Les petits secrets de Météo France sur les températures


par Benoît Rittaud.

Souvenez-vous, c’était fin 2011. Par l’intermédiaire de son bilan climatique annuel et d’une dépêche AFP (qui servit de matériau de base à divers articles de presse, dont ceux de Libération, du Figaro et du Parisien, entre autres), Météo France faisait savoir que 2011 avait été l’année la plus chaude en France depuis l’existence de relevés météorologiques. Le graphique phare qui accompagnait cette annonce (repris par exemple sur le blog sciences2) était le suivant :
TemperaturesFrance
J’ai demandé à Météo France de me communiquer le fichier à partir duquel ce graphique a été produit, ainsi que la méthodologie et les données complémentaires, sous forme d’un fichier type Excel dont la première colonne indiquerait les années de 1900 à 2013 (plutôt que de s’arrêter à 2011, tant qu’on y est), la deuxième les anomalies de température en France, et enfin les autres les données annuelles des stations météos utilisées pour calculer ces anomalies (avec, pour la colonne des anomalies, le détail de la formule mathématique employée).

La personne qui s’est occupée de moi à Météo France a été d’une parfaite courtoisie et d’une remarquable diligence. Néanmoins, je n’ai à peu près rien obtenu de ce que je demandais. Deux choses seulement m’ont été communiquées. La première est la méthodologie générale : l’anomalie de température annuelle en France est la moyenne arithmétique des anomalies annuelles d’une trentaine de stations météo (les données sont homogénéisées avant 1947). La seconde ne manque pas d’un certain comique. Il s’agit d’un fichier Excel dont voici une capture d’écran qui contient absolument tout ce qu’il y a à lire :

FichierExcel

J’entends d’ici les mauvaises langues qui tireront argument de ce que 12,4–12,6 n’est pas égal à -0,1 et de ce que 12,8-12,6 n’est pas égal à 0,3 pour fielleusement insinuer que Météo France serait incapable d’effectuer correctement la soustraction de nombres à trois chiffres. Il a fallu que je demande si l’écart tenait aux arrondis pour qu’on me confirme que tel était en effet le cas.

Devant mon insistance, Météo France m’a ensuite proposé de me donner ce que je demandais à condition que je m’engage notamment à

  • ne pas communiquer les données à un tiers ;
  • détruire les données au bout d’un an ;
  • payer une somme pour la « mise à disposition », qui ferait l’objet d’un devis. (Je n’ai pas eu de précision sur ce point mais, pour information, le travail dit « d’extraction » des données des stations pour la période antérieure à 1947 est facturé 56,4 euros de l’heure (pas de temps minimal).)

Ces conditions sont celles d’une licence « enseignement-recherche » que Météo France, sans doute impressionnée par le suffixe « @univ-paris13.fr » de mon adresse email, m’a spontanément proposée. Avis au citoyen lambda : pour la même chose il devrait payer plus cher, parce que pour lui les données elles-mêmes ne seraient pas gratuites.

J’ai refusé en bloc cette offre léonine de Météo France. Voici pourquoi.

Le graphique issu des données demandées a été rendu public par Météo France dans son bilan climatique 2011 librement consultable en ligne. Il est donc théoriquement possible, en mesurant chaque bâton dudit graphique, d’obtenir la valeur de l’anomalie pour n’importe quelle année, ce qui affaiblit considérablement l’argument selon lequel les données seraient protégées pour en éviter une exploitation commerciale concurrente. (Le même type d’argument vaut pour les données des stations, car le site de météo France en contient déjà beaucoup, fût-ce sous une forme qui les rendent difficile à exploiter directement.) Mais le plus important est ailleurs : il est que la diffusion de ce graphique par Météo France s’est faite de façon politiquement non neutre. En effet, ses explications données à la presse à l’occasion de la publication de son bilan climatique 2011 mentionnent explicitement le « réchauffement climatique » global, marquant par là même que Météo France, organisme public à caractère administratif, a choisi d’exprimer un avis sur cette question aux fortes implications politiques. (Ce n’est d’ailleurs pas étonnant au vu de ce que Météo France explique par ailleurs sur son site.) La position « engagée » de Météo France est d’autant plus manifeste que le graphique objet du litige n’a pas d’équivalent dans les autres bilans climatiques publiés par ses soins, et qu’il est donc impossible de ne pas lier cette présentation de 2011 avec le fait, souligné par Météo France, que l’année 2011 a été la plus chaude en France depuis 1900. Bien entendu, ce fait ne prouve absolument rien quant à une possible évolution du climat global dirigée par l’homme, mais l’impact médiatique fort d’un tel événement ne pouvait être ignoré de Météo France. C’est donc à l’évidence dans le but délibéré d’appuyer une politique climatique que cet organisme a publié son graphique.

