Le rouleau compresseur GIEC

Dès le début, les critiques ont attaqué l'administration Bush sur sa manière de traiter la science. Dans de nombreux domaines – et de manière emblématique dans le cas du réchauffement climatique – des accusateurs éminents se sont plaints que la Maison Blanche et ses relations politiques au niveau fédéral interfèrent sur le travail des scientifiques, déforment leurs conclusions et censurent leurs déclarations publiques. Beaucoup de ces exemples sont choquants – ou du moins ils l'étaient. La manière dont l'administration gère les efforts scientifiques de son propre gouvernement et de la recherche en général, est lamentable.

Alors, quand la Maison Blanche est en désaccord avec la majorité des gouvernements du monde et exprime des doutes au sujet du GIEC, cela est considéré avec mépris comme un exemple supplémentaire de son incurie. Pour sûr, l'administration américaine a détruit sa propre crédibilité en ce qui concerne l'intégrité scientifique et personne n'est à blâmer à part elle-même.

Le GIEC pourrait avoir raison : le changement
climatique pourrait en effet être le défi le plus grand
et le plus urgent de l'humanité. Ce serait une
erreur de demander la certitude avant d'agir.

Pour nous autres, cependant, c'est bien dommage parce que – pour dire les choses brutalement – le GIEC mérite bien le mépris de l'administration. C'est une institution sérieusement défectueuse et peu digne de confiance par rapport à l'attention que lui accordent les gouvernements et les médias. Sur les décisions qui ont été prises sur la mitigation du changement climatique, sans parler des décisions futures, les enjeux sont énormes. Pour motiver ces décisions, le processus défaillant du GIEC a renforcé le monopole de la pensée unique. Cela doit changer et le GIEC lui-même doit être réformé.

Pour voir plus en détails les arguments de cette accusation, il faut lire l'article de David Henderson dans le numéro actuel de World Economics. M. Henderson, un éminent économiste académique et ancien directeur économique de l'OCDE, a eu maille à partir avec le GIEC pendant quelques temps. Il y a 5 ans, lui et Ian Castles, un ancien directeur du Bureau Australien des Statistiques, avaient commencé par tirer la sonnette d'alarme sur les erreurs patentes sur la manière d'établir les scénarios d'émission. Ces scénarios étaient basés sur des projections à long terme des PIB nationaux qui étaient basés sur des taux de changes qui ne tiennent pas compte du pouvoir d'achat. Cette erreur conduisait à des projections nationales qui étaient dans certains cas tout simplement absurdes. Loin de reconnaître la remarque et de corriger les projections, le GIEC a traité ces éminents fonctionnaires de haut rang de trouble-fête incompétents. A sa tête, Rajendra Pachauri, avait fait une déclaration douteuse en les accusant de diffuser de la désinformation.

Le nouvel article de M. Henderson ne peut pas être plus clair, l'épisode est représentatif d'un ensemble plus général d'erreurs (souvent élémentaires dans le domaine économique) et l'incapacité de les corriger. Comment cela est-il possible ? Le GIEC se vante de l'étendue de son réseau de contributeurs scientifiques et de son processus d'examen par comité de lecture. Le problème est que, bien que les contributeurs et les relecteurs soient nombreux, ils sont choisis dans un cercle professionnel restreint. L'expertise en économique et statistique n'est pas un critère de choix ; faire partie d'un réseau de coauteurs complaisants et être convaincu de l'urgence de la cause climatique le sont par contre.

Ajouter à cela une répugnance – et parfois un refus – de publier les données et méthodes qui auraient permis la réplication des résultats (rendre publique les données est une pratique commune de nos jours dans les journaux spécialisés). Résultat, des conclusions spectaculaires mais par la suite discréditées – telle que la célèbre courbe en "crosse de hockey" qui prouvait que les années 1990 dans l'hémisphère Nord seraient les plus chaudes du millénaire – sont contestées par des outsiders qui jouent le rôle de trouble-fête.

A la base, il y a un biais largement répandu. Dès le départ, le GIEC a été pleinement investi dans l'idée que le changement climatique est le défi le plus pressant qu'a à affronter l'humanité et que des actions urgentes bien plus importantes que ce qui est envisagé seraient nécessaires pour y faire face. Dans l'esprit des leaders et porte-parole du Groupement, cette conviction justifie des annonces publiques qui vont souvent bien au-delà des analyses fournies par ses propres scientifiques.

En parlant du Quatrième Rapport d'Evaluation du GIEC, M. Pachauri disait : "j'espère que cela va choquer les gens et forcer les gouvernements à prendre des actions plus sérieuses." Les règles qui régissent le GIEC disent pourtant que celui-ci se doit d'être "neutre par rapport à la politique" et les rapports eux-mêmes s'y conforment. Mais de telles déclarations et de nombreuses autres rangent l'institution et ses scientifiques dans un programme qui va bien plus loin que ce que la science dit.

Le GIEC pourrait avoir raison : le changement climatique pourrait en effet être le défi le plus grand et le plus urgent de l'humanité. Ce serait une erreur de demander de la certitude avant d'agir. Le consensus scientifique, bien que pas aussi fort qu'on le dise, l'est sûrement assez pour imposer une taxe carbone ou un équivalent.

Mais si les gouvernements veulent avoir le meilleur conseil, ils ont besoin d'informations et d'analyses venant d'une source ouverte et désintéressée – ou sinon de multiples sources contradictoires. Avec le risque environnemental calmement exposé, établir de bonnes mesures exige une responsabilité et une diversité de points de vue bien plus grande que ce que fournit actuellement le GIEC. Une institution incompétente, dévouée à son propre agenda, ne devrait jamais se voir attribuer ce degré d'autorité morale sur la science, sur la présentation au public de la science et sur des appels à "plus d'actions sérieuses" qui vont bien au-delà de ce que dit la science.

Source

1.  Murps | 5/08/2007 @ 0:11 Répondre à ce commentaire

Le GIEC pourrait aussi avoir complètement tort.
Et les conséquences sociales des décisions prises par rapport à ses conclusions erronées seraient pires…

Cordialement.
Murps

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