CHANGEMENTS CLIMATIQUES DANS LES MERS DE L’ARC ARCTIQUE EURASIEN/1

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3 Variabilité de l’épaisseur et de la concentration de la glace au vingtième siècle.

L’épaisseur maximum de la glace dans la mer de Kara a augmenté de 1936 à la fin des années 60 puis décru jusqu’à la fin du siècle sans toutefois revenir à la valeur de 1936 (NdT: A rapprocher des affirmations selon lesquelles il a fait plus chaud à cette époque qu’à la fin du siècle). Ces variations suivent à peu près les variations d’englacement du cycle de 60 ans dans les mers du secteur occidental (Groenland, Barents, Kara) et sont statistiquement significatives. L’intervalle de confiance est de 95% pour la mer de Kara.
Les variations d’épaisseur de glace s’expliquent non seulement par les températures de l’eau et de l’atmosphère, mais aussi par les conditions de dérive qui peuvent dans certains cas laisser plus au nord la glace de plus d’un an.
Une comparaison, un peu longue à relater ici, entre les expéditions dérivantes du Fram (Nansen 1885) et du Sedov (1937-1940) prouve que les assertions catastrophistes sur la fonte de la glace n’ont pas de fondement.

Les variations de l’épaisseur de glace dépendent non seulement des anomalies de la vitesse de dérive que l’International Arctic Buoy Program a permis de préciser mais aussi dans une mesure significative, de la distribution initiale de l’englacement (emplacement de la bordure de banquise à la fin de l’été, limite des zones englacées, etc.). L’alternance de régimes cycloniques ou anticycloniques, les variations de température de basse fréquence et la présence d’eau atlantique profonde dans le bassin arctique sont étudiés plus loin.

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4 Cohérence entre l’étendue de glace de mer et les processus dans l’atmosphère et l’hydrosphère.

La variabilité et l’état de la couverture de glace arctique dépend des conditions atmosphériques aussi bien que des processus dynamiques et thermodynamique de l’océan. Un certain nombre de paramètres influencent la direction et l’intensité de ces processus. Les plus importants sont : la température de l’air de surface, le vent, les couches limites océaniques et leur stratification, et la circulation océanique.

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4.1 Les changements à long terme de la température de l’air en Arctique

Une reconstruction des anomalies de la moyenne annuelle de la température de l’air de surface (SAT) a été faite pour le siècle dernier. Les anomalies ont été calculées à l’aide d’une grille (5° de latitude et 10° de longitude) entre 70° N et 85° N pour la période 1891-2000. Les données proviennent des archives de l’Observatoire de géophysique de St Pétersbourg.

Les refroidissements et réchauffements périodiques, similaires aux variations de l’englacement, sont évidents dans les températures de l’air de surface en Arctique au vingtième siècle.

Anomalie de la température moyenne annuelle en °C dans la zone 70°-85° de latitude Nord

Figure 5: Anomalie de la température moyenne annuelle en °C dans la zone 70°-85° de latitude Nord entre 1891 et 2000 et leur tendance polynomiale.

On observe une période de refroidissement au début du siècle, puis un réchauffement entre 1920 et 1940 puis un refroidissement relatif de la fin des années cinquante à la fin des années 70 et enfin un nouveau réchauffement de la fin des années 90 au début des années 2000. La tendance polynomiale suggère un cycle d’environ 50 à 60 ans.
Des cycles de même période ont été trouvés dans les carottages de glace effectués à la station Vostok en Antarctique.
Ces cycles sont adossés à un changement de plus grande ampleur avec une tendance linéaire positive de 0,8 à 0,9 °C de la température de l’air arctique durant le siècle. Cette tendance peut faire partie de l’une des fluctuations multiséculaires de l’histoire terrestre. Une reconstruction des anomalies de 1579 à 1983 montre des pics significatifs à des fréquences de 100 et 200 ans respectivement.
Cette tendance pourrait faire partie d’un cycle stable de 210 ans reconstruit à partir de l’isotope du béryllium 10.
L’hypothèse d’un ″forçage polaire″ du réchauffement global reste très discutée. Le mécanisme des gradients horizontaux de température à la limite du ″front polaire″ n’est pas entièrement compris.

La variabilité accrue de la température dans les zones tempérées de l’Eurasie et du continent Nord Américain est typique des mois d’hiver. Les signes des anomalies de températures des océans et des continents sont généralement opposés (COWL : Cold Ocean Warm Land, d’après Wallace & al. qui attribuent ces phénomènes à un accroissement de transferts ouest-est durant les périodes de réchauffement, et leur atténuation durant les périodes de refroidissement).

