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La pollution, c'est les autres
LA MAISON BRÛLE TOUJOURS
Ils s'étaient fait traiter de néocolonialistes par le G77, rassemblement de 130 pays en développement manipulés par la Chine. En cet hiver nordique, l'Europe était sortie de l'Histoire humiliée.
Nous voilà repartis pour une grand-messe qui va s'inquiéter à juste titre du réchauffement climatique. "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs", proclamait Jacques Chirac au Sommet de la Terre de Johannesburg en 2002.
Dix après, la maison brûle toujours, et nous regardons toujours ailleurs, à savoir notre nombril d'Européens. La paille que nous avons dans l'oeil ne nous permet pas d'apercevoir la poutre logée dans l'oeil des autres.
Le réchauffement, ce n'est plus notre affaire, ou plus vraiment.
Les apôtres de la décroissance devraient être heureux : notre déclassement et la chute du communisme nous ont fait sortir du club des grands pollueurs.
S'infliger des obligations de réduction de CO2
Qu'on ne se méprenne pas, nous sommes un écologiste sincère. A bord d'un aéronef au kérosène alors détaxé, nous avons franchi océans et continents pour observer les grizzlis aux abords de la rivière Yellowstone. Mais il convient de ne pas être naïf.
Les Européens sont désormais les seuls avec les Australiens à s'infliger des obligations de réduction de CO2 en vertu des accords de Kyoto, qui fixaient des contraintes aux seuls pays développés.
Ce protocole expire le 31 décembre, et la Russie, le Japon et le Canada ont prévenu qu'ils n'accepteraient pas de nouvelles réductions au-delà.
Les Européens continuent donc de jouer les vertueux, forts de leur agenda 2020, qui prévoit de réduire d'ici là de 20 % les émissions de gaz à effets de serre, de réaliser 20 % d'économies d'énergie et de produire 20 % d'énergies renouvelables.
Les initiatives citoyennes ne sont pas l'apanage des ONG environnementalistes : une pétition est en cours à Bruxelles pour demander la suspension du paquet énergie-climat adopté en 2009, en attendant un accord qui implique aussi les Etats-Unis, l'Inde et la Chine.
Le commissaire européen à l'énergie, l'Allemand Günther Öttinger défend l'agenda 2020, qui aide l'Europe à se moderniser, mais estime qu'"aller plus loin en faisant cavalier seul serait faux et dangereux".
François Hollande n'est-il pas allé un peu vite en besogne en proposant de réduire les émissions de CO2 de 40 % en 2030 et 60 % en 2 040 ?
A l'heure de la mondialisation, les Européens ont besoin d'une industrie compétitive – ce qui nécessite une énergie à un prix raisonnable si l'on ne veut pas tailler sans cesse dans les salaires – et d'une sécurité d'approvisionnement minimale.
Ils l'ont un peu oublié. L'Europe de l'énergie peut attendre : le traité de Lisbonne rappelle le droit de chaque pays à choisir son mix énergétique et ses sources d'approvisionnement.
Les Européens sont bien loin de l'esprit des fondateurs, quand Français et Allemands mirent en commun le charbon et l'acier, l'énergie et l'industrie high-tech de l'après-guerre.
Ils ont oublié les promesses du nucléaire et du traité Euratom, jugé à l'époque au moins aussi prometteur que le traité de Rome signé le même jour de mars 1957.
Observons les Polonais, dont les réflexes rappellent parfois la guerre froide : toujours inquiets du grand voisin russe, soucieux de rattrapper son retard économique. Varsovie veut une énergie bon marché et nationale. Telle une France qui n'aurait pas dévoyé le principe de précaution, la Pologne envisage la construction de deux réacteurs nucléaires et défend le gaz de schiste. "Grâce au gaz de schiste, d'ici dix à quinze ans, la Pologne a la possibilité de devenir une deuxième Norvège", s'est très vite réjoui le ministre des affaires étrangères polonais Radek Sokorski.
