… en fait à cinq, je vous laisse découvrir les deux autres …
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Quand journalistes et scientifiques font bon ménage
Dans sa thèse, le sociologue Jean-Baptiste Comby démontre que la popularisation du changement climatique en France est le résultat d'une alliance objective entre journalistes, chercheurs et agences environnementales.
1990 est la date à laquelle paraît le premier rapport du GIEC. Il y a déjà eu des sommets sur le climat, des objectifs définis entre scientifiques et politiques… pourtant le problème n’est pas encore arrivé jusqu’aux oreilles des citoyens. Il faut attendre 1997 et le protocole de Kyoto pour que cette thématique soit plus largement abordée dans les médias.
Pourquoi si tard ? Plusieurs facteurs sont en cause en France : la faible structuration de la recherche académique sur le climat, les réticences des scientifiques à l’égard des médias, la faible professionnalisation du journalisme environnemental, le manque d’implication des associations environnementale sur le sujet… Pour toucher “monsieur et madame tout-le-monde”, il faut rendre nationales et concrètes les préoccupations climatiques.
Dans un article publié en 1995 et intitulé “Sources strategies and the mediatization of climate change“, les sociologues Marc Mormont et Christine Dasnoy remarquent que
la méfiance à l’égard des médias qui prédomine au sein du champ scientifique français ne favorise pas l’investissement des scientifiques dans une pratique d’expertise auprès des journalistes.
En pratique, les journalistes n’ont guère le choix… Ils peuvent seulement montrer que la communauté internationale est unanime et que la gravité du problème est telle qu’il faut se mobiliser. En outre, le poids des journalistes environnementaux dans les rédactions n’est pas toujours suffisant : ils sont cantonnés dans la couverture des COP ou l’explication de l’effet de serre et il leur faut argumenter et batailler ferme pour pouvoir publier autre choses sur le sujet.
Une transformation de la relation qui existe entre les journaliste environnementaux et les scientifiques du climat est absolument nécessaire pour pouvoir rendre la question publique et espérer ainsi toucher tout le monde.
La montée du “journalisme environnemental”
La montée progressive de la thématique climatique dans la hiérarchie des problèmes publics s’effectue en parallèle de l’institutionnalisation du journalisme environnemental au début des années 2000. Dans sa thèse (1), Jean-Baptiste Comby raconte :
À la fois “complices” de cette spécialité journalistique et bénéficiaires de cette institutionnalisation, les entrepreneurs du problème climatique servent et se servent des journalistes des rubriques environnement.
La création en 1994 de l’Association des Journalistes de l’environnement (AJE) révèle les modifications structurelles que connaît ce sous-ensemble de la profession. L’AJE répond aux aspirations d’autonomisation et de professionnalisation à un moment de forte croissance du nombre de ces journalistes… mais cette association est étroitement liée à l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (Ademe) dont le responsable des relations presse est, à l’époque, président de l’AJE.
Dans les années 1990, il est très difficile pour un journaliste environnementaliste de ne pas être considéré comme un militant. Certaines tensions et déconsidérations existent au sein même des rédactions des quotidiens nationaux (Le Figaro, Le Monde…).
À Libération, la rubrique quotidienne sur l’environnement est mise en place à partir de 2003 et concerne quatre “journalistes environnement” et cinq “journalistes science”. Il faut attendre 2005 à la rédaction du journal Le Monde pour avoir une rubrique quotidienne partagée. En revanche, le quotidien Le Figaro se démarque par sa prévoyance puisque dès 2001 un “journaliste environnemental” et un “journaliste science” se partagent la rubrique.
Le journalisme comme outil de sensibilisation
Pour attirer l’attention du public, ces journalistes doivent ancrer leurs articles sur le climat dans le quotidien des lecteurs ou téléspectateurs. Pour cela, tous les moyens sont bons, notamment les registres du sensible et de la proximité. Pour Jean-Baptiste Comby,
les journalistes de l’environnement font ainsi d’une pierre deux coups : ils remplissent la mission de sensibilisation que leurs “sources” leur assignent et satisfont aux impératifs de l’audimat.
En clair : satisfaire les scientifiques tout en concernant « monsieur et madame tout-le-monde ».
