Changement climatique : l’urgence, moteur d’une crise prématurée ?

(Suite)

L’urgence est en fait souvent celle de l’agenda politique. Dire qu’il y a urgence à trouver un système efficace de gestion des gaz à effets de serre et de rendre à témoin pour cela l’opinion publique avec les vocables de la responsabilité morale, c’est juste un peu incomplet. Le système actuel des Nations Unies qui gère le protocole de Kyoto est en effet valide jusqu’en 2012. Toute modification de ce système ne serait donc valable que pour 2013, d’où la relativité de l’urgence. Ce n’est pas une remise en question de la nécessité d’agir mais plutôt la suggestion de choisir des outils performants.

D’ailleurs, comme l’immense majorité du personnel de la Commission européenne restera en place même si ses têtes peuvent bouger en juillet ou septembre prochains, elle a utilisé une communication plus durable, moins liée à l’actualité la plus immédiate et basée aussi sur la pédagogie des bons gestes quotidiens. Ceci dit, sa brochure « Combating climate change, the EU leads the way » garde la même accroche « dramatique », avec une photo de labrador pataugeant dans les eaux vénitiennes d’une place Saint Marc inondée comme suite de la couverture offrant une vue sur les pales d’une éolienne…

Cette urgence est moralisatrice : il est de notre devoir d’agir pour les générations futures, il est du devoir de l’Union européenne de montrer le bon exemple au reste du monde. Cette pédagogie ressemble souvent à la chasse au gaspi des années 70 et 80 au moment des chocs pétroliers. Le yo-yo des cours du brut n’y est sans doute pas étranger même si la crise financière a atténué ces évolutions inquiétantes pour un temps au moins. Des innovations technologiques accessibles à de plus en plus de personnes donnent aussi du crédit à cette pédagogie des gestes quotidiens avec la généralisation des ampoules modernes par exemple.

Coucher de soleil à New York le 12/07/09.

Le soleil au crépuscule dans la 42ième rue de New York, le 12 juillet 2009, lorsque l'alignement du soleil est en concordance avec les rues de cette ville. REUTERS/Mike Segar

Ce souci de rapprocher la question du changement climatique des petits gestes quotidiens peut sembler paradoxal avec l’urgence affichée. Cette dernière impliquerait, stimulée par les tons dramatiques, des mesures expéditives. Ce maniement de l’urgence est parfois périlleux car il crée une forme d’appel d’air, une exigence d’obligation de résultat immédiat. Ainsi combien de réactions négatives n’a-t-on pas entendues de la part d’ONG suite à la dernière réunion des Nations Unies à Poznan ? Certaines attendaient des actes forts, décisifs, oubliant que Poznan n’était qu’une réunion préparatoire. A leur décharge, on peut certes rappeler que bien des institutionnels de cette réunion déclaraient vouloir des progrès immédiats. L’urgence est une denrée que l’on aime souvent partager…

Au-delà, pour échapper aux mesures radicales liées au sentiment d’urgence,certains expliquent que la lutte contre le changement climatique est de la responsabilité de tous et de tous les instants, d’où, justement, la promotion des gestes quotidiens. Ce genre de ponts entre une problématique mondiale et les effets ou des efforts locaux est indispensable si l’on veut un changement de comportements. Bien des décideurs politiques locaux l’ont compris, eux qui parfois subventionnent des investissements en vue d’améliorer l’efficacité énergétique des logements comme l’isolation ou le recours à des énergies renouvelables. Au niveau national, pareille démarche s’inscrit dans les bonus écologiques donnés aux voitures émettant peu de CO2.

A trop pleurer sur le sort des ours polaires, fatalement lointains pour la plupart d’entre nous, on éloigne en effet la question du changement climatique vers des rivages qui nous sont familiers surtout sous forme de photos et de couchés de soleil éblouissants. Ce genre d’émotions paye surement mais pour combien de temps ? Pourtant, on a bien vu des compagnies de transport public faire la promotion de leurs abonnements sous forme d’aide à sauver la banquise. Je ne connais pas l’impact de cette publicité mais j’imagine que les cours de l’essence et le prix de l’abonnement n’ont pas été étrangers à une éventuelle hausse du nombre d’abonnés.
Dans les modélisations climatiques, certaines données demeurent encore imprécises et, du coup, certains en tirent argument pour en contester la pertinence, soit pour le monde, soit pour eux-mêmes. En revanche, ce qui est à l’heure actuelle difficilement contestable, c’est l’utilité de réaliser des ́économies d’énergie qui sont à portée de main. Le concept de l’empreinte carbone, -qui n’en a pas ?-, participe de ce souci de rapprocher enjeu mondial et démarche personnelle sans qu’il y ait forcément besoin de dramatiser.
La promotion des gestes quotidiens qui limitent les émissions de gaz à effet de serre peut malheureusement perdre en séduction psychologique ce qu’elle gagne en impact physique. A court terme, il n’est pas certain que l’élan des économies d’énergie puisse se passer d’un minimum de conviction voire de séduction. Le fait de devoir relancer des chasses au gaspi illustre bien  ’insuffisance de la seule pédagogie moralisatrice par les gestes quotidiens. La séduction de ces gestes quotidiens demeure donc un défi : il est difficile de prétendre qu’avec ces gestes on a tout résolu. Le changement climatique n’est pas encore classé cause humanitaire… et pourtant…
La charge émotionnelle n’est cependant pas impossible dans la communication des gestes quotidiens. Sans passer par l’arme de l’urgence moralisatrice, le Cefic, Conseil Européen des Fédérations de l’Industrie Chimiques, a ainsi fait le choix d’une communication qui vise à la fois l’émotion et la rationalité de ses publics. Tant l’exposition « Building blocks for climate change solutions » présentée en juillet dernier au Parlement européen de Strasbourg que le dessin animé « jumping the climate change hurdle » visible sur You Tube depuis décembre dernier s’inspirent de cette double approche. Dans le cas de l’exposition, la démarche consistait à s’extraire partiellement de la pression politique pour démontrer que l’industrie apporte bien des solutions, des réponses aux questions du changement climatique. Il s’est agi de construire une maquette grandeur nature d’une maison dans un couloir du Parlement européen avec pour chaque pièce de la maison des panneaux expliquant la contribution de la chimie à la protection contre les émissions de gaz à effet de serre et leurs conséquences sur l’environnement et notre mode de vie : éclairage économe, double vitrage, isolation, économies d’eau, cellules photovoltaïques, plastiques dernier cri, peintures innovantes, voitures plus propres, la chimie offre des solutions au changement climatique. Pour paraphraser un slogan bien connu, c’est déjà demain.
51.  piloteman | 5/11/2009 @ 0:33 Répondre à ce commentaire

