Le climatoscepticisme refoulé de l’IPSL

par Benoît Rittaud.

Si le Rapport sur la climat de la France au XXIe siècle était un polar, le modèle climatique Aladin en serait le gentil flic et WRF le méchant flic. Remarquez, c’est peut-être un truc pour couper court aux critiques. Genre : OK, Cocorico-WRF n’est peut-être pas très bon, mais Cocorico-Aladin, lui, n’a pas autant de défauts.

Quoi qu’il en soit, l’IPSL, ci-devant concepteur du modèle climatique WRF, aurait peut-être mieux fait d’y réfléchir à deux fois avant de présenter les résultats de son rejeton dans un rapport public. Voici pourquoi. Notre bad cop évolue dans deux scénarios. Le premier, que nous appellerons « scénario médian », est le RCP4.5 du GIEC, dans lequel les émissions de gaz à effet de serre progressent jusque vers 2050 après quoi elles se stabilisent. Le second, « chauffe Marcel », est le scénario RCP8.0, au cours duquel les émissions de gaz à effet de serre progressent sans réel frein jusqu’en 2100.

Le problème fondamental de notre bad cop, c’est qu’il ne sait pas trop quoi faire du CO2. Voyez pour commencer la figure 3 du Rapport (p. 16), qui s'intéresse aux évolutions de température. Un bon vieux plat de spaghettis comme on les aime, qui noie les détails dans la masse pour mieux suggérer un message simple : « vous voyez bien qu’ça va chauffer ». Les courbes qui nous intéressent sont celles en pointillés signalées par une flèche, ce sont celles de Cocorico-WRF. En vert pour le scénario médian, en rouge pour chauffe Marcel.

RapportFigure3BruteComm

Première chose remarquable : chauffe Marcel a besoin d’un temps de chauffe, justement. Sur les spaghettis de gauche (hiver) comme sur ceux de droite (été), le scénario à beaucoup de CO2 réchauffe moins que le scénario médian (j’en ai déjà parlé au sujet du tableau-qui-fait-peur) pendant plusieurs décennies : jusque vers 2040 en hiver, jusque vers 2060 en été. Quand même.

RapportFigure3TenmpsDeChauffeWRF

Figurez-vous ensuite que, selon Cocorico-WRF, les températures estivales vont même légèrement baisser jusque vers 2035, à condition qu’on émette le plus possible de CO2.

RefroidissementWRF

Dans le scénario médian, en revanche, pas de baisse estivale comparable (notez que les spaghettis sont particulièrement emmêlées à l’endroit concerné). Il se rattrape toutefois les années suivantes, et nous propose un refroidissement climatique du plus bel effet. La courbe finit certes sa course vers +1°C, mais sa pente descendante laisse penser que le XXIIe siècle et sa concentration atmosphérique de 630 ppm de CO2 (moitié supérieure à celle d’aujourd’hui, quand même) verrait les étés refroidir dès le début du siècle au niveau de ce qu’ils sont aujourd’hui.

Pour le plaisir des yeux, voici les Mignons Petits Hexagones correspondants à ces pronostics de Cocorico-WRF :

HexagonesWRFTemp20212050

Si ça ce n'est pas être sceptique sur l'affirmation « plus de CO2 => plus chaud »…

En bon climatosceptique, WRF considère aussi que plus il y aura de CO2 moins il y aura de vagues de chaleur sur la période 2021-2050. La preuve avec les Mignons Petits Hexagones concernés, qui montrent le nombre de jours de chaleur en plus selon les scénario (plus c'est rouge, plus il y en a) :

VaguesChaleurWRF2021-2050

En bonne logique climatosceptique toujours, WRF estime donc aussi que, sur la même période 2021-2050, plus il y aura de CO2, moins les jours de grand froids se feront rares :

 

VaguesFroidWRF20212050

 

Le meilleur pour la fin : les précipitations. Là, les courbes de WRF sont faciles à repérer, ce sont celles qui montent le plus haut.

RapportFigure8Brute

Pour les hivers du scénario médian, WRF montre une courbe qui monte tranquillement à l'intérieur de l'enveloppe de confiance. Regardez donc bien cette courbe : c'est la seule qui soit un peu crédible, comme quoi, pour paraphraser un trait apocryphe de Voltaire, les modèles climatiques ne sauraient avoir le privilège de se tromper toujours.

