Ce qui est vraiment impensable

par Benoît Rittaud

Lorsque les carbocentristes se hasardent hors de la science pour tenter de réfuter le climato-scepticisme, ils utilisent très souvent l’argument selon lequel les sceptiques seraient dans une attitude de déni. La catastrophe à venir serait si grave que les candides que nous sommes seraient incapables d’en accepter les augures. « C’est le créneau qu’exploitent les négateurs pour vendre leur production hors de l’arène scientifique », m’a récemment écrit un carbocentriste sûr de lui.

Il est étonnant qu’un argument aussi abusif dispose d’un tel pouvoir de conviction, y compris auprès de personnes réfléchies. Le plus léger coup d’œil dans le rétroviseur de l’Histoire montre en effet combien ce sont les histoires de fin du monde qui attirent et fascinent, particulièrement à notre époque postmoderne où les actualités donnent à voir une succession ininterrompue d’annonces apocalyptiques. Du bug de l’an 2000 au trou dans la couche d’ozone, de la vache folle aux pluies acides, de la « bombe P » à la grippe A, le discours de la peur s’est rarement aussi bien porté. Qu’on ne lise pas dans la phrase précédente un avis sur le caractère légitime ou non de l’une ou l’autre de ces peurs, car la question n’est pas là : l’important ici consiste à noter que ces peurs ont largement fait recette. Il n’est donc pas évident du tout que le « créneau » inverse, celui des sceptiques, serait médiatiquement le plus porteur.

Et il y a d’autres bonnes raisons de penser que c’est plutôt le contraire qui est vrai. Je m’en suis rendu compte en regardant cette vidéo mise en ligne récemment par l’équipe de CO2 Science :

Cette vidéo met en image un argument classique des sceptiques : loin d’être un polluant, le gaz carbonique est l’aliment premier des plantes. En rejeter dans l’atmosphère présente donc de très sérieux avantages pour la biosphère.

S’il est bien quelque chose d’incroyable, c’est ça.

Non pas, bien sûr, que les carbocentristes méconnaîtraient le rôle du gaz carbonique dans la photosynthèse. Mais l’argument illustré par cette vidéo n’en est pas moins incroyable, impensable même, pour deux raisons. La première est qu’il suggère que le rôle de l’Homme dans la biosphère pourrait être positif. Une telle suggestion met à mal une tradition de pensée profondément enracinée. La « pureté » de la Nature (avec une majuscule) ne peut être que souillée par ces êtres imparfaits que nous sommes : depuis la seconde moitié du vingtième siècle, une telle perception des choses est devenue un lieu commun, au point que les climato-sceptiques eux-mêmes se sentent souvent obligés de faire étalage de bonne moralité, de clamer leur attachement à cette idée en dénonçant telle ou telle action délétère de l’Homme sur l’environnement. (J’ai moi-même hésité à faire de même dans mon livre, avant de renoncer à ce qui m’est finalement apparu comme une facilité rhétorique – pour ne pas dire l’achat d’une bonne conscience à bon compte.) On est bien loin d’un Victor Hugo qui, exhortant ses contemporains à créer les États-Unis d’Europe à l’image des États-Unis d’Amérique, s’enflammait pour la coopération future entre ces « deux groupes immenses » qui, affirmait-il, pourraient bientôt « défrich[er] le globe, colonis[er] les déserts, amélior[er] la création sous le regard du Créateur »… Qui risquerait aujourd’hui une telle envolée ?


L’argument sous-jacent à la vidéo de CO2 Science va même encore plus loin : non seulement l’Homme pourrait se révéler un bienfaiteur de la biosphère, mais, plus inimaginable encore, sans l’avoir fait exprès. C’est là quelque chose de presque impossible à concevoir pour nous, qui pensons en général que rien de bon ne peut résulter d’une action ignorante. Non seulement, dans notre monde où la religion a perdu beaucoup de terrain, plus personne ne croit en une possible « divine surprise », mais l’expression d’« humaine surprise » reste encore à inventer pour désigner une aubaine involontairement produite par l’Homme.


