Par Nicola Scafetta et Adriano Mazzarella*
Traduction, Scaletrans.
Résumé :
Nous étudions ici les archives sur l’étendue des banquises Arctique et Antarctique fournies par le National Snow and Ice Data Center (NSIDC). Ces archives révèlent un comportement climatique inverse : depuis 1978, l’indice d’extension de la banquise Arctique a décru, ce qui veut dire que la région s’est réchauffée, pendant que l’indice d’extension de la banquise Antarctique a augmenté à un rythme significativement plus élevé que dans les décennies précédentes ; Autrement dit, l’extension des banquises des deux régions a connu une accélération positive. Ce résultat est assez robuste car il est confirmé par d’autres indices climatiques de température pour les mêmes régions. Nous avons également trouvé qu’une oscillation naturelle significative de 4-5 ans caractérise le climat de ces régions de banquise. Au contraire, nous avons trouvé que les modèles de circulation générale CMIP5 ont prédit un réchauffement significatif dans les deux régions polaires et échoué à reproduire la forte oscillation de 4-5 ans. Les simulations CMIP5 des GCM étant en contradiction avec les observations, nous suggérons que d’importants mécanismes naturels de changement climatique manquent dans les modèles.
1. Introduction
La banquise est de l’eau de mer congelée. Elle couvre environ 7% de la surface terrestre et environ 12% des océans du globe [1]. La banquise se forme majoritairement dans les régions polaires, soit dans l’océan Arctique et dans la mer autour de l’Antarctique. La glace de mer a une température très proche du point de fusion. Son évolution est évaluée principalement en considérant l’équilibre massique de la glace en comparaison avec l’instrumentation standard. En raison de ses propriétés thermodynamiques, l’extension de la banquise dépend de la variation de l’albédo local, des fluctuations de la température, de la circulation océanique et de la variation des masses d’air.
Les changements de l’équilibre radiatif net régulant le climat global sont amplifiés près des pôles par rapport à la moyenne planétaire (p. ex., [2]). En fait, la Terre est caractérisée par une circulation atmosphérique et océanique qui fait converger la chaleur vers les pôles. La rétroaction due à l’albédo est la plus marquée aux pôles étant donné l’apparition puis le remplacement de la banquise blanche par de l’eau de mer bleu foncé. Ces propriétés physiques font que les pôles sont très sensibles aux changements climatiques [3]. Ainsi, à travers la loupe de l’amplification polaire, les séries temporelles des extensions de banquise sont des indices relativement importants pour l’étude des changements climatiques concernant à la fois régions polaires et le climat global.
La NASA [4] a découvert des changements rapides dans les calottes de glaces polaires de la Terre qui préoccupent grandement beaucoup d’observateurs. En fait, la fonte des glaciers polaires pourrait changer drastiquement de plusieurs mètres les niveaux de la mer dans le monde entier. La fonte des petits glaciers et des calottes polaires sur les marges du Groenland et de la péninsule Antarctique pourrait faire monter le niveau des mers de d’environ 0,5 m, et de 7.2 et 61.1 mètres respectivement si la totalité du Groenland et de l’Antarctique fondait (cf. [5]). La débâcle de la calotte de l’Antarctique Ouest pourrait faire monter le niveau des mers d’au moins 3,3 m [6, 7]. Même une petite élévation du niveau des mers pourrait affecter un pourcentage significatif de la population mondiale et pourrait considérablement impacter des cités majeures comme New York.
Les informations sur l’épaisseur et les mouvements des calottes polaires sont recueillies par radar, microondes et instruments à faisceau laser équipant des satellites. Les observations détaillées et fréquentes fournies par les appareils basés dans l’espace permettent de surveiller les changements dans les calottes à un degré qui n’était pas possible avec les méthodes basées sur terre [8, 9].
Divers facteurs couplés agissent sur la banquise. Le réchauffement climatique réduit l’extension de la banquise dans les régions polaires.