Pour les hivers toujours, la courbe pointillée rouge, celle-là même qui monte en flèche, passe tout près de sortir de l'enveloppe de confiance pourtant fort généreuse. Jusqu'en 2100, donc, WRF est encore dans les clous, la question étant de savoir s'il en sort en 2101 ou en 2102. C'est presque la même question qui se pose pour les étés avec le scénario médian : disons que le plafond devrait être crevé en 2110 ou en 2111 (le code couleur fait qu'on ne s'en rend pas compte au premier coup d'œil, mais l'enveloppe de confiance du scénario médian est bel et bien celle qui descend le plus).

Pour les étés en revanche, aucun doute : WRF est en-dehors des clous dès avant 2080. Les boîtes de droite montrent que, pour ce scénario, WRF a le privilège de proposer la valeur la plus élevée de tous les modèles européens utilisés. Toutes mes félicitations.

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51.  Cdt Michel e.r. | 14/12/2014 @ 9:15 Répondre à ce commentaire

Nicias (#50),

Il s’agit bien sûr du roman d’anticipation prémonitoire « 1984 » de George Orwell.
En novlangue, « Angsoc » remplace « Socialisme anglais »

Winston, le héros, travaille pour le Miniver (Ministère de la Vérité) qui réécrit l’Histoire.

Coolmicro le 09/06/2013:
Comme je l’ai indiqué, en gras, « Titre retiré suite à une mis en demeure des éditions Gallimard » : la traduction n’est pas libre de droits, que ce soit en Europe ou au Canada

http://www.ebooksgratuits.com/details.php?book=509

N.B. : Ce roman était disponible sur E-books Libres et Gratuit en 2004, époque à laquelle, je corrigeais déjà des bouquins pour eux. J’en ai donc une copie à la maison, si cela intéresse quelqu’un… il suffit de me contacter via mon site.
J’ai aussi la « Ferme des Animaux ».

52.  Ben | 14/12/2014 @ 10:47 Répondre à ce commentaire

Murps (#44), la CADA raisonne sur le plan du droit, pas de la morale (et c’est mieux comme ça). Même si MF ne m’en a jamais parlé explicitement, on ne peut exclure que MF puisse s’en sortir en passant par un trou de souris juridique.

53.  phi | 14/12/2014 @ 11:08 Répondre à ce commentaire

joletaxi (#49),
Dans votre référence, le graphique GHCN est annoncé par :
This is the raw data from GHCN.
C’est en réalité le graphique des données d’entrée Giss qui sont les données de sortie GHCN.

Par exemple pour Uccle, le réchauffement entre 1950 et 1990 vaut approximativement :
+ 0.4 °C pour les données brutes,
+ 0.8 pour les sorties de GHCN,
+ 1.1 pour les sorties Giss.

Ils ne devraient pas s’arrêter là, en ajustant encore un peu les données ajustées après ajustement de valeurs homogénéisées pré-ajustées, je ne doute pas qu’ils parviennent au Nirvana climatique.

54.  Scaletrans | 14/12/2014 @ 15:35 Répondre à ce commentaire

Laurent Berthod (#48),

Angsoc signifie English Socialism.

55.  Scaletrans | 14/12/2014 @ 15:38 Répondre à ce commentaire

Cdt Michel e.r. (#51),

Désolé, j’avais pas vu votre post.

56.  Cdt Michel e.r. | 14/12/2014 @ 15:47 Répondre à ce commentaire

phi (#53),

L’Institut royal météorologique (IRM) de Belgique occupe le même plateau que l’Observatoire astronomique. Lors de leur création, Uccle était une commune rurale, maintenant c’est une zone résidentielle au sud de l’agglomération bruxelloise.

Pour le localiser sur la page Wikipédia, cliquez sur Carte ou sur les coordonnées à droite du titre

Sur le Site de l’IRM des données climatiques sont disponibles, mais uniquement pour les dernières années.

Personnellement, j’accorderais plus de confiances aux températures historiques publiées par TuTiempo et WUndergroud qui sont extraites principalement des rapports METAR des aérodromes.

57.  Laurent Berthod | 14/12/2014 @ 21:59 Répondre à ce commentaire

Scaletrans (#54),

Bon, ben, alors Angsoc et Angkor, c’est pas très éloigné. C’est toujours du socialisme !