L’idée même que nos émissions de gaz carbonique pourraient se révéler une bonne chose était sûrement beaucoup acceptable dans le contexte scientiste d’il y a un siècle. Outre les mots de Hugo, il suffit, pour s’en convaincre, de se souvenir des bienfaits que prêtaient aux émissions de gaz à effet de serre les deux plus grands précurseurs du carbocentrisme : Arrhenius et Callendar…


251.  Argus | 20/05/2010 @ 20:17 Répondre à ce commentaire

@ Robert,

Bien sûr, vous connaissant, je devine que ce n’est surement pas parce qu’une couche d’air (ou d’argon, souvent) est un bon isolant thermique, c’est surement à cause de l’effet de serre…

Bon. Maintenant, il faut que je vous explique un petit truc, tout simple, à partir d’une petite analogie.

Vous prenez une feuille de papier et vous essayez de la déchirer en la tenant par un bord entre les deux pouces et en écartant les mains. La force que vous devez appliquer pour amorcer la déchirure est beaucoup plus importante que celle qu’il faut déployer pour poursuivre la fracture. Vous le sentirez très bien.

C’est pour ça qu’il est plus difficile de rompre une corde faite de nombreux filaments qu’une corde de même diamètre mais d’un seul filament, en tirant dessus. Les marins le savent depuis longtemps.
De même, l’électronique hyper fiable (celle des satellites) est cablée avec des fils multi-brins et non des gros fils.
Essayez en froissant et roulant une feuille de papier dans le sens de la longueur et en tirant dessus par les deux extrémités. Vous verrez. C’est très dur.

Autres applications : Les balles de fusil sont facilement arrêtées par du sable ou même par les pages d’un livre. Toujours pour la même raison : Il est plus difficile de percer le premier trou que de s’enfiler dans une ouverture préparée. Et on est obligé d’ouvrir un trou à chaque page du livre.
De même pour les gilets pare-balle etc.

Quel rapport avec les multiples vitrages ? :

C’est la même idée : plus vous multipliez le nombre de couches, plus vous créez des discontinuités et plus vous atténuez la conductivité thermique de l’ensemble. (sans compter l’isolation supplémentaire des couches d’air, bien sûr)

C’est exactement ce que font les alpinistes avec leurs multiples couches de pullovers… Je vous ai déjà dit que les matériaux hétérogènes étaient de mauvais conducteurs.
C’est au niveau des interfaces, des discontinuités, que ça coince pour les transferts de chaleur.

Mais, je sais. Vous allez me dire que, non, c’est l’effet de serre !

252.  Robert | 20/05/2010 @ 20:32 Répondre à ce commentaire

Argus

Je ne vois pas du tout le rapport entre votre papier vos cables etc et le rayonnement thermique

C’est pour ça qu’il est plus difficile de rompre une corde faite de nombreux filaments qu’une corde de même diamètre mais d’un seul filament, en tirant dessus. Les marins le savent depuis longtemps.

Vous avez déja vu une aussière de 18cm de diamètre? vous devriez aller visiter la corderie royale de Rochefort dans les sharentes maritimes, vous y apprendrez qu’on peut rendre solide une fibre très fragile à la base… Trouvez moi donc une matière naturelle capable de faire ça. Vous confondez tout, les forces, la thermo, le rayonnement etc etc…

A votre avis, un cable d’acier de 3cm de diamètre est il plus solide qu’une barre d’acier du même diamètre? ce qui fera la différence ce sera la souplesse…

Si vous êtes sage, un jour je vous parlerai du pouvoir isolant de la neige par rapport à celui de la glace.

253.  Robert | 20/05/2010 @ 20:35 Répondre à ce commentaire

Pardon mon précédent post est un peu confus (un rajout mal placé).

Je disais trouvez moi une matière naturelle capable de faire une aussière de 18cm de diamètre sans être assemblée.

254.  JG2433 | 20/05/2010 @ 20:48 Répondre à ce commentaire

Robert (#252),

Une simple remarque :

Il est plus correct de dire : les Charentes, procince française composée des départements de la Charente et de la Charente maritime.

255.  Patrick Bousquet de Rouvex | 20/05/2010 @ 20:59 Répondre à ce commentaire

Electron (#246), excellente réflexion, imparable, et définitivement ! moi qui suis un peu spécialiste de l’isolation, je ne saurais mieux dire qu’Argus et vous !