Ceci réduit l’albédo des régions polaires, c’est-à-dire la faculté de réfléchir le rayonnement solaire entrant. La glace blanche réfléchit une grande partie de la lumière du Soleil qui la touche et cela a un effet refroidissant sur le climat général. Avec un albédo diminué, le climat se réchauffe en déclenchant une forte rétroaction. Cependant, la fonte des glaces pourrait impacter la circulation thermohaline des océans et pourrait paradoxalement causer un refroidissement [10]. Ironiquement, on a soutenu que le réchauffement global pourrait aussi retarder ou compenser l’âge glaciaire à venir [11]. Ces résultats apparemment contradictoires ne peuvent être résolus que par des observations scientifiques détaillées et une analyse soigneuse des données. Le processus de réchauffement climatique et autres forces de changement climatique continueront à se refléter dans les calottes glaciaires.
Alors que l’Arctique s’est réchauffé, il y a une controverse sur le refroidissement de l’Antarctique qui demande à être éclaircie et si possible résolue (http://en.wikipedia.org/wiki/Antarctica cooling controversy) en fait, bien qu’il ait été établi que la Péninsule Antarctique de l’Ouest Antarctique se soit réchauffée (voir [12]), les tendances ailleurs sur le continent, en particulier dans l’Est Antarctique sont plus incertaines et on montré un refroidissement sur plusieurs décennies (voir [13]).
Cette question est importante pour le débat sur le changement climatique. En fait, le réchauffement global observé depuis les années 70 a été typiquement associé aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre [14]. Le réchauffement global provoquerait la fonte des glaciers et des calottes polaires. Comprendre si les modèles de circulation générale (GCM) actuels sont aptes à prédire convenablement les changements climatiques continentaux observés est fondamental pour déterminer si des mécanismes naturels non encore découverts, compris ou modélisés sont présents dans le système climatique (cf. [15].
Cet article a pour but d’étudier en détail les enregistrements des relevés d’extension de banquise polaire, comparer les situations interannuelles et décennales observées avec plusieurs relevés alternatifs de température des mêmes régions, et voir si les General Circulation Models Coupled Model Intercomparison Project Phase 5 (CMIP5 GCMs) prédisent la situation observée.
2. Données
Ici, nous utilisons les relevés mensuels d’extension des banquises Arctiques et Antarctiques téléchargées depuis Climate Explorer (http://climexp.knmi.nl) fournis par le National Snow and Ice Data Center (NSIDC) (http://nsidc.org/data/g02135 ) [8]. Les données sont exprimées en millions de km² et couvrent la période de Novembre 1978 à Janvier 2015. Deux valeurs manquaient (Décembre 1987 et Janvier 1988) qui ont été remplacées par interpolation linéaire. La Figure 1 montre des cartes d’extension de la banquise de l’été (Septembre) et l’hiver (Mars) Arctique et de l’été (Février) et l’hiver (Septembre) Antarctique.
Les figures 2(a) et 2(b) montrent les extensions des banquises Arctique et Antarctique respectivement. Les oscillations annuelles et saisonnières sont évidentes dans les deux relevés. Les deux relevés présentent un décalage temporel de 6 mois, car comme on le sait, les hémisphères Nord et Sud ont des saisons inversées.
Figure 2: Indices d’extension des banquises Arctique (a) et Antarctique (b) [8]
Pour mieux comparer les deux relevés, nous utilisons un algorithme de moyenne glissante sur 12 mois pour séparer les échelles annuelles et interannuelles. La figure 3 montre les relevés en moyenne glissante lissée sur 12 mois.
