[Si vous vous êtes toujours demandé pourquoi, en matière de crime climatique, le grand méchant oil, c'est toujours Exxon et jamais BP, cet article est un début de réponse]
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Par Chris Horner
Tim Carney a une colonne dans le Washington Examiner sur le pouvoir de lobbying de BP, ce qui mène à la leçon d'histoire qui suit et à un compte-rendu de première main pour que les électeurs, généralement peu habitués à ce genre d'ignominie, puissent apprécier pleinement le jeu qui se joue actuellement à Washington.
Le président Obama a annoncé à Pittsburgh la semaine dernière que la marée noire de BP dans le Golfe mérite sa colère sous la forme de la bourse du carbone ("cap and trade") de Kerry-Lieberman. En entendant cela, votre réaction serait de vous demander, comment rendre l'énergie plus chère pour tout le monde, les personnes âgées, les pauvres, pourrait-il être une réponse appropriée. La vérité est que les efforts de notre jeune et idéologique président pour faire que cette crise ne soit pas une occasion perdue reflètent une vérité bien pire qu'elle n'y paraît.
BP, rejoint par Enron, a inventé la bourse du carbone dans le milieu des années 1990. Absolument. Cette bourse du carbone.
Je le sais, parce que j'étais dans la salle.
Et BP a fait du lobbying agressif pour elle et à grands frais depuis, avec des sommes à 8 chiffres qui sont allées à des groupes de pression écologiques.
Plus précisément, en mai 1997, j'ai rencontré des hauts responsables de BP, Niagara Mohawk Power, et d'autres … «d'autres» comme l'Union of Concerned Scientists et leurs semblables … dans les bureaux de Washington d'un cabinet d'avocats de haut vol newyorkais, pour unir notre cerveau collectif à réfléchir à une stratégie sur la façon de ficeler les États-Unis par un traité sur le réchauffement global, et d'obtenir une bourse du carbone domestique, aussi.
Vous pouvez lire quelques superbes mémos internes d'Enron au sujet de cet effort, en partenariat avec BP, sur le site Master Ressource, tenu par un réfugié d'Enron et lanceur d'alerte frustré Rob Bradley. Un exposé particulièrement éclairant, avec des liens, se trouve ici.
Le partenariat Enron-BP s'est poursuivi jusqu'à la fin malheureuse d'Enron. Cet effondrement n'a fait qu'inciter BP, comme GE qui a également ramassé les morceaux des actifs non rentables qu'Enron avait acquis dans l'objectif d'un prochain transfert de richesse déclenché par le "réchauffement global", à intensifier encore plus ses efforts.
Ma découverte de la combine de BP/Enron – classique création de rente de situation couplée à la construction d'une coalition "contrebandier-baptiste" [cf un article précédent sur ce schéma] – survint à peu près dès le jour deux de mon illustre carrière de trois semaines à Enron au poste de Directeur des Relations avec le Gouvernement Fédéral.
J'étais revenu à mon bureau et demandait quelques question très simples -et je sais maintenant, naïves – comme «quand est ce que nos questions étaient passé de "le réchauffement planétaire est-il réel et problématique" à "comment faire de l'argent avec" ? Ce genre d'effronterie était très mal reçu par mon patron.
Ainsi commença la fin de ma carrière chez Enron et, avec le recul, mon chemin vers le côté «sceptique» de cette campagne politique étourdissante de cynisme et de mensonge.
Avance-rapide vers environ deux mois après cette réunion du "Conseil Economique pour le Développement Durable". Le 4 août 1997, BP rencontra dans le Bureau ovale le président des États-Unis, le vice-président des États-Unis (un gars prénommé Al) et Enron, pour charger l'administration d'ignorer l'instruction décidée à l'unanimité par le Sénat conformément à l'article II, Section 2 de notre Constitution imposant l'obligation "d'avis et consentement".
Cette instruction fut de pas aller à Kyoto pour donner d'accord américain au traité ou à tout ce qui y ressemble. Au lieu de cela, Ken Lay et John Browne (PDG de BP d'alors, puis Sir et aujourd'hui Lord), ont plaidé pour qu'on aille à Kyoto pour soutenir le traité, liant les États-Unis et créant ainsi la bourse du carbone.
Ce sont des faits. Comme le fait que, bien que les négociateurs américains à Kyoto aient bien suivi l'instruction unanime du Sénat, Al Gore a sauté dans un avion pour le Japon pour leur demander de suivre les instructions de BP et d'Enron. Et, avec l'absolution des médias négligents ou incroyablement biaisés, l'équipe Clinton-Gore avait même signé Kyoto comme demandé par BP et Enron, bafouant le Sénat et la Constitution.
Au passage, tout cela est détaillé au chapitre 5 intitulé “Picking Your Pockets for Political Payola” [NdT : le favoritisme politique fait vos poches] de mon livre Power Grab.
Donc, la vérité est que BP a non seulement demandé depuis plus d'une décennie pour le semblant de punition que le président Obama déclare impérative et que lui et le Sénat veulent appliquer en réponse à la marée noire du Golfe. BP a plaidé pour.
BP, avec l'aide puissante d'Enron, avait inventé la bourse du carbone. Pour qu'Obama puisse affirmer voire sous-entendre qu'il veut imposer cette bourse pour punir une compagnie qui, de l'aveu même du sénateur John Kerry l'avait aidé à écrire le projet de loi auquel Obama fait référence, est honteux, soit par son ignorance soit par sa malhonnêteté.