Que voit-on ? L’emprise de la communication sur l’action publique (notamment par le biais des agences comme l’Ademe) et la professionnalisation du journalisme environnemental, partis de deux points de départ différents, se rejoignent finalement :
La valorisation publique du problème climatique s’en trouve dépolitisée
Il est maintenant possible d’instrumentaliser des évènements météorologiques pour accélérer la publicisation du problème du changement climatique. Par exemple, les journalistes n’ont pas annoncé de lien entre la tempête de 1999 et le changement climatique, mais ce dernier a été immédiat dans les journaux en ce qui concerne la canicule de 2003.
Dans ce dispositif qui tient d’alliance objective, tout le monde est gagnant. D’une part, les agences et cabinets d’expertise, d’autre part les journalistes en charge de cette actualité. Ces deux groupes insistent sur un consensus qui leur permet d’argumenter sur l’urgence du problème tout en laissant de côté d’éventuelles controverses scientifiques abstraites qui n’intéresseraent presque personne. En prime, tous se sentent investis d’un rôle civique.
Quant aux scientifiques, une participation à l’expertise ne leur semble pas présenter un intérêt scientifique suffisant au regard du temps et de l’énergie nécessaire. Par ailleurs, pour les chercheurs du Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD), affilié au CNRS, l’organisation nécessaire pour réaliser des simulations pour le GIEC ne cadre pas avec leur culture institutionnelle. Ils voient dans l’expertise un risque pour le droit du chercheur à travailler sur les sujets qui lui semble pertinents.
Les scientifiques dans l’arène médiatique
En 2004, changement de cap. Les équipes de recherche française s’engagent massivement dans la réalisation de simulations pour le 4ème rapport au GIEC (publié en 2007). Les chercheurs semblent avoir été convaincus que l’expertise respectait les normes et valeurs de la recherche et qu’ils pouvaient y trouver un intérêt scientifique pour leurs propres travaux.
Jean-Baptiste Comby et Marine Soichot montrent que dans la suite de la construction du problème climatique, plusieurs chercheurs de ces équipes Institut Pierre Simon Laplace (IPSL) dont le LMD et Météo France, vont s’engager en dehors de l’arène scientifique. Parmi eux, Jean Jouzel, incontournable porte-parole du problème climatique en France, sera le plus médiatisé. D’autres chercheurs comme Hervé Le Treut (LMD), Sylvie Joussaume (LSCE) ou Valérie Masson-Delmotte (LSCE) monteront également petit à petit dans les médias.
Ces scientifiques jouissent d’un crédit incontestable et leur discours met en avant le consensus (du GIEC), en insistant sur le fait que les certitudes sur le sujet pèsent plus que les incertitudes. Ce sont ce qu’on peut appeler des lanceurs d’alerte, position plus ou moins assumée par tous.
Le sujet devient plus facile à traiter pour les journalistes : il est possible de parler des conséquences, de rendre le problème plus concret. Et depuis, le changement climatique est entré dans notre information quotidienne… jusqu’à avoir aujourd’hui une sorte de parité dans les débats : un « climatosceptique contre un réchauffiste ». Extrême inverse pour rétablir un équilibre ?
Notes :
1. Les enjeux liés aux changements climatiques : valorisation publique, médiatisation et appropriations au quotidien (1998).
@@@@@@
56 réponses à “Ménage à trois …”
JG2433 (#17),
Surtout pour ceux qui l’habitent et devront cracher au bassinet…
Marot (#27), Ce qui est un début d’explication possible pour les sommes stockées en Suisse… les pauvres filles insatisfaites en manque de lapinous ne la remercient pas !
Murps (#32), Sans doute puisqu’elle est elle aussi urbaniste ! Les soirées bio quand elles se rendent visite doivent être chaudes… pour envisager une meilleure interpénétration des territoires…
Bousquet de Rouvex (#53), ce serait donc un problème avec l’habitat urbain ?
Murps (#54), 😉
JG2433 (#55), vous m’avez si bien tendu la
verge, perche !!!Un peu facile mais là aussi, je m’y suis laissé prendre.
La chair est faible.