super.mouton (#43),

On peut d’ailleurs s’amuser à mettre cette « spiritualité pseudo bouddhiste de gloubiboulga » en regard de ce court récit écrit en 1900 par l’écrivain Russe Vladimir Soloviev

52.  Marot | 5/11/2009 @ 8:19 Répondre à ce commentaire

piloteman (#51),
Merci de m’avoir fait connaître (mal encore mais cela tient à moi) ce texte lumineux.

53.  chria | 5/11/2009 @ 10:57 Répondre à ce commentaire

piloteman (#51),
L’un des commentaires :
« Mais à ma connaissance, il n’y a pas d’actualisation plus récente et plus pertinente de l’Apocalypse. »
Il a oublié les rapports du Giec…

Sinon que dire de ce texte à part qu’il conforte les intégristes dans leur délire de rédemption et de vengeance, souvent motivé par des tendances suicidaires à la base ? Il n’y a pas plus de prophétie dans ce texte que dans un livre de SF.
Mais bon, je ne suis pas objectif, car malgré des efforts je n’arrive toujours pas à séparer secte et religion dans le fond comme dans la forme. La théologie peut parfois ressembler à une forme de philosophie, encore qu’il faut lire Franz Overbeck qui décrit la théologie chrétienne comme aporie de la pensée, « se contentant à travers les siècles de se raccrocher aux grandes idéologies à la mode et aux tendances sociologiques et politiques des divers moments, en les « christianisant », en les recouvrant d’un pseudo-vernis et d’une pseudo-garantie biblique. Cela pour conserver le pouvoir des clercs et de l’institution ecclésiale sur la société… »
Toutefois, pour revenir au sujet, les écolos ne sont pas tous des catastrophistes désabusés qui attendent la fin du monde, bien au contraire. C’est pourquoi dans ce débat entre religion et science, le fait de croire à quelque chose n’empêche pas d’avoir un esprit rationnel, et le fait de vouloir relier malhonnêtement les faits et la complexité scientifique à des volontés de changements de styles de vie ou d’enrichissement personnel n’en fait pas une religion.

54.  Curieux | 5/11/2009 @ 12:23 Répondre à ce commentaire

chria (#53),

je n’arrive toujours pas à séparer secte et religion dans le fond comme dans la forme

A mais il y en a une énorme, une religion est une secte qui a réussi. 😉

55.  chria | 5/11/2009 @ 14:25 Répondre à ce commentaire

Curieux (#54),
Alors la scientologie est une religion…

56.  Florent76 | 5/11/2009 @ 15:36 Répondre à ce commentaire

La plus grande partie des polémiques autour du terme secte ont leur source dans le fait que ce terme recouvre plusieurs définitions et opinions. On peut observer, suivant les personnes et groupes qui l’utilisent :

Le sens étymologique et sens premier : une branche, le plus souvent dissidente, d’une religion installée.
– Le sens positif déclaré par les nouveau mouvement religieux : groupe d’individus libres exerçant ensemble une activité dans le champ de la spiritualité, comme d’autres s’associent dans un domaine artistique, avec son système de croyances ou sa philosophie originale, plus ou moins perfectionné et des adeptes, apparemment, non manipulés mentalement.
– Le sens négatif « fort » : toute organisation, y compris les sociétés secrètes, ayant été condamnée pour préjudices envers ses adeptes, manipulés mentalement, ou ayant subi d’autres contraintes.
– Le sens négatif « étendu » : toute organisation soupçonnée d’exercer une manipulation mentale sur ses adeptes afin de les exploiter.

Depuis le XXe siècle, on parle de secte lorsqu’il s’agit de recouvrir le sens négatif du mot. Etant donné les accusations de malveillance qui pèsent sur la scientologie, elle ne saurait être une religion.

Source :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Secte

57.  Araucan | 5/11/2009 @ 23:02 Répondre à ce commentaire

scaletrans (#44),

Ils ont fait une demande pour être observateur : il y a une procédure pour les ONG …

58.  Araucan | 5/11/2009 @ 23:19 Répondre à ce commentaire

scaletrans (#44),

Voici par exemple la liste des participants non officiels à Bonn en juin à partir de la page 60 du document

http://unfccc.int/resource/doc...../inf05.pdf

Pour l’ONU, il y a une procédure similaire….

59.  scaletrans | 6/11/2009 @ 9:14 Répondre à ce commentaire

Araucan (#58),

Merci, j’avais déjà le document, mais ne l’avais pas lu avec assez d’attention.

60.  super.mouton | 6/11/2009 @ 10:49 Répondre à ce commentaire

Araucan (#58)
Lol , je savais pas qu’il existait des avacot du climat…

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