58.  Scaletrans | 15/12/2014 @ 11:58 Répondre à ce commentaire

Laurent Berthod (#57),

Vous voulez sans doute parler d’André Malraux 😈

59.  dontcare | 15/12/2014 @ 13:45 Répondre à ce commentaire

Nicias (#37),

Suivant quel critère ?
Tous les modèles sont faux mais soit disant utiles car ils reproduisent bien une ou des caractéristiques du climat ou de son évolution.

Je suppose que cela dépend de la question à laquelle vous voulez répondre avec le(s) modèle. Je ne pense pas qu’il y ait de critère absolu. Donc il doit falloir chercher des liens dans les variables climatiques simulés…par exemple si un modèles x reproduit bien tel variable (pression, temperature,…) à tel endroit sur les dernière 50-100 ans….alors sa capacité prédictive est meilleur pour l’évolution de la banquise, etc…des choses comme cela me semblerait pas mal. Apparemment ces liens existent mais sont faibles. Peut-être que la question qui reste est alors: Est ce que cela peut être amélioré ? (cad est-ce du plus aux déficiences des modèles ou est-ce intrinsèque au système climatique ?)

Tout les modèles sont faux oui. Mais bon « faux » cela fait un peu blanc/noir non ? Un modèle de météo est faux et pourtant utile non ? Vous pensez donc qu’ils sont trop faux pour être utile à quoique ce soit ?

trouvez vous normal de garder des modèles qui reproduisent si mal la surface la banquise arctique à 1,5 million de km2 alors qu’elle en fait 7 à son maximum ?

Un modèle qui est vraiment mauvais pour reproduire la banquise arctique actuelle ne sera pas pris au sérieux pour ses projections sur son évolution. Il n’y aura pas d’articles sur l’évolution de la banquise avec ce modèle. Donc non cela ne serait pas normal de le prendre pour le moyenner à d’autres par exemple. Après si ce modèle reproduit bien la mousson et qu’il est « gardé » pour des études sur la question….c’est déjà plus dur de répondre là…

Le seul critère aujourd’hui est leur capacité à reproduire l’évolution moyenne (sur cent ans) des températures au 20ème siècle.¨

Non, ça c’est faux. Les modèles sont testés contre la climatologie des dernières décennies, pressions, vents, etc…
Le critère de l’évolution de la température globale est non seulement insuffisant mais biaisé puisque cela vient de calibrations.

Mais le problème c’est qu’il n’y a pour l’instant pas vraiment de corrélation entre la « qualité » d’un modèle pour reproduire le climat des dernières décennies et les incertitudes sur les projections. C’est pour cela qu’elles restent plus ou moins constantes alors que les modèles sont devenus meilleurs pour reproduire le climat actuel.

Benoit fait une approximation à l’insu de son plein gré qui pour autant est juste.

Mais je l’ai dis que cela venait d’une approximation du rapport lui même ! Mon post disait juste: Ce n’est pas WRF qui est visé mais IPSL-CM4. Une erreur « compréhensible » reste une erreur et cela ne me paraissait pas complètement inutile à corriger.

c’est bien chez l’IPSL que se trouve le côté « sceptique » des résultats produits.

« sceptique » ne veut pas dire grand chose. Si vous voulez dire « sceptique » comme sur les plateau tv alors non pas vraiment.
Pour le vrai scepticisme, évidemment. La science est sceptique par définition. Tout les éléments intéressants qui mettent en doute la précision des prévisions viennent des centre de recherches qui font ces prévisions…

60.  the fritz | 15/12/2014 @ 17:24 Répondre à ce commentaire

dontcare (#59),

Tout les éléments intéressants qui mettent en doute la précision des prévisions viennent des centre de recherches qui font ces prévisions…

Waouh, rien que cela

61.  Laurent Berthod | 15/12/2014 @ 17:26 Répondre à ce commentaire

Scaletrans (#58),

Oui, suis-je distrait ! C’est Angkar si, cette fois-ci, je ne me trompe pas !

62.  the fritz | 15/12/2014 @ 17:26 Répondre à ce commentaire

the fritz (#60),
Zut , c’est parti comme en quarante
C’est clair , les sceptiques ne vont pas inventer des données , contrairement à Mikael par exemple ; mais Dieu que c’est difficile d’avoir accès à ces éléments , à commencer par leurs publications

63.  Nicias | 15/12/2014 @ 17:27 Répondre à ce commentaire

dontcare (#59),

Je suppose que cela dépend de la question à laquelle vous voulez répondre avec le(s) modèle

Il me semble que c’est la sensibilité du climat au CO2, c’est pour cela qu’on les paye. Et c’est aussi pour cela qu’ils sont inutiles. Pour autre chose, ils peuvent servir, par exemple à nous dire qu’on ne comprend pas les évolutions du climat (il y a quand même des articles intéressant utilisant les modèles pour expliquer tel phénomène spécifique).

