Voici une traduction de Marot d'un article du Spiegel, qui pourrait bien illustrer certains concepts d'Ivan Illitch. A trop vouloir bien faire …
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Échecs de mesures environnementales en l'Allemagne.
Par Alexander Neubacher
Auparavant, l’Allemagne déclarait la guerre à ses voisins. Aujourd'hui, nous expliquons comment nous allons renoncer à l’énergie nucléaire. Nous avons perdu le titre de premier exportateur mondial et nous essayons de rester à la troisième place dans le classement mondial de football mais personne ne peut nous battre quand il s'agit du recyclage de nos déchets. Les pluies acides et le dépérissement des forêts nous ont ouvert les yeux très tôt sur la force destructrice de la civilisation, même si contrairement aux attentes, les forêts d'Allemagne ont tout de même survécu.
Notre tout dernier objectif est de minimiser notre empreinte écologique. Les jeudis sont des jours sans viande et les anciennes machines à laver à manivelle reviennent à la mode. Les sites offrent des conseils en environnement pour toutes sortes de situations, depuis les cosmétiques fondés sur les phases de la lune jusqu’à des vibrateurs en plastique sans les plastifiants chimiques toxiques doux au toucher. Il y a des urnes funéraires en farine de maïs et des cercueils en carton pour commencer notre dernier voyage d'une manière écologiquement correcte, un bel acte final avant que tout ne se transforme en compost.
Quand quelque chose bénéficie à l'environnement, le besoin de le justifier disparaît tout de suite. L'étiquette verte élimine toute controverse et les partis politiques sont quasiment tous d'accord que la société n'en fait jamais assez pour l'environnement. Aucun politicien progressiste ne veut s'exposer au soupçon qu’il manque de conscience environnementale, ce qui mettrait fin à sa carrière.
Résultats ignorés
Parce que la politique de l'environnement poursuit de nobles objectifs, les hommes politiques qui se spécialisent dans l'environnement ont un avantage moral sur ceux qui traitent de questions telles que les finances publiques, la sécurité intérieure ou les taux de cotisation des retraites. L'aura positive du ministère allemand de l'environnement est si forte qu'elle a même réussi à baigner un technocrate, comme l'ancien ministre de l'Environnement Jürgen Trittin dans une lumière douce. Le ministre actuel Norbert Röttgen est un stratège à sang-froid qui, il y a quelques années seulement, aurait aimé devenir directeur général de la Fédération des industries allemandes. Il joue désormais le saint de l'environnement venant sur son vélo à des
réunions avec le chancelier.
Dans la règlementation, les politiciens règlent les problèmes environnementaux avec une minutie toute bureaucratique. Ce n'est pas par hasard que ministère de l'Environnement de l'Allemagne est issu d'un département au ministère de l'Intérieur. Parce que la protection de l'environnement implique habituellement des charges ou au moins des inconvénients pour l'économie et les consommateurs, une planification stricte, un contrôle et une répression sont indispensables. La police et une réglementation fournissent les instruments nécessaires.
En fin de compte, il n'est même plus tout important de savoir si une mesure de protection de l'environnement atteint le résultat escompté. La consigne des canettes ne les a pas seulement éliminées du marché, mais a aussi malheureusement sonné le glas de l’intérêt environnemental de la bouteille consignée. Pas grave, le système restera comme il est.
Alors que faire si des niveaux de pollution de particules fines montent en flèche dans les zones environnementales ? L'exigence d'autocollants de autorisation de véhicule sera élargie. Contrairement aux attentes, la consommation d'énergie augmente en été. Et alors? Nous allons encore changer nos horloges aux changements de saisons, d'abord les avancer d'une heure, puis à nouveau les retarder d'une heure.
Nous achetons du bio, on a mis du E10 dans nos réservoirs et nous sommes passés à l'électricité verte. Nos toits sont couverts de panneaux solaires et nos murs recouverts d’isolants. Cela nous fait nous sentir bien dans notre peau. La seule question est: Qu’est-ce que l'environnement retire exactement de tout cela? Jetons un coup d’œil à nos systèmes d’ordures, d'eau, d’éclairage et d'isolation.
Ordures
Je trie mes déchets. Il y a quatre conteneurs placés symétriquement en face de ma porte d'entrée: à droite un bleu pour le papier et un jaune pour le plastique, à gauche un brun pour le compost et un gris pour tout le reste. Ce n'est pas beau. Ça pue aussi un peu, surtout les jours d'été, je n’irais pas m’asseoir à l'extérieur. Mais je sais que je dois faire des sacrifices.
