Peut-on écrire l’histoire du climat ?
Dès le début du XVIIIe, on ressent partout une petite reprise de chaleur et elle est très nette après l’hiver de 170 ; le XVIIIe siècle, sans être aussi chaud que le XXe, s’avère moins désagréable que le XVIIe. Les glaciers alpins du XVIIIe restent gros (PAG) mais reculent un peu. Cela fut vraisemblablement assez favorable pour la démographie et l’économie. Vous avez donc une forte reprise de la croissance économique « dix-huitiémiste » en Europe, en France, et aussi en Chine si bien que l’on peut se demander si ça n’est pas l’ensemble de l’Eurasie qui a bénéficié dans l’hémisphère nord de ce léger réchauffement du XVIIIe siècle. A moins d’admettre que l’expansion très forte de la population chinoise au XVIIIe siècle s’explique par la croissance des ventes de porcelaine de ce pays à la Compagnie des Indes européennes, ce qui ne paraît guère sérieux.
En 1704-1706, cela donne 200 000
morts de plus en trois ans ; en 1719,
450 000 morts supplémentaires en
un an, dont beaucoup de bébés …
Mais une telle chaleur a aussi ses inconvénients. On connaît de ce fait des années de canicule 1704-1705-1706, 1718-1719 et 1779 ; ces trois coups de grosse chaleur ont provoqué des dysenteries (baisse de la nappe phréatique bis !, eaux pourries dans les rivières, donc infections, etc.).
En 1704-1706, cela donne 200 000 morts de plus en trois ans ; en 1719, 450 000 morts supplémentaires en un an, dont beaucoup de bébés et de petits enfants (chiffres bien supérieurs à ceux de la canicule 2003, 15 000 morts). Ce qui est extraordinaire c’est que personne n’en parle parmi les médias de 1719 (ils existaient), sauf les curés qui envoyaient au paradis toutes ces petites âmes et qui notaient la chose avec tristesse. 450 000 morts sur 20 000 000 d’habitants, cela ferait quand même 1 350 000 morts en 2005 et c’est passé comme une « lettre à la poste ». Vous avez sûrement lu l’histoire de la Régence, celle de Philippe d’Orléans, un homme sympathique qui a su détendre les ressorts (précédemment bandés à bloc, de la monarchie au temps du règne dur de son prédécesseur Louis XIV) (il y a Louis XIV et Philippe d’Orléans, comme il y aura Staline et Khrouchtchev), mais les 450 000 morts susdits, personne n’en parle.
Même chose en 1747 et 1779 (selon le cas automne ou été trop chauds, donc dysentérique), mais seulement 200 000 morts à chaque fois (c’est « moins pire » qu’en 1719, on n’arrête pas le progrès !). Malgré tout, on note aussi dans le sens inverse, quelques années pourries, celle de 1725 où certes la famine proprement dite ne sévit point, mais on a pourtant un été sombre, très nuageux, pourri, avec une récolte médiocre et une cherté, donc pas mal d’émeutes, les gens crient à la faim, à tort ou à raison ; quand le cardinal Fleury, Premier ministre, passe dans son carrosse, la foule essaye de renverser le véhicule et comme on dit « le peuple mourait de faim … et le cardinal mourait de peur ». Il faut se mettre à la place de son Éminence, il avait 90 ans !
quatre saisons froides
et l’expression célèbre :
« Je m’en fous comme de l’An 40 »
1740, une année très rude, quatre saisons froides et disette, un peu comme en 1481, 1565 ; quatre saisons froides et l’expression célèbre : « Je m’en fous comme de l’An 40 ! » Vous connaissez cette phrase, elle remonte précisément paraît-il à 1740, et elle signifie qu’on s’en fout véritablement.
Nous en venons à la Révolution française ; mais prenons un peu d’avance. Après quelques années chaudes d’abondantes récoltes en blé (du coup on a libéré le commerce des grains en 1764) on est confronté à une année froide et pourrie en 1770, et même à un cycle d’icelles (AFPS) ; fort déficit frumentaire et grosse crise économique (textile, etc.), en Allemagne notamment ; en France il faut renoncer au laisser-faire en matière de négoce des céréales ; et donc il y a retour au dirigisme, dorénavant cher à l’abbé Terray (> 1770-71). Rappelons qu’à des époques plus tardives, pendant les deux guerres mondiales, même les politiciens les plus libéraux ont dû admettre le système autoritaire des tickets de pain. Libéralisme et liberté des échanges. C’est bien, c’est bien gentil, mais ça vaut surtout pour les années d’abondance où tout marche bien. Dès que Dame Pénurie fait son come-back, il faut serrer les boulons de l’autoritarisme.
