment celui d’Aletsch, on le sait d’après les troncs d’arbres datés par la dendrochronologie, entre 1300 et 1370. Vous avez corrélativement de remarquables épisodes frais, notamment la grande famine de 1314-1315-1316, les étés ayant été affectés par des trains de dépressions ; des étés pourris au cours desquels la ceinture des perturbations atlantiques passe plus au sud, le foin ne sèche pas, les charrues s’embourbent, les anguilles se répandent hors de leurs étangs, les semailles d’automne et de printemps sont ratées, les rendements du blé sont misérables, les chevaux perdent leurs quatre fers dans la boue, et l’on a de grosses famines avec des processions d’hommes nus pour essayer de réagir. On pense à Baudelaire, dût-on le prendre, pour une fois, au pied de la lettre : Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle Et que de l’horizon embrassant tout le cercle Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ; Quand la terre est changée en un cachot humide, Où l’espérance, comme une chauve-souris, S’en va battant les murs de son aile timide Et se cognant la tête à des plafonds pourris : Quand la pluie étalant ses immenses traînées D’une vaste prison imite les barreaux… Des cloches tout à coup sautent avec furie (c’est le tocsin) Et lancent vers le ciel un affreux hurlement, Et de longs corbillards, sans tambours ni musique, (c’est la mortalité) Défilent lentement… l’Espoir, Vaincu pleure, et l’Angoisse atroce, despotique, … Plante son drapeau noir.

Baudelaire a dû écrire ce poème pendant un été pourri du temps de Napoléon III, mais cette description correspond bien aux été du pot au noir, dotés de famines et de fortes mortalités autour de 1315.

Quant à la peste noire, elle aussi de 1348, elle n’est pas provoquée, semble-t-il, par le climat, néanmoins au cours de la décennie 1340 il y a en grand nombre des étés frais pourris, et il est possible qu’en 1348 le passage de la peste bubonique à la peste pulmonaire la plus dangereuse ait été influencé par cette fréquente, froide et lourde pluviosité estivale des 1340’s.

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4 réponses à “Peut-on écrire l’histoire du climat ?”

  1. Le suivi de la date des vendanges depuis le Moyen Age n’est sûrement pas un bon indicateur de l’évolution du climat.
    En effet, pour tirer des conclusions, il faudrait pouvoir dire : »toutes choses étant égales par ailleurs ».
    Or dans le domaine de la viticulture, c’est loin d’être le cas.
    Déjà, on ne parle plus de la même plante. En effet, jusqu’à la crise du phylloxéra à la fin du XIXème siècle,nous avions des vignes « francs de pied », de l’espèce Vitis vinifera.Ces vignes poussaient plus ou moins librement, se reproduisant par marcottage…
    Après la crise phylloxérique, depuis le début du XXème siècle, nous avons des plants greffés sur des plants américains de l’espèce Vitis riparia.
    Donc, l’espèce n’est plus la même. De plus, la conduite de la vigne n’est plus la même non plus, on ne laisse plus la vigne courir, mais nous avons des plantations de pieds bien délimités, bien alignés.
    Enfin, dernière révolution, depuis environ 30 ans, la limitation des rendements (égrappage, vendanges en vert) a conduit certainement à accélérer la maturation des raisins.
    Conclusion : je pense que l’on ne peut tirer aucune conclusion de l’évolution de la date des vendanges depuis le Moyen Age

  2. Conclusion : je pense que l’on ne peut tirer aucune conclusion de l’évolution de la date des vendanges depuis le Moyen Age

    Je serais moins affirmatif que vous. Les modifications de méthodes et de cultivars que vous citez s’appliquent surtout ces 2 derniers siècles, avec le progrès technique et scientifique mais pas tant que ça dans l’ancien temps donc ne devraient pas invalider complètement les reconstitutions historiques.

    Des études existent, telles que celle d’Isabelle Chuine et al, d’ailleurs très controversée. On peut contester certaines parties de la méthodologie ou l’intervalle de confiance de température mais pas tout rejeter en bloc.
    Exemple de texte de l’Abbé Cochet sur la culture de la vigne en Normandie

    Qu’il y ait eu autrefois des vignobles en Normandie, que cette province ait fourni à la consommation et au commerce des vins abondans, que ses côteaux, aujourd’hui ombragés de pommiers, aient été autrefois couverts de vignes, ce sont là des faits dont il n’est pas permis de douter.

  3. Je suis bien d’accord avec vous, Demesure.
    Du Moyen Age jusqu’au début du XXème siècle, on peut faire des comparaisons, puisqu’on est à conditions constantes (à peu de choses près)
    En revanche, depuis le début du XXème siècle, et plus encore depuis la « révolution agricole » qui a suivi la deuxième guerre mondiale, il n’y a plus de comparaison possible.

  4. Pierre,
    Personne n’utilise plus la vigne pour mesurer la temperature au 20e siécle ! 😉
    Et depuis 30 ans, on utilise même des satellite qui donnent non seulement la temperature en surface mais de la colonne d’air au dessus de nous. Sans doute pour ça qu’on s’hystérise pour quelque dixieme de degres.
    Nos anciens eux accusaient les sorciéres de changement climatique. Nous, on accuse le CO2, les voiture, les voyages en avion… Chaque époque ses croyances.