De l’incertitude en climatologie/1.


Par judith Curry. (Climate etc)

D'autres références sont disponibles ici (Partie I, Partie II, uncertainty monster and reasoning threads).Here is the main text of the paper (no abstract yet, or reference list).Voici la partie principale du texte sans résumé ni bibliographie.1. Introduction

La difficulté à structurer et à communiquer l'incertitude en matière de changement climatique est révélatrice du niveau de défi que représente la compréhension et le raisonnement sur un système si complexe. Notre compréhension de la complexité du climat est handicapée par une myriade d'incertitudes, indéterminations, ignorances et biais cognitifs. Cela provient du très grand nombre de degrés de liberté du système, du nombre de sous-systèmes et de la complexité à les relier, ainsi que de la nature chaotique et non-linéaire de l'atmosphère et de l'océan. Un système complexe ne se comporte pas de façon évidente à partir des propriétés de ses composants, où les grandes échelles du système en influence de plus petites et où la structure à toutes les échelles est modifiées par les rétroactions entre celles-ci. L'espistémologie de la modélisation par ordinateur de systèmes complexes est un domaine de recherche nouveau et actif ou sont impliqués des chercheurs, des philosophes et la communauté scientifique de l'intelligence artificielle. Comment raisonner sur le climat en tant que système complexe n'est ni simple ni évident.

Comment le GIEC a-t-il abordé la difficile question de l'incertitude en climatologie ? Jusqu'au troisième rapport et la directive Moss-Schneider (2000), l'incertitude fut traitée de façon ad hoc. La directive Moss-Schneider pointait nombre d'éléments pour le repérage et la communication des incertitudes. Toutefois, l'utilisation de ce document dans le troisième et le quatrième rapport a conduit à une perspective subjective ou à des "estimations d'experts de la confiance à accorder". Les avocats de la méthode GIEC sur les incertitudes pensent qu'un consensus subjectif exprimé en termes simples est mieux compris par les responsables politiques.

L'approche du GIEC sur la détermination de l'incertitude a été la cible de nombre de critiques. Van der Sluijs et al.(2010b) trouvent que cette stratégie du consensus masque des incertitudes et des dissensions scientifiques en rendant vulnérables les politiques retenues à l'erreur scientifique et limitant le champ du politique. Van der Sluijs (2010a) pense que les points sur lesquels il n'a pas été possible d'avoir un consensus, continuent de recevoir trop peu de considération par le GIEC, même si la dispute influe fortement sur le politique. Oppenheimer et al.(2007) montrent la nécessité de se prémunir contre une confiance excessive et pensent que le consensus au sein du GIEC amplifie les conclusions attendues, alors qu'il est également important que les décideurs politiques comprennent que les possibilités les plus extrêmes peuvent en être exclues ou atténuées. Gruebler and Nakicenovic (2001) reconnaissent qu'"il y a un danger que la position de consensus du GIEC puisse mener à un rejet de l'incertitude au profit de d'opinions biaisées d'experts".

Bien que le désir des décideurs politiques d'obtenir un message clair des scientifiques est compréhensible, l'approche par consensus utilisée par le GIEC n'a pas produit une image complète des complexités du problème et des incertitudes associées dans notre compréhension du sujet. Même si le public ne pouvait saisir cette complexité ou n'était pas culturellement prédisposé à accepter le consensus, il n'en était pas moins à même de saisir les représentations véhémentes que la presse a faites de la science. Une présentation de l'incertitude et de l'ignoré mieux faite alliée à des niveaux de confiance plus réalistes réduirait en grande partie le "bruit" et l'animosité dans les médias qui nourrissent la méfiance du public vis-à-vis de la climatologie et qui gènent le processus politique. Mais pas pour dire que cette présentation améliorée aiderait à une plus grande compréhension générale de la science et à mieux cibler les ressources pour améliorer. cette compréhension. De plus, cette information est  déterminante si l'on veut développer des options politiques robustes.

Indétermination et délimitation du problème "changement climatique".