Peut-être la presse pourrait-elle faire son travail et chercher duquel il s'agit.
117 réponses à “BP demande sa punition – littéralement”
Manu95 (#97), the fritz (#100), merci, j’avais compris ! J’aurais dû mettre ça :
the fritz (#100), et tu sors d’où que « le possible n’a pas besoin de révision », de ton chapeau ?
Euh sérieux, il faut quand même que tu te mettes à te renseigner un minimum sur la question. Parce que tes sempiternelles bêtises déplétionnistes deviennent vraiment pénibles.
miniTAX (#102),
De même que ton sempiternel tableau.
Fin de mes posts sur ce sujet
Manu95 (#98),
Je ne vois pas où est le problème. Les chiffres repris par les économistes auteurs de l’article que je cite sont dans les fourchettes qui figurent dans le tableau que vous indiquez, sans doute issues de travaux d’historiens. Je suppose que les économistes, pour faciliter leur message, n’ont pas jugé utile de discuter les incertitudes résultant des chiffres des historiens et qu’ils ont sans doute retenu parmi les séries dont ils disposaient celle qui était acompagnée de données portant sur l’évaluation de la production. Les données de cette série ne sont d’ailleurs pas très éloignées de celles de Biraben.
@the fritz. Vous trouverez nos prises de têtes en faisant une recherche Google :
La taxe carbone fait pschitt, camions et voitures sont à la fête – Effets de terre
Peak.Oil.2008 (#105),
Merci pour la réponse; Quand on s’en tient au prouvé et qu’on ne sait pas ce qu’il y a derrière les 3P (prouvé probable possible) on ne peut pas discuter. Amen
@the fritz. Ce qui se passe avec BP risque de redéfinir bien des P
Peak.Oil.2008 (#107),
Je pense que non; il y a eu de nombreuses négligences, qu’on aurait pu éviter et qui seront évitées dans le futur , sans pour autant pouvoir garantir que cela ne se passera pas une nouvelle fois; mais de là à changer un des 3P , non; il fallait faire beaucoup de bruit pour la galerie, mais le coût, que ce soit financier ( bon BP sentira passer le vent) économique pour les entreprises locales ou écologiques, sera vite oublié quand les forages en cours tueront le réservoir
Rigolons un coup.
L’«Interior Department’s Minerals Management Service» » américain n’avait rien trouvé de mieux que de créer un «Safety Award» pour récompenser les meilleures entreprises pétrolières.
Les trois finalistes étaient ExxonMobil, ENI US et… et… BP exploration et exploitation.!
L’annonce du vainqueur devait être faite au cours d’une sauterie le 4 mai pendant la « 2010 Offshore technology conference ».
Rappel : BP ayant donné un million de dollars pour la campagne d’Obama, le suspense était intolérable.
Que croyez-vous qu’il arriva ?
La sauterie a été reportée sine die. On se demande bien pourquoi.
Marot (#109),
Vous qui êtes un fan défenseur du pétrole abiotique, allez voir sur TDF la débauche de cata en prévisions
http://www.laterredufutur.com/…..038;pid=49
the fritz (#110),
Ne me fabriquez pas une réputation injustifiée !
Merci pour le lien et cette avalanche de prévisions.
http://www.laterredufutur.com/…..ad0a1d#p66 : quel pataquès !
the fritz (#110), Patrick Bousquet de Rouvex (#112),
Ce qui démontre que pour faire agir des humains, il faut leur faire suffisamment peur … et comme la peur est plutôt un réflexe, les comportements sont rarement rationnels ou raisonnés dans le cas où la peur est le moteur.
Araucan (#113), toujours votre sagesse légendaire… même par les grandes chaleurs !!!
Araucan (#113),
En ce qui concerne entre autres, la peur, l’anxiété, l’angoisse, je vous recommande l’excellent site Le cerveau à tous les niveaux, un site web interactif sur le cerveau et les comportements humains.
QUAND LA PEUR PREND LES COMMANDES
Dans la partie Bricolage évolutif (niveau intermédiaire) on peut lire :
L’APPROCHE DE LA PSYCHOLOGIE ÉVOLUTIVE
Manu95 (#97),
oui d’ailleurs je pense que si on rapproche l’énergie nécessaire pour ce faire du CO2 ajouté par l’homme, même une réaction nucléaire n’y suffirait pas ???
yvesdemars (#116),
Il faudrait une bien fameuse réaction nucléaire !
Je me suis amusé à faire un calcul grossier de l’énergie nécessaire pour faire fondre les glaces de l’Antarctique.
En supposant que des 29 millions de km³ d’eau contenus dans les glaciers, calottes polaires et banquises, 2/3 sont en Antarctique et que toute la glace y est à -40 °C.
Il faut 40 × 2060 J pour réchauffer 1 kg de glace de -40 à 0 °C et 333550 J pour le faire fondre soit ~ 416 KJ.
Il faudrait 7,63 YJ (1 yottajoule = 10^24 joules) = 1,82 milliard de Mt de TNT.
1,82 milliard de Mt de TNT = 72 millions de bombes nucléaires de 25 Mt.
Autre comparaison :
Énergie solaire
L’énergie totale absorbée sur une année est donc 3 850 zettajoules (10^21 joules, ZJ) = 3,850 YJ.
Il faudrait deux ans au Soleil pour fondre toutes les glaces de l’Antarctique en supposant que toute l’énergie absorbée ne serve qu’à cela.