Atelier de tri du plastique en Thuringe orientale. 56 % de toutes les bouteilles d’eau en plastique sont faites pour un usage unique. Le système de récupérartion des cannettes a aussi éliminé les cannettes du marché, mais a aussi éliminé les bouteilles consignées du marché.
Sauf qu'il se passe alors une étrange chose. Le pot de yaourt que j'ai soigneusement rincé et trié, on ne le recycle pas du tout. En fait, il est déversé dans un incinérateur avec le reste de la poubelle et brûlé.
Oui, c’est permis. Selon la loi, le système dual doit recycler exactement 36 % des déchets en plastique. Les entreprises d'élimination des déchets peuvent faire ce qu'elles veulent des 64 % restants, ce qui est plus rentable pour elles. En conséquence, une grande partie de tout cela se retrouve dans les incinérateurs de déchets en « recyclage thermique », ce qui interrompt brutalement le cycle.
Le comité d'experts sur les questions environnementales du gouvernement fédéral a plaidé pendant des années que l'ensemble du système
devait être repensé de fond en comble. En principe, deux poubelles devraient suffire, disent les experts : l'une pour les ordures humides comme les déchets alimentaires et les couches et l'autre pour tout le reste.
Les déchets humides seraient d'abord utilisés pour produire du biogaz et seraient ensuite incinérés. Les déchets secs seraient triés automatiquement et recyclés autant que possible. Le concept a de nombreux avantages. C'est déjà moins de travail pour les citoyens. En plus, cela aiderait l'environnement. Tout serait plus facile.
Mais rien n’en est sorti. À la place, une controverse a surgi entre les entreprises d'élimination des déchets privées et municipales sur qui est responsable de quels déchets. Le résultat est que nous avons gagné une cinquième poubelle depuis peu, la poubelle « matériaux valorisables ».
Elle était là un soir, quand je suis rentré du travail : couleur orange vif et capacité de 240 litres. Maintenant, il y a encore moins de place dans notre allée, mais je suis sûr que je vais m'y habituer. Je pense même recevoir un sixième bac pour les déchets de verre que nous gardons jusqu'à maintenant dans une boîte de fortune dans l'escalier sous-sol. Six poubelles restaureraient aussi la symétrie.
A suivre ….
@@@@@@
36 réponses à “Plouf ! /1”
Marot, merci à vous pour votre traduction.
Article fort pédagogique et empreint d’une certaine ironie douce-amère.
Ce bel exposé démontre, s’il en était encore besoin, le fait que, lorsqu’on dépasse les bornes, il n’y a plus de limite ! 👿
Dans ma communauté de communes, un exemple symptomatique.
Dans le cadre de la valorisation des déchets « verts » (végétaux), : recyclage systématique en déchetterie en vue de production de compost, mis (gratuitement, je crois) à disposition de toutes personnes intéressées.
Constat étant fait que la « montagne » de compost produit n’attirait pas grand monde, fut décidée son élimination par incinération.
Beau gâchis, là encore…
P.S. : suggestions pour corrections éventuelles :
des réunions avec le chancelier La Chancelière ?
il n’est même plus tout important il n’est même plus de tout important
de autorisation d’autorisation
changer nos horloges adapter nos horloges
lorsque pots de yaourt lorsque des pots de yaourt
l’ensemble du système devait être repensé un « retour chariot » de trop ?
JG2433 (#1),
il n’est même plus tout important il n’est même plus du tout important
Grrr…
Marot, on dit vibro masseur , pas vibrateur
qu’est-ce que t’as avec ma soeur?
JG2433 (#1),
En bon français, la chancelière c’est le machin rembourré dans lequel on glissait autrefois les pieds pour les tenir au chaud, quand on chauffait les maisons au bois. En bon français on dit chancelier même pour une femme. Vous ne dites pas un sentinelle pour un homme !
Quand je pense qu’il y a des germanophobes qui prétendent que les Allemands n’ont pas le sens de l’humour !
http://www.causeur.fr/poubelle-la-vie,19399
JG2433 (#7),
J’habite dans 30M2 et il est hors de question que j’ai plus d’une seule poubelle. Donc, je ne trie pas. Bien entendu, le jour où on me donnera quelque chose en échange de cette corvée, on verra… Mais, y en a marre de toujours demander plus de travail au citoyen lambda alors que je n’ai pas l’impression que la redevance baisse en contrepartie.