Or si Météo France s’autorise ainsi à utiliser ses données à des fins de communication politique, une telle orientation doit en revanche s’accompagner d’un effort de transparence au sujet de ces mêmes données. Il n’est pas acceptable en effet qu’un organisme financé par la communauté nationale puisse divulguer ses données de façon partielle et non neutre tout en refusant de donner aux citoyens les moyens d’exercer leur légitime droit à l’information et à la vigilance. Un organisme équivalent comme le Met Office britannique a une position bien plus libérale en la matière.

Les climatosceptiques francophones vont donc avoir l’occasion d’apprendre qu’en français de France « FOIA » se dit « CADA ».


60 réponses à “Les petits secrets de Météo France sur les températures”

  1. chercheur (#50),
    Oui, c’est vrai, il y a une forte dépréciation de la température avec le CO2 (neige carbonique) en mélange avec des solvants (éther éthylique et acétone pour les plus courants).

  2. Merci de des commentaires, mais comme le suggère avec une ironie bienveillante chercheur, personne n’a vraiment répondu à la question.
    Mon objectif était d’imaginer une expérience simple pour monter que la température était une grandeur intensive. D’où le choix de l’eau facile à manipuler, à l’état liquide et sans intervention chimique.
    Je m’attendais à diverses réponses.
    Première réponse : calcul du type GIEC avec corps noir, loi de Stefan pour calculer l’énergie sommation et moyenne, etc. Avec cette hypothèse, tout étant égal par ailleurs, il suffit, sauf erreur de ma part de faire le calcul sur les températures.
    Deuxième réponse : calcul par un physicien contestant la thèse GIEC.
    Troisième réponse : démonstration montrant que le résultat de l’expérience, quel qu’il soit, ne prouve rien (après tout, c’est bien possible).
    Quatrième réponse : faire l’expérience et publier les résultats.
    Pour l’expérience, je propose de prendre deux volumes d’eau identiques, à la même température, donc de même masse, de chauffer l’un à moins de 100 degrés Celsius et de refroidir l’autre au dessus de 0 degré Celsius.
    On peut commencer par mélanger deux volumes à température identique, à des températures d’eau et d’environnement variées pour calibrer le dispositif expérimental, puis continuer.
    A vous.

  3. JCDB (#52),

    personne n’a vraiment répondu à la question.

    C'est vrai mais peut-être que la question était mal posée ?

    La définition classique d'une variable intensive est qu'elle ne dépend pas du volume, ce qui est bien le cas de la température d'un SEUL et UNIQUE corps HOMOGENE, qu'il soit liquide, gazeux ou solide. Jusqu'à preuve du contraire.

    A partir du moment où plusieurs corps distincts interviennent comme vous le proposez vous faites intervenir la physico-chimie des mélanges, ce qui est une toute autre affaire et ne répond pas au but que vous poursuivez.

    Enfin, lorsque les climatologues cherchent à évaluer la température moyenne de différentes cellules adjacentes, ils ne les mélangent pas. C'est une opération virtuelle : C'est une moyenne plus ou moins bien pondérée.

  4. JCDB (#52),

    …et sans intervention chimique.

    Dans l'exemple de la glace et du sel, la dépréciation de température du mélange n'est pas due à un phénomène chimique mais physique !
    La rupture des liaisons Na Cl par les molécules d'eau qui sont dans un réseau cristallin est endothermique à cause surtout des phénomènes entropiques.

    La dilution de l'acide sulfurique par de l'eau est très exothermique, mais c'est toujours un phénomène physique.