Un modèle qui est vraiment mauvais pour reproduire la banquise arctique actuelle ne sera pas pris au sérieux pour ses projections sur son évolution.

Si par le GIEC, voir mon commentaire n°5 :
http://www.skyfall.fr/?p=1369&cp=1#comments
Mais si vous avez une théorie alternative pour expliquer le pourquoi de ce graphique dans un rapport du GIEC, je suis preneur.
Lire aussi mon commentaire 19.

Non, ça c’est faux.

Ah, source. Ce que je veux dire est qu’un modèle qui ne reproduit pas l’évolution des températures de l’anomalie des températures de la moyenne mondiale des températures sur le 20ème siècle n’est pas retenu, il n’y en a pas dans les rapports du GIEC. En revanche un modèle qui reproduit l’évolution de l’anomalie de la moyennes températures l’est, même s’il produit une banquise d’un million de km2 (c’est à dire qu’il n’a pas le bon albédo, ou alors trop de nuages etc…) ou une température à la surface trop froide de 2°C (vous m’expliquerez comment il reproduit une pression ou un taux d’humidité correct avec ça).

Et c’est une tragédie pour les modèles. Un bon modèle n’a aucune raison de reproduire l’évolution des températures du 20ème siècle qui peut être due, majoritairement, à bien autre chose que les GES mais qu’on ne comprend pas et qui n’est pas dans les modèles. Tout ce qu’on fait ici, c’est sélectionner des faux positifs qui vont diverger au 21ème siècle et nous donner une enveloppe de résultats démesurément grande.

Sceptique dans son contexte, c-a-d au sens de l’article de Ben, lukewarmer en quelque sorte.

64.  the fritz | 15/12/2014 @ 17:31 Répondre à ce commentaire

dontcare (#59),

reproduire le climat actuel.

Toujours aussi clair , c’est quoi le climat actuel ? celui de la dernière décennie, ou vouliez vous parlez de la météo ?

65.  dontcare | 17/12/2014 @ 13:31 Répondre à ce commentaire

me semble que c’est la sensibilité du climat au CO2, c’est pour cela qu’on les paye.

Un peu réducteur…les études sur le climat à échelles plus courtes que l’horizon 2100 il y en a non? Et là, surtout en regardant des régions et variables précises, tout n’est pas co2 dans les modèles.

Si par le GIEC, voir mon commentaire n°5 :

C’est très moche en effet…
La raison que cela soit publié par le GIEC ? Différents modèles participent à un projet (CMIP5), leurs données sont utilisés et donc publiés dans le cadre du projet multimodèles. Le projet est repris par le rapport du GIEC. Mais cela ne veut pas dire que les résultats des modèles ne reproduisant clairement pas l’état « de base » de la banquise ne sont pas critiqués.
Car en regardant le passage en question, on voit bien qu’évidemment le rapport ne prend pas « au sérieux » ces modèles…ils ne sont certes pas « exclus » mais il y a des figures montrant les résultats suivant la masse de banquise présente au départ. Et le texte fait explicitement référence au problème, tout du long. Et donne des pistes pour calibrer les modèles, sans avoir de solutions précises.
exemple:

These results lend support for weighting/recalibrating the models based on their present-day Arctic sea ice simulations

la moyenne mondiale des températures sur le 20ème siècle n’est pas retenu

Ah mais que ce soit une condition a minima c’est autre chose. Surtout vu que cela peut être ajusté relativement facilement. Mais ce n’est pas vrai de dire que c’est la seule chose utilisé pour tester les modèles.

Et c’est une tragédie pour les modèles.

Mouais, tragédie est un terme trop fort. Car pas besoin de modifier grand chose dans le modèle…donc je ne suis pas sur que cela les pénalisent beaucoup. Enfin un peu oui, avec un « nouveau » modèle, ou une nouvelle version disons, il doit y avoir un peu l’obligation de connaitre d’abord sa « sensibilité » avant de faire des simulations j’imagine, mais à part cet aspect pratique, je ne pense pas que cette « obligation » de reproduire la T° moyenne impacte négativement le degré de réalisme des modèles. Pas vraiment positivement non plus d’ailleurs.