Figure 3 : Comparaison entre les moyennes glissantes sur 12 mois des relevés de la surface des banquises Arctique et Antarctique
Les relevés annuels lissés de l’extension de la banquise Arctique ont décru de 10.5 * 106 km² en 1978 à environ 9 * 106 km² en 2014 avec une tendance linéaire de -0,049 ± 0,0009 km²/ an. Depuis 2007, les relevés sont plus stables, avec une tendance de -0,012 ± 0,009 km²/an. Au contraire, les relevés annuels lissés de l’extension de la banquise Antarctique sont passés d’environ 8,5 * 106 km² en 1978 à environ 9,5 * 106 km² en 2014 avec une tendance linéaire de 0,020 ± 0,001 km²/an. Cette tendance est passée à 0,077 ± 0,013 km²/an. Par conséquent, les deux index ont subi une accélération positive durant la dernière décennie. En général, les deux relevés sont corrélés négativement sur l’échelle multi décennale analysée : le coefficient de corrélation est r = -0,56. Des oscillations significatives d’environ 4-5 ans sont également observées dans les deux relevés, en particulier en Antarctique.
La Figure 4 compare l’oscillation annuelle des indices des banquises Arctique et Antarctique obtenues en gommant des relevés originaux décrits à la Figure 2 leur courbe de moyenne lissée sur 12 mois décrite à la Figure 3. On observe que : (1) l’inversion saisonnière attendue entre les hémisphères Nord et Sud a bien lieu ; (2) l’amplitude de l’oscillation annuelle de l’Arctique est toujours plus petite que celle de l’oscillation annuelle de l’Antarctique : (3) la durée de l’amplitude de l’oscillation annuelle varie.
Figure 4 : Oscillation annuelle des indices de la surface des banquises Arctique et Antarctique.
On peut mettre en lumière cette dernière en estimant l’amplitude liée à la durée de l’oscillation annuelle. Nous estimons la fonction de déviation standard de l’oscillation annuelle décrite à la Figure 4 et la multiplions par 2√2. A noter que pour une fonction sinusoïdale (t) = (1/2) sin(2πt), son amplitude (min. – max.) A est 2√2 fois la déviation standard de f(t) sur la période d’une oscillation. Les deux relevés asservis au temps sont décrits en Figure 5.
Figure 5 : Amplitude de l’oscillation annuelle décrite en Figure 4 des indices de la surface des banquises Arctique et Antarctique.
La Figure 5 montre que l’amplitude du cycle annuel de l’indice d’extension de la banquise Arctique est passée d’environ 9 * 106 km² en 1978 à environ 10,5 * 106 km² en 2014. Au contraire, l’amplitude du cycle annuel de l’index d’extension de la banquise Antarctique a été pratiquement stationnaire, entre 13 * 106 et 14 * 106 durant la période 1978-2014. La figure 5 met aussi en lumière l’existence d’une quasi oscillation de 4-5 ans dans les relevés lissés de l’Arctique et de l’Antarctique, encore que cette oscillation est plus régulière pour ce dernier. Après 2000 les deux relevés semblent avoir leur oscillation de 4-5 ans corrélée négativement : lorsque l’Arctique présente une oscillation annuelle plus grande, l’Antarctique présente une oscillation annuelle plus petite, et vice et versa. Cependant, cette physionomie ne semble pas se maintenir pour la totalité de la période 1978-2014 où la corrélation est seulement faiblement négative r = -0,05.
Figures 6(a) (Arctic) and 6(b) (Antarctic) compare the 12-month moving average record (Figure 3) and the annual amplitude record (Figure 5) of the sea-ice area indices, respectively. Figure 6(a) shows that for the Arctic the annual amplitude is negatively correlated with the multidecadal trending, ; as the annual mean sea-ice area decreases the annual amplitude increases. Figure 6(b) shows that for Antarctica there exists a weak negative correlation between the annual mean record and the annual amplitude record: . Figure 6(b) shows that for Antarctica the annual mean record and the annual amplitude record present the 4-5-year oscillations that are negatively correlated with each other.
Les Figures 6(a) (Arctique) et 6(b) (Antarctique) comparent les relevés sur 12 moins en moyenne glissante (Figure 3) et les relevés d’amplitude (Figure 5) des index de banquise, respectivement. La figure 6(a) montre que pour l’Antarctique la moyenne des relevés annuels et les relevés d’amplitude ont des oscillations de 4-5 ans corrélées négativement entre elles.
