M le maudit


par Benoît Rittaud

Anthony Watts vient de publier sur WUWT une analyse particulièrement intéressante, qui ouvre un nouveau front sur la question de la qualité des mesures de températures.
Le 15 avril, sur Climate Audit, Jean S avait fait observer que, alors que l’anomalie de température en Finlande pour mars 2010 avait été annoncée comme particulièrement forte par le GISS (l’un des principaux organismes qui évaluent et publient l’évolution de la « température globale »), l’institut météorologique finlandais avait quant à lui annoncé que ce même mois de mars 2010 avait été plutôt frais dans le pays. « Contrôle qualité, svp ! », concluait Jean S en pointant notamment la station de Sodankylä, qui donne -10,3°C pour mars alors que le GISS lui prête un improbable +1,5°C !
Comment expliquer un tel écart ? L’explication proposée par Watts, si elle est confirmée, pourrait avoir un retentissement considérable. Elle se fonde sur l’analyse de l’une des sources de données qui se retrouvent dans les bases de données du GHCN, le réseau mondial de données climatiques qu’utilise le GISS : les rapports d’observation au format METAR, bulletins de situation météorologique publiés à l’intention des pilotes. Un tel bulletin prend la forme suivante :

METAR LBBG 041600Z 12003MPS 310V290 1400 R04/P1500N R22/P1500U +SN BKN022 OVC050 M04/M07 Q1020 NOSIG 9949//91=

La partie intéressante de ce bulletin (qui date du 4 février 2005 à 16h00 et concerne l’aéroport bulgare de Burgas) est le « M04 », qui donne la température (en degrés centigrades) au moment de la publication du bulletin.
« M04 » se lit « -4 » : le M désigne le signe moins. Eh oui : il faut s’habituer. Et c’est bien là le problème : et si vous ne vous y habituez pas ? Si vous êtes chargé de publier un METAR et que vous écrivez bêtement -4 (ou -04) au lieu de M04, que se passe-t-il ? Eh bien… le signe est ignoré, faisant passer la température à +4°C d’un coup de baguette magique ! Watts explique que cela ne posera pas de problème majeur au pilote, à la fois parce que la température n’est pas le paramètre de vol le plus crucial et parce que si le pilote reçoit un METAR annonçant +20°C au lieu de -20°C, on peut tout de même lui faire confiance pour corriger l’erreur tout seul comme un grand.
Mais le stockage automatisé des données, lui, n’a pas de raison d’effectuer cette correction. Là semble résider l’erreur du mois de mars concernant la Finlande.
Est-ce une catastrophe qui se prépare pour les carbocentristes ? Il est bien trop tôt pour présager de la portée exacte du lièvre ainsi débusqué, mais l’affaire est sérieuse. Les erreurs de signe dans les METAR semblent nombreuses : Watts en donne tout un tas d’exemples (venus notamment de Russie), et suggère que de nombreux autres restent à relever.
Deux autres « coups du sort » pour les carbocentristes accompagneraient logiquement cette révélation : le premier est que ces erreurs ne peuvent pour ainsi dire qu’aller toujours dans le même sens, celui d’une température trop élevée par rapport à la réalité. En effet, s’il est facile de mettre un – à la place d’un M (voire d’oublier le M, comme cela se produit parfois), on imagine moins facilement en revanche qu’un M soit ajouté là où il n’en faut pas. Le second est que ce type d’erreur est de nature à perturber l’évaluation des températures principalement dans des régions froides. En effet, non seulement l’oubli du signe M ne peut concerner que les régions où la température descend effectivement au-dessous de 0°C, mais l’importance de cette erreur est d’autant plus grande que la température est basse. En d’autres termes, s’il est vrai que remplacer -3°C par +3°C une ou deux fois par mois dans une station ne changera guère la moyenne globale mensuelle calculée pour cette station, remplacer -20°C par +20°C (oui, il y a des exemples) fait commettre une erreur de 40°C qui va peser dans le calcul de la moyenne. Or un indice en faveur de la théorie carbocentriste était jusque là l’élévation particulièrement forte de la température des régions polaires.
On pourrait émettre l’objection suivante : a priori, ce type d’erreur a certes pour effet d’élever artificiellement la température, mais pas son évolution. En effet, il n’y a pas de raison de penser qu’il y a plus de M oubliés aujourd’hui qu’hier. Mais les choses sont plus compliquées. D’abord, les bulletins météo sous format METAR ne sont utilisés que depuis 1996 : il a donc bien pu se produire un « décrochage ». Mais surtout, le réseau des stations utilisées pour calculer la température globale évolue au fil du temps : celles des aéroports occupent une proportion de plus en plus grande, atteignant 41% aujourd’hui contre 25% en 1909. L’importance relative des M manquants a donc probablement augmenté et, même si Watts lui-même demande à ce que l’on attende une analyse complète, il devient désormais possible qu’une partie au moins du « réchauffement particulièrement rapide » de l’Arctique parte en fumée, à l’image du « point chaud finlandais » de ce mois de mars. Tout ça à cause de ce maudit signe M…


65 réponses à “M le maudit”

  1. C’est parce que ça ne marchait pas sous IE8 que je suis revenu à IE7. Je ne donnerai jamais un sou au Monde, et la façon la plus simple de survoler leurs papiers, de toutes sorte, pas seulement climatiques, qui endoctrinent les classes moyennes supérieures, c’est leur version électronique.