Mais l’avenir c’est de payer les rejets de toutes sortes!
voir à Besançon.
Un compteur de plus avec ceux de l’eau, de électricité, du gaz ,(le téléphone pour certain).
Il manquera d’évaluer les rejets à l’égout et pourquoi pas l’eau de pluie qui tombe sur les parties drainantes de votre terrain et qui file dans le réseau d’eau pluviale. Certains ont des puits et cette eau est utilisée pour les douches, les bains , la vaisselle, la lessive… sans être comptabilisée (scandale). Donc des compteurs ad-hoc sont à mettre!
Abitbol (#8), je vais vous dénoncer, mauvais citoyen !
J’appelle la BVVE (Brigade du Vice et de la Vertu Ecologique), ils enfourchent leurs vélos électriques et débarquent chez vous.
Préparez vous à faire plusieurs heures de travail d’intérêt général dans un potager bio pour expier cet acte sacrilège.
Vous pouvez déjà prier la mère Gaïa ce soir devant votre bonsaï réglementaire, ça vous fera les pieds !!!!
Bernnard (#9),
bonjour les décharges sauvages ou les coucous de poubelles … c’est inapplicable
dans ma commune on paye les poubelles au poids depuis 1 an, avant on payait par nombre d’habitants dans le foyer. Ce changement m’a fait baisser ma facture des 2/3 pour un même volume. j’ai juste ralenti le rythme des enlèvements.
Une différence concernant les déchets entre la France et l’Allemagne:
– En Allemagne, l’incinération, c’est une valorisation, puisque l’on récupère l’énergie sous forme de chaleur et courant électrique (çà me semble logique). En France … non (parce que les verts et l’ADEME ont décidé un jour que ce serait comme çà).
– En France, on peut faire du « tri » des ordures (y compris la « poubelle grise », pas seulement les déchets verts), méthaniser / composter la partie la plus « bio » (on a droit à plus de 10 kg de plastiques par tonne de compost sec) et épandre tout çà dans les champs (les verts et l’ADEME ont décidé un jour que le compostage c’était super). En Allemagne, on ne peut épandre que les produits issus des « déchets verts » et assimilés.
Concernant l’écoulement des composts, le compost sorti usine a un prix souvent négatif (ce qui veut dire que pour qu’un agriculteur l’accepte, il faut lui payer le transport et éventuellement l’épandage). Le compost issu des « poubelles grises » est particulièrement difficile à écouler, et finit très souvent en décharge. Céder du compost de déchets verts aux particuliers ne coûte que le salaire de l’agent chargé de l’accueil et est souvent inclus dans les marchés passés par les collectivités.
papijo (#12)
Étrange
L’incinération est proscrite en France parce qu’elle produit des dioxines et pas en Allemagne, il ont un truc !
L’interdiction en France s’explique très bien car elle diminue les coûts ce dont les écolos ne veulent pas :
Toujours plus pauvres, c’est leur devise.
Abitbol (#8),
On ne vous donnera rien si vous le faites, on vous taxera si vous ne le faites pas. C’est ça le totalitarisme verdâtre-caca-d’oie pour ne pas dire vert-de-gris.
papijo (#12),
Excusez-moi, mais le chauffage urbain et la cogénération, en France, c’est produit par quoi sinon par des usines d’incinération des ordures ménagères ?
Marot (#13),
Excusez-moi, mais l’incinération n’est pas du tout interdite en France. Pendant 16 ans, mon bureau était situé à proximité immédiate d’une usine d’incinération des ordures ménagères à Lyon, port Edouard Herriot. je sais donc de quoi je parle.
Simplement, lorsqu’il y a un projet de nouvelle usine, les escrolos environnementeurs mobilisent les populations du coin à coup de slogans mensongers. Goebbels ! Goebbels ! On n’a pas réussi à la faire disparaitre, cette ordure, elle continue à polluer le monde.
Marot (#13), c’est que les Allemands, c’est des experts en incinération…
Laurent Berthod (#17)
Exact, faute de ma part.
Je retire le message Marot (#14).
Undegrédeplus (#12),
Quand , dans telle commune du littoral vendéen, l’enlèvement des ordures ménagères n’est effectué qu’une seule fois par semaine (juillet et août : deux fois), comment fait-on pour ralentir le rythme des enlèvements ?