Un nouveau cycle plus tiède peut-être : les années post 1772 (voire jusqu’en 1811) commencent par un an 1774 assez chaud certes, mais extrêmement pluvieux, médiocres récoltes de blé, début de disette quoique les temps de vraie famine appartiennent au passé et l’on a seulement la fameuse guerre des farines du printemps 1775. Les prix du blé y sont fort élevés ; l’on enregistre des émeutes frumentaires un peu partout dans la moitié nord de la France. [Voir aussi 1778-81, 1783, 1785, 1786-87]
Arrive en effet la Révolution française ; 1788 ! Et d’abord un automne pourri fin 1787, cela gêne les semailles, un printemps 88 très chaud à Pâques, échaudage semble-t-il des blés, puis la fameuse grêle du 13 juillet 1788, mais elle ne concerne que mille villages. Or il y a 37 000 villages en France et la récolte a été médiocre dans tout le royaume à cause d’un printemps et d’un été trop chauds, et puis des grosses pluies et des orages en août 88, qui abîment la moisson. Ainsi douche fin 87, puis sauna printanier 88, puis douche estivale 88. Complexité toujours ! De fait on a une mauvaise récolte nationale ; c’est l’inconvénient des étés trop chauds parce que le nord souffre de l’excès de soleil et le midi également. L’Hexagone tout entier est surchauffé par un soleil trop ardent. Émeutes de subsistance par conséquent ; et l’on en arrive ainsi à la plus grande émeute politico-subsistantielle, celle du 14 juillet 1789 ; vous connaissez la suite. Le climat se borne à donner une inscription chronologique pour un événementiel qui, lui, est spécifiquement politique, culturel, nullement météorologique.
L’Hexagone tout entier est surchauffé
par un soleil trop ardent. Émeutes de
subsistance par conséquent ; et l’on
en arrive ainsi à la plus grande émeute
politico-subsistantielle, celle
du 14 juillet 1789
1794, année chaude elle aussi, je ne parle que d’un point de vue « météo » bien sûr, 1794 quant au blé eut droit au coup d’échaudage très fort, et d’autre part, il s’agit (1794) d’une année relativement instable avec un taux de variabilité très intense ; chaleur de sauna printemps-début été 94, le tout entrelardé comme en 1788 de grosses pluies, ouragans, orages, grêles, etc. C’est le modèle sauna-douche une fois de plus. Mésaventure météo de Robespierre (9.10 thermidor) mais surtout récolte 94 mauvaise et du coup l’on a une grosse disette au printemps 95, c’est toujours au printemps que les gens crèvent de faim. Viennent donc les fameuses émeutes de Germinal et de Prairial 95, ces mois de printemps disetteux, qui mettent fin à la période violente de la Révolution française (à la période de gauche, peut-on dire), puisque ces soulèvements populaires substantiels sont réprimés très fortement par les thermidoriens et autres milices « droitières », au temps des Merveilleux et des Inc’oyables. C’est la fin des sans-culottes (sonensen).
Le suivi de la date des vendanges depuis le Moyen Age n’est sûrement pas un bon indicateur de l’évolution du climat.
En effet, pour tirer des conclusions, il faudrait pouvoir dire : »toutes choses étant égales par ailleurs ».
Or dans le domaine de la viticulture, c’est loin d’être le cas.
Déjà, on ne parle plus de la même plante. En effet, jusqu’à la crise du phylloxéra à la fin du XIXème siècle,nous avions des vignes « francs de pied », de l’espèce Vitis vinifera.Ces vignes poussaient plus ou moins librement, se reproduisant par marcottage…
Après la crise phylloxérique, depuis le début du XXème siècle, nous avons des plants greffés sur des plants américains de l’espèce Vitis riparia.
Donc, l’espèce n’est plus la même. De plus, la conduite de la vigne n’est plus la même non plus, on ne laisse plus la vigne courir, mais nous avons des plantations de pieds bien délimités, bien alignés.
Enfin, dernière révolution, depuis environ 30 ans, la limitation des rendements (égrappage, vendanges en vert) a conduit certainement à accélérer la maturation des raisins.
Conclusion : je pense que l’on ne peut tirer aucune conclusion de l’évolution de la date des vendanges depuis le Moyen Age
Je serais moins affirmatif que vous. Les modifications de méthodes et de cultivars que vous citez s’appliquent surtout ces 2 derniers siècles, avec le progrès technique et scientifique mais pas tant que ça dans l’ancien temps donc ne devraient pas invalider complètement les reconstitutions historiques.
Des études existent, telles que celle d’Isabelle Chuine et al, d’ailleurs très controversée. On peut contester certaines parties de la méthodologie ou l’intervalle de confiance de température mais pas tout rejeter en bloc.
Exemple de texte de l’Abbé Cochet sur la culture de la vigne en Normandie
Je suis bien d’accord avec vous, Demesure.
Du Moyen Age jusqu’au début du XXème siècle, on peut faire des comparaisons, puisqu’on est à conditions constantes (à peu de choses près)
En revanche, depuis le début du XXème siècle, et plus encore depuis la « révolution agricole » qui a suivi la deuxième guerre mondiale, il n’y a plus de comparaison possible.
Pierre,
Personne n’utilise plus la vigne pour mesurer la temperature au 20e siécle ! 😉
Et depuis 30 ans, on utilise même des satellite qui donnent non seulement la temperature en surface mais de la colonne d’air au dessus de nous. Sans doute pour ça qu’on s’hystérise pour quelque dixieme de degres.
Nos anciens eux accusaient les sorciéres de changement climatique. Nous, on accuse le CO2, les voiture, les voyages en avion… Chaque époque ses croyances.
Sorry, the comment form is closed at this time.