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4.2 Modifications de longue période des champs de pression atmosphérique et des indices de circulation atmosphérique.

Les ouvrages cités par les auteurs notent qu'en période de réchauffement, les champs de pression des différentes zones ont tendance à s’affaiblir, et les dépressions à se creuser plus profondément (Islande et Aléoutiennes), mais qu’en général les zones de variations maximales de la pression ne coïncident pas avec les zones de variations maximales de  température.
De même, un rafraîchissement significatif de la mer de Barents et plus encore, de la mer de Kara intervient durant les époques ″froides″, alors que durant les époques ″chaudes″, la salinité de l’eau de surface augmente notablement. Dans une certaine mesure, c’est à rapprocher des apports des fleuves, mais le changement est principalement du à l’apport de l’eau relativement saline d’origine atlantique. En fonction du régime des vents, notamment en provenance du sud-ouest, l’entrée d’eau atlantique  entre le Groenland et la Norvège (la plus grande ouverture du bassin arctique) et par le détroit de Béring peut notablement modifier la salinité et donc le point de congélation, sans parler de la température des eaux elles-mêmes.
En tout état de cause, la non coïncidence (dans le temps et dans l’espace) des conditions hydrologiques et météorologiques rend encore plus difficile d’isoler un signal. L’utilisation de fonctions orthogonales empiriques a permis de supprimer le bruit de fond du aux changements de haute fréquence.
Suit la description d’un processus complexe de fusion et de mise en forme de données diverses (régimes de circulations notamment) qu’il serait trop long de décrire ici, mais qui représente un remarquable travail de synthèse.
Le résultat est à nouveau l’identification de cycles de 50±60 ans dans les indices de circulation atmosphérique et révèle leur étroite corrélation avec les changements cycliques de la température globale de l’air, ainsi que des observations de longue durée (plus de 100 ans) des niveaux du lac Balkach, de l’embouchure de la Neva, des précipitations sur la côte ouest de l’Amérique du Nord et de l’englacement de la mer de Barents.  De plus, les résultats coïncident avec la PDO et le pic bas de pression atmosphérique aux Aléoutiennes (ALPI).
En outre, de récentes études des déplacements de glace dus au vent ont mis en lumière une alternance de régimes cycloniques et anticycloniques avec une période de 10 à 15 ans. Sur la foi de ces analyses, il est proposé un indice d’Oscillation de l’Océan Arctique (AOO).
Enfin les auteurs notent qu’aux latitudes polaires et sur une partie des latitudes tempérées, la pression atmosphérique s’accroît durant les périodes froides, et décroît durant les périodes chaudes. Aux latitudes subtropicales, le processus est de signe inverse.
Suivent d’intéressantes mais longues digressions sur l’activité cyclonique et anticyclonique, son influence sur le vortex circumpolaire, les répartitions de pression en fonction des régimes, les changements à long terme des champs de pression, montrés par plusieurs cartes d’isobares.
Il est noté que les vents zonaux aux latitudes tempérées de l’Atlantique Nord sont assez étroitement corrélés aux déplacements d’air méridionaux de la baie de Baffin et du bassin nord-européen. Le premier est caractérisé par l’indice ECO (East Canadian Oscillation) et le second par l’indice NEO (North European Oscillation). Le coefficient de corrélation NAO-NEO (NAO : North Atlantic Oscillation) est de 0,74, et de 0,69 pour NAO±ECO. Par conséquent, avec des échanges en augmentation entre l’ouest et l’est, les vents froids sur la baie de Baffin et les vents de sud-ouest amenant de la chaleur sur le bassin nord-européen s’intensifient. Dans le cas contraire, on voit une advection d’air chaud au nord-ouest, et une advection d’air froid sur l’Atlantique Nord qui influencent le climat arctique.

Vinje (1998) a mis en évidence une relation statistique étroite entre les changements d’indice NAO pour différents intervalles de temps (de 1 à 50 ans) au vingtième siècle et les anomalies d’englacement en Avril dans les mers Nordiques pour les mêmes intervalles de temps.

Les anomalies négatives de la température moyenne et les anomalies positives de l’englacement des mers de l’arc sibérien ont prévalu d’environ 1955 à la fin des années 80. Elles étaient accompagnées de transports zonaux de haute altitude plus faibles et d’un anticyclone arctique renforcé.