LE GAZ DE SCHISTE POLLUE LES NAPPES PHRÉATIQUES
La Pologne signe des licences avec les compagnies américaines, s'apprête à forer son sol, pourrait investir jusqu'à 12 milliards d'euros d'ici à la fin de la décennie et rêve déjà de découvrir l'équivalent de quatre siècles de consommation de pétrole.
Le gaz de schiste pollue les nappes phréatiques. Il en sera ainsi tant qu'on refusera d'approfondir les recherches et d'améliorer les technologies d'extraction.
Mais ce gaz préserve paradoxalement l'atmosphère lorsqu'il se substitue au charbon encore plus polluant, comme c'est le cas aux Etats-Unis.
Vous avez bien lu : l'Allemagne industrielle émet deux fois plus de dioxyde de carbone que la France, 40 % de plus par habitant. Cet écart va augmenter au fil des fermetures de centrales nucléaires, tandis que le coût de l'électricité s'envole outre-Rhin.
CETTE NON-EUROPE DE L'ÉNERGIE
Curieusement, les Allemands retrouvent le sens de l'Europe, lorsqu'il s'agit de les aider à acheminer l'électricité éolienne de la mer du Nord et de la mer Baltique vers la Bavière, qui a dû fermer ses réacteurs nucléaires après l'oukase d'ngela Merkel.
Pour couronner le tout, dans cette non-Europe de l'énergie, la Commission réclame sans cesse le respect des règles de concurrence.
A la recherche de projets européens concrets, François Hollande a mis en place à Matignon un groupe de travail pour préparer des propositions à l'occasion du 60eanniversaire du traité de l'Elysée en janvier 2013.
Tout est passé en revue : recherche fondamentale, stockage de l'électricité, harmonisation des aides publiques, adaptation des réseaux pour distribuer l'électricité soumise aux caprices du vent et du soleil, organisation des investissements pour éviter les pannes subies par la Californie au début du siècle.
Paris mise sur le soutien des industriels allemands, un peu inquiets de la politique de leur gouvernement. Bon courage Monsieur Hollande !
L'aboutissement de cinquante et un mois de travaux et d'un investissement de 500 millions d'euros, le plus important du groupe en France, mis à part l'EPR de Flamanville (Manche).
Seulement voilà : dès le premier jour, la centrale de Martigues est vouée à perdre de l'argent. Au moins à horizon visible. Car, depuis le lancement du projet, le marché européen de l'énergie a basculé et les centrales fonctionnant au gaz comme celle de Martigues ont perdu leur atout compétitif, au profit du charbon.
Une situation loin de la "transition énergétique" attendue, au sujet de laquelle la France ouvre jeudi 29 novembre un grand débat.
En récession, l'Europe utilise moins d'électricité, ce qui fait baisser les cours de cette énergie : sur le marché de gros allemand, ils sont tombés mardi à leur plus bas historique. Or, le gaz qui sert de matière première, lui, reste cher. Beaucoup trop.
CENTRALES À GAZ EUROPÉENNES AU RALENTI
Résultat : au lieu de fonctionner de 5 000 à 6 500 heures par an comme prévu, la plupart des centrales à gaz européennes ne sont plus mises en service que pour faire face aux pointes de consommation, 2 500 ou 3 000 heures par an. En Allemagne, E.ON a même annoncé son intention d'en fermer une, utilisée… 87 heures depuis le début de l'année !
A Martigues, la toute nouvelle installation ne tourne qu'un jour sur deux ou trois. Trop peu pour rentabiliser l'investissement. "C'est sur la durée qu'il faudra en juger, corrige-t-on chez EDF. Ce genre d'installation est conçu pour des dizaines d'années."
Les experts avaient pourtant prédit un âge d'or du gaz. Une énergie plus propre que d'autres et d'un bon rendement pour la production d'électricité. Le charbon semblait condamné à disparaître peu à peu. "On y a tous cru", reconnaît un patron du secteur.
Mais, en Europe, c'est un tout autre scénario qui se déroule. Cette année, la consommation de gaz devrait y tomber autour de 460 milliards de mètres cubes, son plus faible niveau depuis au moins douze ans, selon les prévisions de la Société générale.