  2. par curiosité, je viens de googler « gore bhopal » et « gore carbide », à peine 1 ou 2 hits en français, dont quand meme celui ci, daté de 2002:

    http://www.europe-solidaire.or…..rticle3926

    quelques extraits:

    Près de 18 ans après la catastrophe de Bhopal, le dé-sastre sanitaire se poursuit. Tous les mois 10 à 15 personnes meurent encore des maladies provoquées par l’Union Carbide.
    [….]
    Mais ce n’est pas tout, les sols et l’eau sont durablement contaminés : environ 5000 familles sont contraintes de boire de l’eau contenant des substances toxiques et cancérogènes [3]. En 1999, Greenpeace International qui a fait des prélèvements de sol et d’eau souterraine sur différents sites autour de l’usine a mis en évidence la présence dans la nappe phréatique de 12 produits organiques volatils dépassant fortement les valeurs fixées par L’EPA [4]. Dans son rapport, Greenpeace rappelle les dangers inhérents aux composés trouvés : dont le dichlorobenzène, le trichloroéthylène, le chloroforme, le tétrachlorométhane, tous cancérogènes et peuvent provoquer, entre autres, des lésions du foie et des reins.
    […]
    En février 2001, l’Union Carbide est devenue filiale à part entière de Dow Chemical, l’une des multinationales de la chimie et du complexe militaro-industriel des États Unis. C’est Dow qui produisit le napalm et les défoliants pendant la guerre du Vietnam. C’est Dow encore qui continue à produire et commercialiser en Inde le Dursban, un insecticide particulièrement dangereux, exclu du marché américain depuis deux ans. Pourtant, en 1997, le vice-président nord américain Al Gore à primé cette multinationale pour sa contribution au développement de techniques favorables à l’environnement, puis en 2000, l’agence gouvernementale des États Unis pour la protection de l’environnement (EPA) a donné un prix à l’Union Carbide pour la qualité de sa gestion de l’environnement… Si vraiment Dow Chemical et l’Union Carbide et lauréates de ces prix n’avait rien a se reprocher on peut se demander pourquoi les États Unis refusent d’extrader l’ancien président d’UCC, Warren Andersen comme l’exige la justice indienne.
    […]

    Quelque chose doit m’échapper, Foucart peut il m’expliquer ?

  3. Plombier @

    Merci je sais ce qu’est la mousson, je voulais simplement signaler que la mousson est dépendante du climat, le réchauffement climatique risque fort de bousculer le rythme de ces dernières en intensité, fréquence etc….

  4. Laurent Berthod (#51),

    Je viens de lire la page de SF dans le Monde : rien de très nouveau ni de très documenté toujours avec la même technique : on reprend les annonces faites par des ONG ou des think tank qui pensent dans le « bon sens ». Aucun coup de fil au boites concernées (c’eut été amusant de voir ce qu’elles disaient, tout de même). Ni même de comparaison avec ce que les gouvernements ont « investi » dans le RCA … Il eut été également intéressant de chiffrer aussi le lobbying des ONG aux USA (et ailleurs) en contrepartie : WWF c’est 500 M$ de budget annuel. Bien sur tout ne va pas dans le RCA mais le WWF s’y est lancé à fond. Et il n’est pas le seul …
    D’ailleurs il suffit de regarder les fonds au titre du RCA sur le site de la Banque mondiale : on voit tout de suite comment se fait le lobbying auprès de certains pays … (Voir là sans aller jusqu’à Washington http://www.afd.fr/jahia/Jahia/…../pid/50301, Banque mondiale http://beta.worldbank.org/climatechange/financing )

    Ah oui, pour le Monde les classes moyennes supérieures, c’est le public à éduquer (et qui paye sont journal) / pour les classes dirigeantes politiques, c’est le moyen de voir d’où souffle le vent sur certains sujets (c’est à dire ce que pensent certains parmi la classe dirigeante) donc d’avoir des nouvelles sur les positionnements au sein du club (ceux là ne le payent pas).

  5. Robert (#53), oui c’est évident et ça va sans le dire. Mais ça va aussi mieux en le disant.

    On peut par exemple me rappeler en quoi on peut dire qu’il y a réchauffement et comment ce « réchauffement » de 0,X degré va « modifier » le mécanisme de la mousson…

    Les croyances, c’est bien, mais il faut savoir les dissocier de la réalité…

  6. Les moussons sont causées par le fait que la terre s’échauffe et se rafraîchit plus vite que la mer.
    Mousson en Inde d’été et d’hiver
    Mousson en Asie du sud et en Océanie
    Mousson sud-américaine
    Mousson nord-américaine

  7. Araucan (#54),

    Je suis d’accord avec tout ce que vous dites. C’est pourquoi la colère m’a fait employer le mot « saloperie », qui n’est vraiment pas poli, cet article étant un concentré de malhonnêteté et de perfidie intellectuelles. C’est malheureusement trop souvent là qu’en est arrivé le journalisme à la française. Contrairement à leurs confrères anglosaxons, la plupart des journalistes français croient servir la vérité en prétendant la détenir plutôt qu’en la recherchant.