    Le mélange de deux constituants rigoureusement identiques (en dehors de leur masse) est évidement athermique donc ce que vous dites à propos de l'eau dans un thermos est exact. La température est effectivement pondérée par les masses de chaque constituant en présence.

    Mais en réalité, deux masses d'air qui se mélangent sur terre ne sont pas rigoureusement identiques (surtout l'humidité) et même en ne tenant pas en compte les enthalpies de mélange qui je l'avoue sont parfois spectaculaires, il en demeure pas moins vrai que la chaleur massique de l'eau est élevée ce qui pondère les températures suivant la quantité d'eau (donc suivant le taux d'humidité) et la moyenne arithmétique basée uniquement par la pondération des masses ne se vérifie pas.

  5. JCDB (#52),

    Très intéressant problème d’arithmétique et je crois bien que je l’ai eu soit en primaire soit au Cours Complémentaire.

    On mélange 2 litres d’eau, l’un à 90°C, l’autre à 10°C, dans un calorimètre bien isolé. Quelle sera la température du mélange?

    Il me semble que la réponse dans mon enfance était :
    (90+10)/2 = 50°C
    C’est bien sûr faux à cause de l’intensivité des données. C’est Benoît qui m’a suggéré une réponse plus juste, du moins je le crois, en faisant remarquer que la température représentait la moyenne quadratique des accélération des molécules, ce que j’ai traduit par la racine carrée de la moyenne des mv2, pour avoir une courbe linéaire à partir d’une distribution parabolique.

    Donc, je me lance, sans peur du ridicule, il faut passer en températures absolues T, m étant identique et égal à 1, il suffit de calculer la moyenne des carrés des 2 températures absolues, puis d’en prendre la racine carrée.

    90°C = 363K ; carré 131769
    10°C = 283K ; carré 80089
    moyenne : 105929
    racine carrée : 325.46 soit (-273) = 52.467 °C

    Voilà pour une proposition simple d’un profane en physique. j’ai considéré que seule la partie Q de l’énergie interne U s’échangeait dans le système, sans intervention des changements de phase qui ont certainement lieu avec l’air ambiant et sont différents pour les 2 éléments et leur mélange.

    Est-ce que j’ai bon ?

  6. MichelLN35 (#55),
    D’après la théorie de l’énergie cinétique des Gaz (c’est la physique statistique qui en parle):
    Si une molécule de masse m se déplace à une vitesse v, son énergie cinétique (Ec) vaut (1/2) mv2 et l’énergie cinétique totale des molécules du gaz vaut (3/2)NkBT
    Où kB est la constante de Boltzmann, N le nombre de particules et T la température (en Kelvin).
    1/2mv2 =Ec = (3/2) NkBT
    http://fr.wikipedia.org/wiki/T…..ue_des_gaz
    Je ne pense donc pas que les moyennes quadratiques se justifient.
    Du moins je pense que la température finale de 50°C est la plus probable.

    J’en profite pour dire un mot : on néglige souvent dans nos discussions (surtout à propos du bidulator et je m’excuse d’en parler ici encore une fois) les apports de la physique statistique.
    Je pense qu’on devrait s’y référer ça éclairerait les idées.

  7. MichelLN35 (#55),

    En associant un volume et une température et une substance (donc une capacité calorifique) , implicitement, vous traitez une quantité de chaleur, donc une variable extensive.

  8. Bernnard (#56), volauvent (#57),

    Il s’agit, non de gaz, mais d’eau liquide qui a servi à définir l’échelle de Celsius, entre la glace fondante et l’eau bouillante, à la pression de 1 bar. Votre formule de l’énergie cinétique d’un gaz me semble curieuse mais je ne suis pas physicien. La même température, réalisée dans ce gaz par de l’énergie électromagnétique pouvant être obtenue aussi par l’équation de S&B comme proportionnelle à la racine quatrième de l’énergie absorbée, on pourrait donc connaître exavtement la relation entre ces deux forme d’énergie ?

    L’expérience que je propose est très facile à réaliser, il suffit de 3 vases Dewar, contenant la même quantité d’eau équilibrés à 3 températures que l’on note, disons ~90, ~50, ~10 °C.