En revanche, le charbon a le vent en poupe. Pour alimenter leurs centrales, les électriciens européens ont accru leurs importations de charbon américain de 85 % au premier semestre. En France, la consommation de charbon pour l'électricité a bondi de 79 % entre septembre 2011 et 2012.
PRIX EN BAISSE DES QUOTAS D'ÉMISSIONS DE CO2
"On a donc exactement le contraire de ce qui était souhaité, constate un professionnel. De vieilles centrales au charbon fonctionnent à plein parce qu'elles sont profitables, alors que des cycles combinés à gaz tout neufs sont à l'arrêt. Et le secteur électrique européen émet du CO2 comme jamais !" "Ridicule", alors que l'UNion européenne dépense des milliards d'euros pour soutenir les énergies vertes, peste-t-on chez Shell.
Que s'est-il passé ? Aux Etats-Unis, l'essor du gaz de schiste a fait chuter les cours du gaz. Du coup, les compagnies électriques américaines qui le pouvaient se sont tournées vers cette énergie au détriment du charbon.
Evolution inverse en Europe. Le prix auquel les compagnies achètent leur gaz y reste élevé, car il est indexé sur le pétrole dans le cadre de contrats à long terme. En revanche, le charbon, dont les Américains ne veulent plus, se déverse sur le Vieux Continent, et cet afflux a fait chuter la valeur de ce combustible. Dans le même temps, le prix des quotas d'émissions de CO2 a baissé. Bilan : entre le gaz et le charbon, le
rapport de forces s'est inversé depuis un an. Et l'écart ne cesse de se creuser.
"VAMPIRISATION DU GAZ"
Chez EDF, un homme le constate tous les jours : Merc Ribière. A Saint-Denis, il dirige l'équipe qui effectue en temps réel les arbitrages entre les différents moyens de production d'électricité en France. "Pour choisir, nous comparons avant tout le coût des combustibles utilisés, explique-t-il. Les barrages, l'éolien et le solaire sont prioritaires. Puis vient le nucléaire. Si cela ne suffit pas, nous faisons appel aux centrales à charbon, surtout celles situées près des ports d'importation. Le gaz ne vient qu'après."
Lundi 26 novembre, lors du pic de consommation journalier, le charbon a ainsi assuré 6 % de l'électricité consommée en France, contre moins de 0,5 % pour le gaz.
Au bout du compte, "il y a, en Europe, une vampirisation du gaz par le charbon", résume Thiérry Bros , spécialiste du sujet à la Société générale. Certaines centrales à gaz ferment, les autres marchent au ralenti. Et plus aucune nouvelle n'est construite. L'allemand E.ON vient ainsi d'annuler le projet qu'il envisageait à Hornaing (Nord).
Peu de chances que la donne change rapidement. "Pour que le gaz redevienne compétitif, il faudrait que le prix du charbon monte de 50 %, que celui du gaz baisse de 30 %, ou que le CO2 vaille quatre fois plus cher", calcule M. Bros. Loin de la transition écologique rêvée, l'Europe semble durablement revenue à l'âge du charbon.
Denis Cosnard
106 réponses à “Quand le chat est à Doha …”
De même que notre ami de Rouvex, de Rouvex (#98),
[Pardon si cela semble incongru]
JG2433 (#101), de Rouvex (#98)
Merci très vif et sincère à vous deux.
La santé oui, ça va. Pour la présence à éclipses, je crois plutôt à un manque d’intérêt pour quelques sujets récents.
Mais je sens qu’avec les clowneries du Giec, du chef de gare et de fossoyeurs de l’économie comme Perthuis, le goût des choses me revient.
Et puis franchement le degré-au-dessous-de-zéro ne vaut pas les anciens
fumeurs de moquettes,camés, toxicos.Marot (#102),
Content que votre éloignement relatif ne soit pas « plus pire » que la raison que vous mentionnez. 😉
JG2433 (#103),
+1
http://europa.eu/rapid/press-r…..?locale=en
Conclusions UE sur Doha
Araucan (#105),
Ces illuminés se félicitent et se congratulent. A quoi s’attendre de gens qui ont perdu le sens des réalités ? Pauvre Europe !