Figure 6 : Arctique (a) et Antarctique (b). Comparaison entre les relevés de moyenne glissante sur 12 mois (Figure 3) et les relevés d’amplitude annuelle des index de surface de banquise.
59 réponses à “Les archives des indices d’extension des banquises Arctique et Antarctique face aux températures mesurées et modélisées”
the fritz (#49), Bernnard (#50),
Hum…
Pour faire simple :
Vous voulez déterminer le zéro °C d’un thermomètre à mercure ou autre.
Vous le plongez dans un récipient d’eau contenant de la glace.
Allez vous utiliser un seul glaçon dans le récipient ou de la glace pilée ?
A l’évidence, vous utiliserez de la glace pilée et non pas un seul glaçon parce que vous savez (ou pas) que l’étalonnage du thermomètre tire parti des propriétés de l’équilibre résultant du changement de phase (eau-glace) et que le changement de phase c’est une affaire de surfaces en contact et qu’il vaut mieux avoir le maximum possible de surface de glace en contact avec l’eau pour assurer le coup.
Bob (#51),
Très bon exemple !
MichelLN35 (#34),
Trop occupé ces deux derniers jours pour exprimer un avis… pour lequel je n’ai pas la compétence requise. A vue de nez cependant, cette affaire d’erreur instrumentale variable en fonction de l’environnement ne pourrait pas expliquer cette instabilité aux deux extrémités de la cloche (laquelle n’est tout de même pas une cloche de répartition!).
Bernnard (#50), je penche pour une histoire de chaleur latente et de changements de phases.
Aux basses températures (- 20 °C) on met très très peu de vapeur d’eau dans l’air et on sature très vite.
Les changements de phases se font donc à tout de bras, probablement avec de l’air sans doute à peine plus chaud venant des basses latitudes et contenant beaucoup plus d’eau, qui précipite immédiatement en réchauffant ce qui a autour.
Là dessus, j’ai cru comprendre que la nucléation ne se faisait pratiquement pas dans ces coins peu (ou pas) chargés en poussières, pollens et tout ça.
Ce qui expliquerait l »absence de précipitations et donc la remarquable stabilité des températures lors des mois « chauds ».
Toutes ces considérations restent très bancales…
Murps (#54),
Oui probablement.
Si vous avez la curiosité de regarder "l'eau précipitable" contenu dans l'air au dessus des pôles (elle s'exprime en Kg/m2, comme une pression) vous verrez qu'elle est très faible, ce qui veut dire qu'il y a peu d'eau "soluble" dans l'air polaire surtout s'il fait très froid.
Vous pouvez utiliser ce site, en zoomant sur les pôles pour voir la valeur de l'eau précipitable. Bien sûr, ce sont des valeurs calculées.
Je pense qu'à la fois, comme dit Bob, les échanges thermiques atmosphère /eau sont plus rapides en présence de glace morcelée (en été) et la quantité d'eau dans l'air (plus importante en été) jouent dans le même sens.
Bernnard (#55),
Oui, dans le sens d’une grande stabilité.
22.09- Je viens d’écouter le Journal de 20 h de France 2. La séquence sur le climat (dorénavant quotidienne avant COP 21 ?) était consacrée au Groenland. La catastrophe complète : disparition des glaces, icebergs en vadrouille, noircissement des glaces par des tas de polluants (cadmium, …). La glace a fondu sur plusieurs mètres cette année. Etc …
Ou bien c’est vrai et c’est effectivement très inquiétant ; ou bien c’est faux et alors il faut trouver le moyen de rectifier les propos … Il a été également question de l’élévation des températures.
Abbé (#57),
J’ai mis le lien du replay du JT sur le fil climathon qui me semble plus adapté pour discuter de ce nouveau (mais probablement pas dernier) monument de propagande.
Abbé (#57),
Ben non, comme d’hab, c’est complètement faux…