    Après cet équilibre on vide le vase à 50°C, on y verse rapidement le contenu des deux autres au même moment et on mesure la température à l’équilibre. Il me semble qu’une différence de près de 5% doit se voir avec des thermomètres dans un laboratoire.

    La température prise est bien l’estimation d’un niveau de flux de chaleur par un « travail » qui fait dilater un solide ou un liquide.
    miniTAX nous avait bien signalé qu’en vertu du principe de Carnot, il était plus efficace de tirer une quantité de travail entre 300 et 200°C qu’entre 100 et 0°C.

    Quant à la même situation pour les gaz dans l’atmosphère. Je voudrais rappeler l’application qu’en propose Vincent Gray dans le cadre de la théorie radiative en appliquant la formule de S&B :

    « Extrait de : http://nzclimatescience.net/im…..Scam3a.pdf

    « La radiation de la terre est beaucoup plus importante à partir des régions chaudes que des froides parce qu’elle dépend de la puissance quatrième, aussi les températures au dessus de la moyenne ont une beaucoup plus grande influence que celles en dessous.

    Prenons seulement un exemple, la terre peut être divisée en quatre zones de température,
    313K (40°C) ; 293K (20°C) ; 283K (10°C) ; et 263K (-10°C)
    Moyenne = 288K (15°C) [correspondant à l’émission d’un corps noir ponctuel de 390W/m2 . NDT]

    Les énergies émises par chaque région, suivant Stefan-Boltzmann, sont : E (w/m^2) = 5.67*10^-8*T^4
    544.2 ; 417.9 ; 363.7 ; 271.3 Moyenne : 399.2 W/m^2 – une différence de +9.2W/m^2 sur la moyenne globale.
    Cette erreur est beaucoup plus grande que les effets proclamés des gaz à effet de serre additionnels depuis 1750, qui sont autour de 1.6W/m^2. »

    A ma connaissance, mais je peux me tromper, ces calculs n’ont pas été contestés, ils ont été camouflés, c’est tout. Je ne dis pas qu’ils ne sont pas contestables, je dis seulement qu’avec la théorie qu’ils critiquent, il est impossible d’obtenir une image correcte de l’évolution des climats.

    Enfin, il ne s’agit pas ici de parler du ridicule bidulator, c’est beaucoup plus important que cela, en particulier lorsque l’on veut voir quelle sont les notions de température et de chaleur que l’on enseigne dans nos lycées à nos futurs scientifiques et surtout aux non scientifiques.

    Il y a les lois de la physique et aussi celles de la statistique et il faut bien enseigner une statistique tordue pour faire passer pour science une physique tordue. Exiler les interrogations fondamentales sur un fil méprisé ne me paraît pas une bonne politique pour un blog scientifique.

  9. MichelLN35 (#58),

    Il y a les lois de la physique et aussi celles de la statistique…

    C’est justement ce que traite la physique statistique qui prend en compte les phénomènes radiatifs de nature quantique. Cette physique (qui n’est pas nouvelle, mais cependant postérieure à la thermodynamique) a permis de retrouver les fonctions d’état connues en thermodynamique en l’exploitant statistiquement des phénomènes d’échanges énergétique (incluant les échanges radiatifs) à l’échelle des atomes et molécules. Elle est souvent ignorée alors que, dans ce qui nous préoccupe, elle est importante. Par exemple dans les Cv ou Cp, il y a implicitement la prise en compte des phénomènes radiatifs.
    Pour s’en convaincre intuitivement je vous suggère de classer les gaz de l’air y compris les gaz désignés comme GES incluant la vapeur d’eau, et de mettre en regard leur Cp ou Cv .
    Ceci dit, je suis plus chimiste que physicien, mais j’ai des restes de cours ! À toute fin utile voici un lien sur un cours récent mais ardu (pour les courageux).
    C’est pourquoi je pense que la thermo classique (sans faire intervenir un effet de serre avec ses rétro radiations, qui est un concept très récent), est suffisant pour expliquer les échanges de chaleur.
    Ensuite traiter toute la terre comme un gigantesque thermos hétérogène n’est pas une mince affaire je vous le concède.

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