256.  williams | 20/05/2010 @ 21:01 Répondre à ce commentaire

Robert (#253),

Je vais peut etre mal m’exprimer mais le pb avec vous c’est que vous jouez sur les echelles (de taille avec Argus, de temps avec moi….) pour tout embrouiller.

Car biensur tout elements sont composés d’elements plus petits que eux en allant jusqu’aux molecules, protons, neutrons. Mais ce n’est pas la raison de toujours changer d’echelle suivant celle que la personne precedente a pris dans se qu’elle dit.

Alors que pour moi je vous parlais de l’evolution de cette derniere decennie voila que vous vous etes mis a comparer l’evolution des decennies.

Puis ici http://www.skyfall.fr/?p=538&#.....ment-33371 pourquoi n’avez vous pas repondu a ma question « Et je n’ai pas dis qu’il y avait reffroidissement donc DITES MOI OU J’AI DIS CA ?? » suivant votre remarque ? ?

Williams

257.  jpe | 20/05/2010 @ 21:30 Répondre à ce commentaire

Il me semble que roro vous ballade … prenez le pour ce qu’il est .. un c.. et qui la ramène en plus !!!

258.  Robert | 20/05/2010 @ 21:57 Répondre à ce commentaire

Williams

Exact, vous n’avez pas dit qu’il y a refroidissement, seulement stabilité.

Argus,

Pouvez vous m’expliquer comment fonctionne l’isolation du pull, cad ce qui ralentit les émisions d’infrarouges émises par le corps humain? qu’est ce qui, dans les bulles d’air captent ces IR et les empèchent de se barrer trop vite?

259.  jojo7.13 | 20/05/2010 @ 22:31 Répondre à ce commentaire

je ne sais pas si la vidéo a été mise en ligne ici. Benoit en débat : http://www.ustream.tv/recorded/5728575

@+

260.  scaletrans | 20/05/2010 @ 22:50 Répondre à ce commentaire

Décidément, c’est bien un missile de la Comtesse, mais son ogive fait pschitt. Un troll carbocentriste quoi…
J’allais sortir mon revolver, ce que je fais chaque fois que j’entends parler de GES, mais à quoi bon?

261.  jmr | 20/05/2010 @ 23:08 Répondre à ce commentaire

Robert, laissez tomber Argus, il faut aller vite faire le stage chez le vitrier, ou chez St Gobain rayon laine de verre.
Il vous expliqueront tout ça, l’histoire du pull, des isolants, et comment une mince lame d’air sec empêche la convection. Que Wood a montré que la transparence totale aux IR ne gêne aucunement l’effet de serre. Et que l’essentiel des échanges pour un humain est dans la convection, c’est ça qu’empêche le pull, ses micro bulles d’air qui peuvent être en argon usité chez le vitrier, en CO2 en air ou en méthane, peu importe. Et qu’un homme nu se refroidit par convection, et nullement en émettant des IR. Un homme nu se refroidit très vite par -15°, très peu par 30° à l’ombre.

Et si c’est un vitrier qui en sait un peu plus il vous montrera qu’à trop fréquenter les forums à lire des âneries, eh bien ça abîme les neurones irrémédiablement.
A un certain moment, alors, on tourne en boucle, on répète inlassablement la même chose, des questions, encore des questions, et les réponses vous traversent sans s’arrêter dans le vide intersidéral avec ou sans CO2.

Vite, chez le vitrier ! J’ai même une adresse près de chez moi, il leur manque un apprenti… Par contre pas trop maladroit, le verre ça coupe facilement les doigts…

262.  jmr | 20/05/2010 @ 23:10 Répondre à ce commentaire

scaletrans (#260),
Les balles traversent effectivement l’immatériel sans rencontrer de résistance 😉

263.  Frédéric, admin skyfall | 20/05/2010 @ 23:52 Répondre à ce commentaire

A tous, pas d’ad hominem, svp, ce blog n’est pas un défouloir.
Désormais, tout commentaire HS sera déplacé vers billet sans sujet.

264.  Jean | 21/05/2010 @ 8:43 Répondre à ce commentaire

Robert (#148),

Alors d’après vous, d’où vient le réchauffement?

ça me rappelle un excellent graphe de Willis Eschenbach

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