    Pour ce qui est de la lecture du Monde, je parcours régulièrement et gratuitement la version électronique et j’enregistre en archives sous forme html les articles que je veux conserver. C’est lors de la crise de la vache folle que j’ai cessé d’acheter Le Monde et que j’ai décidé de ne plus jamais leur donner un sou. Je me suis tenu à cette décision. C’est ma revanche sur la malhonnêteté journalistique.

  8. malhonnêteté et perfidie intellectuelles

    Sont les caractéristiques de ce journal et c’était déjà mon avis il y a trente ans ! Faire passer des opinions pour des informations, voilà ce qu’ils font.

  9. plombier (#57),

    Euh… pas vraiment…

    Les moussons sont causées par le mouvement du FIT (Front Intertropical de Convergence, ITCZ en anglais, aussi appelé « équateur météorologique », qui sépare les masses d’air des deux hémisphères) Cette surface de contact se ballade en gros entre les tropiques, assez haut au nord en été et bas au sud en hivers.
    Exemple de fonctionnement typique: mousson ouest-africaine – Le FIT peut remonter assez haut vers le Nord, ce qui entraine une inversion des alizés au passage de l’équateur, dont les masses d’air chaudes et humides (se rechargeant en humidité sur le golfe de guinée), pénètrent assez profondément vers le nord sur le continent puis condensent au contact des masses d’air froides et sèches au nord du FIT…. d’où création de grosses lignes de grain (pouvant atteindre plusieurs centaines de km de front) très convectives qui précipitent de grandes quantité de pluies.

    La position du FIT dépend elle-même des zones de haute pressions au nord et au sud…. donc en gros de la répartition des températures de surface océaniques.
    C’est donc la circulation océanique qui régit la profondeur et l’intensité des moussons… et comme on ne sait aujourd’hui pas prédire, même à l’horizon de quelques mois cette circulation et la répartition des températures de surface qui en découle, on ne sait donc pas prédire l’intensité de la mousson (sauf une fois qu’elle est déjà bien installée…)

  10. Laurent

    Les États-Unis ont accepté de fournir a l’Inde des images de ses satellites sur les conditions météorologiques sur l’Océan Indien et le sous-continent qui permettra aux scientifiques de prédire la pluie 15 jours à l’avance. À l’heure actuelle, les scientifiques indiens ne peuvent prédire la mousson seulement un jour et demi à l’avance.

    Ils fourniront également a l’Inde un supercalculateur capable d’analyser et d’interpréter les images satellite.
    . La Commission de planification, a accepté de fournir des fonds au ministère des sciences de la Terre pour acheter le super-ordinateur.

    http://www.digitalopportunity……hterm=None

    La mousson africaine passée au crible

    http://www.actu-environnement……_8357.php4

  11. plombier (#61),

    D’après votre second lien ….
    « La déforestation, la variabilité naturelle du climat, le réchauffement de l’Atlantique, la pression démographique sont autant de facteurs qui ont eu une incidence sur la mousson ces dernières décennies. Nous pensons que l’énorme déforestation qui a eu lieu en Afrique de l’Ouest dans les années 60 – 70, notamment en Côte d’Ivoire où des forêts primaires ont été détruites, a eu un véritable impact sur la mousson. Les sols retiennent moins d’humidité et réfléchissent davantage l’énergie solaire vers l’atmosphère, ce qui diminue l’intensité de la mousson. »

  12. Araucan (#62),

    Il y a déjà eu pas mal d’études sur le lien déforestation-précipitations.
    IL semblerait qu’on ait trouvé une légère corrélations pour les précipitations hors régime de mousson…. par contre, pour l’intensité de la mousson, c’est clairement la distribution des températures de surface océanique qui est le principal moteur.

    Les liens de plombier sont des articles, pondus par des journalistes.
    Il existe une littérature scientifique assez abondante sur les études du phénomène mousson, bien plus intéressante que de l’information journalistique mal assimilée et mal régurgitée.

  13. Araucan
    Oui et après il y a :

    Mais aujourd’hui, les scenarios du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) révèlent des incertitudes sur les zones de mousson, zones qui ont pourtant un rôle capital sur le climat global. Le Sahel est la région où ces incertitudes sont les plus fortes. Il y a d’énormes désaccords : certains modèles prévoient une hausse des précipitations, d’autres modèles prévoient une baisse. Nous tentons aujourd’hui de comprendre ces désaccords, pour à terme être capable d’améliorer les prévisions.