Un aspect négligé de la présentation de l'incertitude est associé aux questions qui n'ont pas été posées. Wynne (1992) suggère que la connaissance scientifique explore typiquement "une liste restreinte d'incertitudes données – celles qui sont solubles – laissant non visible toute une gamme d'autres incertitudes, particulièrement celles sur les limites de l'applicabilité du cadre existant des connaissances à de nouvelles situations". Il se réfère en cela à l'indétermination, qui se produit du fait de la "complexité sans limites des chaines causales et des réseaux ouverts". Les indéterminations peuvent survenir du fait d'ignorer si le type de connaissances scientifiques et les questions posées sont appropriés et suffisantes dans la situation et le contexte social où cette connaissance sera appliquée.

Dans le cas du climat, l'indétermination est associée à la manière dont le problème "changement climatique" a été posé. Les cadres sont des principes d'organisation qui permettent une interprétation spécifique sur un point donné. De Boerg et al. (2010) constatent que : " Les cadres jouent le rôle de principes d'organisation, qui englobent d'une manière cachée et prise pour acquise la façon dont les gens conceptualisent un sujet". Risbey et al. (2005)??? pensent que les décisions sur le cadrage d'un problème influence le choix des modèles et des connaissances qui sont considérées comme pertinentes pour être incluses dans l'analyse. De plus, De Boerg et al. ont ajouté que les cadres peuvent exprimer comment un problème est vu, qui pourra émettre un avis dessus, quelles questions sont pertinentes et quels types d'explications pourraient être appropriés.

Le cadre de prise de décision de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique justifie le cadre de l'évaluation par le GIEC du changement climatique et de ses incertitudes, en termes d'identification des dangers associés au changement climatique et de suggestions en vue de décider des objectifs de stabilisation du taux de CO2. Dans ce contexte, certaines questions scientifiques ont reçu peu d'attention. Sur la détection et l'attribution des causes du changement climatique au 20ième siècle, le chapitre 9 du rapport du groupe de travail 1 du 4ième rapport du GIEC exclut quasiment d'entrée les modes  naturels internes de la variabilité multidécennale des causes possibles. De même, l'impact du faible niveau de compréhension de la variabilité du soleil et de ses effets indirects potentiels sur le climat ne sont pas étudiés de manière significative au regard de leur impact sur le niveau de confiance exprimé sur les causes. Dans le rapport du deuxième groupe de travail, l'attention est focalisée sur l'attribution au RCA d'impacts potentiellement dangereux, en négligeant que le réchauffement pourrait être bénéfique à certaines régions ou à certains secteurs.

De plus, le cadre analytique de la décision associé au choix des objectifs de stabilisation du taux de CO2 conduit la recherche et l'analyse à utiliser des avis d'experts pour déterminer la valeur la plus probable de la sensibilité et donc du rechauffement et pour restreindre l'amplitude des valeurs prévues, plutôt que d'explorer à fond l'incertitude, la possibilité de cygnes noirs (Taleb 2007) et de rois des dragons (Sornette 2009). Le concept d'une surprise imaginable a été discuté dans le document de Moss-Schneider sur l'incertitude, mais cette possibilité a été largement ignorée dans le quatrième rapport du GIEC. Celui-ci se concentre sur ce qui est "connu" avec un certain niveau de confiance. La faille la plus visible de cette stratégie est de négliger la possibilité d'une fonte rapide des banquises sur le niveau des mers dans le résumé pour décideurs (e.g. Oppenheimer et al. 2007; Betz 2009). un point important est d'identifier les cygnes noirs potentiels associés aux variations naturelles du climat sans influence humaine, à une échelles d'un ou deux siècles. Même sans cela, les évaluations du risque du RCA peuvent tromper les décideurs.

La présence de conflits marqués à la fois sur la science et sur les politiques à suivre reflète un cadre plutôt étroit pour cette question. Tant que la question ne sera pas recadrée ou que différents cadres ne seront pas étudiés par le GIEC, le débat scientifique et politique continuera à ignorer des éléments cruciaux et à se baser sur des niveaux de confiance bien trop élevés.

(La suite bientôt)

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