De Le Verrier à Al Gore.

Un article de Martine Tabeaud. Lien avec des vidéos à la fin du billet : un bon moment à passer …

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 Concordance des temps.

Le climat redevient un objet géopolitique avec le « réchauffement planétaire » : de nombreux articles ou ouvrages postérieurs aux années 1980 l’attestent. L’étonnant, dans cette manière de voir est cependant qu’elle n’est guère nouvelle. D’un siècle à l’autre, tout a été expliqué par le climat : la diversité des hommes, celle des paysages, des civilisations, la marche de l’histoire depuis les migrations jusqu’aux révoltes, etc. Un lien fort existe, dans de nombreuses sociétés, entre ceux qui « comprenaient le climat » et ceux qui possédaient le pouvoir. En témoignent les religions où les dieux, situés dans le ciel, parlent aux hommes par les désordres du climat (mythe du déluge, foudre) et où des sorciers, prêtres, sauveurs intercèdent pour les humains auprès des divinités célestes. Toutes les civilisations ont eu leur grande inondation et attendent leurs cavaliers de l’Apocalypse. Ces croyances sont plus proches de nous qu’on ne l’imagine puisque par exemple une loi anglaise de 1677 condamnait encore au bûcher les météorologues, taxés de sorcellerie. Le passage à l’an 2000 a même réveillé des peurs, des menaces terrestres et célestes que l’on pensait oubliées.

Ce recours aux dieux du ciel, aux astres lointains s’enracine dans l’imaginaire. Or, à la différence du temps qui est perçu, le climat est une abstraction. En conséquence, le regard porté par une société sur son (le) climat s’inscrit dans une vision d’ensemble de valeurs collectives. Il est envisagé comme stable ou comme changeant selon que prévaut l’idée que l’on se fait du mouvement, de la dynamique. Quant à la place de l’homme face au climat, elle se veut soit celle du spectateur, et donc de la victime, soit celle de l’acteur pour le meilleur (réduire les émissions de gaz à effet de serre) et pour le pire (perturber gravement le système planétaire).

Afin de mieux comprendre l’approche actuelle du climat « planétaire », en « changement », il convient de faire un peu d’histoire, de revenir sur la période de la Révolution industrielle. Pourquoi ? Parce que, selon une certaine vision du réchauffement climatique, l’usine, la locomotive et le bateau à vapeur seraient la cause du réchauffement contemporain, puisque la hausse thermique mondiale débute vers 1850 et qu’elle est attribuée à la combustion des énergies fossiles qui dégagent un résidu : le co2. Or, c’est à la même époque, au milieu du 19e siècle qu’est mis en place le réseau météorologique. Il fournit les seules données mesurées utilisées pour l’étude du climat, puisque antérieurement elles sont reconstituées. Cette période de Révolution, en Europe, dans un contexte d’industrialisation et donc d’urbanisation des territoires, s’accompagne, chez les élites, d’une idée de la science positive, du progrès continu, de la croissance recherchée, de l’entreprise conquérante. Ce modèle a fortement influencé la conception du temps météorologique et du climat, d’autant qu’à partir des Lumières, la sensibilité à la Nature change, cette dernière devenant largement idéalisée.

51.  phi | 14/11/2010 @ 23:38 Répondre à ce commentaire

Patrick Bousquet de Rouvex (#50),
Ben, faut lire le saint livre du giec. Mais comme certains exégètes intègrent Ladurie au corpus, ça se complique un peu pour nous autres du petit peuple. Bourg, moinillon de son état, propose de réintroduire la science en latin stratosphérique. Heureuse initiative favorable à la paix de nos âmes, lesquelles, au fond, n’ont que faire des réglages fins de la fournaise de ce bas monde. Vaquons donc pedibus ignorants, obéissants et satisfaits sous le soleil tant qu’il chauffe et ne rôtit point.

52.  miniTAX | 15/11/2010 @ 0:39 Répondre à ce commentaire

On doit à Emmanuel Le Roy Ladurie, dans sa thèse de 1967, une critique synthétique sans complaisance de cette conception de l’histoire comme étant gouvernée par le climat. En fait, dès 1885, Angot avait soupçonné, pour le cas particulier de la culture de la vigne dans le triangle Bourgogne-Vosges-Jura, que les pratiques techniques des viticulteurs rendaient compte des dates des vendanges et non le “climat”. Mais c’est à Le Roy Ladurie qu’on doit la réfutation la plus complète de cette idée que le climat gouverne l’histoire des hommes : c’est tout l’objet de sa thèse, souvent citée, mais peu lue.

Petite fleur des Alpes (#43),
Super, il ne reste plus à Le Roy Ladurie des années 70 qu’à se mettre d’accord avec Le Roy Ladurie des années 2009. Et à faire lire à LRL2009 la thèse-peu-lue de LRL1967 :

Pour ce dernier tome, je suis allé chercher les dates de début et de fin de vendanges, les récoltes de blé et les rendements des producteurs de pomme de terre.
On m’a pris au départ pour un illuminé mais en auscultant les dates de début de vendange, on peut assez facilement deviner quel fut le climat de l’année.

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