JG2433
Vous pouvez ne sortir votre container que tous les 15 jours par exemple, avec des sacs de bonne qualité et bien fermés il n’y a pas de problème d’odeurs Nos containers sont équipés d’un système de fermeture empêchant quiconque de se délester de ses ordures dans nos poubelles.
Les retours que nous avons enregistrés sont globalement très positifs, il y a bien sur quelques grincheux pour qui faire le moindre effort est une atteinte à la liberté individuelle et qui ne se rendent pas compte que ne pas trier revient beaucoup plus cher.
Le plus chiant, c’est d’étiquetter son nom sur chaque déchet et de mettre un cadenas en acier suédois sur sa poubelle pour que le voisin ne vous fasse pas payer ses ordures.
A quand le pesage du caca par habitant ?
Le pire c’est qu’il est fier de lui…
Laurent Berthod (#16),
Les usines d’incinération françaises produisent bien de l’électricité et (quand elles ne sont pas en rase campagne) de la chaleur envoyée dans les réseaux de chaleur ou chez des industriels implantés à coté (mais ne produisent qu’une petite partie de la chaleur du réseau).
La différence avec l’Allemagne, c’est la volonté de l’administration de « casser » la filière, par exemple en attaquant son statut (pas de valorisation, donc aucun encouragement, permis de construire refusés, pas de subventions), et en supportant des filières concurrentes complètement inadaptées comme le compostage ou la méthanisation (dans le temps, il y a eu aussi la thermolyse et les lits fluidisés qui n’étaient en fait que de pâles copies – foireuses – de l’incinération).
Bien entendu, les grands groupes du secteur sont ravis de la situation (les marges sur une décharge où finissent les déchets sont bien plus importantes que celles de l’incinération)
Enfin, les Allemands sont-ils « meilleurs » que les français dans le domaine ? Ils ont démarré beaucoup plus tôt, sur les traitements de fumées par exemple, et sont prêts à dépenser beaucoup plus que les Français. Concernant leurs usines, c’est un peu comme vouloir comparer une Mercédes et une 2 CV: la plus performante est-elle celle qui vous permet de faire vos courses au village à côté au meilleur prix, ou bien celle dont le coût de revient du km est 3 fois supérieur mais avec tout le confort?
JG2433 (#20),
1) On entasse les saloperies chez soi.
2) On les brûle dans sa baignoire
3) On met les ordures dans un sac plastique et on les balance dans une poubelle publique ou chez le voisin.
4) On fait collection de boites de camenbert.
etc..
Un grand merci au Spiegel et à Herr Doktor Neubacher .
comme quoi, halte aux stéréotypes, même les Allemands peuvent être ecolopolitiquement incorrects.
Et vive les poubelles libres !
Abitbol (#24),
3) […] On met les ordures dans un sac plastique et on les balance dans… la nature (fossé, cours d’eau depuis un pont, etc.) 😥
JG2433 (#26),
Tant que ce ne sont pas des « toilettes volantes« … ça passe encore.
Mihai V (#27)
Cela me rappelle l’histoire de je ne sais plus quel saint qui, à l’occasion d’une promenade méditative, reçut la fiente d’un moineau sur le crâne. Le saint s’agenouille alors et, les yeux levés au ciel s’exclame: « Seigneur, je rends grâce à ton discernement qui, dans son infini sagesse, a empêché les vaches de voler »…
Bon, je sors…
Bonjour,
Il me semble qu’à Marseille, il y a peu, l’intégralité des ordures soigneusement triées finissaient dans le même dépôt bien mélangées (je ne retrouve pas l’info sur le net malheureusement).
Au sujet du traitement médiatique du « réchauffement climatique »: http://www.enquete-debat.fr/ar…..ique-96651
Bonne soirée
H. (#29)
Voici une référence pour le mélange après tri à Marseille.
@ Marot
Merci pour le lien et pour la traduction.
En ce qui concerne les tréfonds de la mentalité allemande, Michael Lewis dans son livre « Boomerang » se livre a une analyse assez intéressante: http://leblogalupus.com/2012/1…..no-bertez/
Bonne soirée
Très bon article. Je remercie le traducteur puisque l’allemand est pour moi du chinois.
François (#28),
Saint François ?
La suite, la suite, la suite !!!… 😉
C’est vrai que je suis impatient de découvrir la suite de cet article qui m’a bien régalé…
Bravo et merci à Marot pour la traduction
Malgré leurs échecs ils donnent des leçons! içi
Wells (#35),
Bien sûr ! Cela n'empêche pas …
@Astre noir
La suite va arriver …