La fabrique des faux souvenirs climatiques


par Benoît Rittaud.

C'est une "semaine-clé" qui se passe à Genève en ce moment-même pour sauver le climat. D'accord, cela ne nous change pas beaucoup des "réunions cruciales", des "rendez-vous de la dernière chance" et autres "ultimes espoirs" pour la diplomatie climatique, mais bon : Havas-Paris a décidé que ladite "semaine-clé" était le bon moment pour commander un sondage à Ipsos, histoire de contrôler que les Français pensent bien comme il faut d'étudier l'opinion publique à l'approche de la conférence du siècle (Paris Climat 2015).

Inutile de dire que les pages "Planète" du Monde n'allaient pas manquer de nous narrer par le menu les résultats de ce sondage, qui ne comporte bien entendu que des nouvelles qui vont dans le sens du vent objectives sur l'état de l'opinion. Le Journalderéférence nous indique ainsi que "le climatoscepticisme n'est plus de mise" : serait-ce qu'on observe une baisse de ses partisans ? Eh bien… on n'en sait rien, puisque le pourcentage du sondage (20%) n'est pas comparé à un pourcentage antérieur. Au moins, là on est sûr qu'on est dans les pages "Planète". On lit dans Le Point une comparaison avec un sondage de 2010 fait par un autre institut, qui donnait à l'époque 26% de climatosceptiques. Si l'on tient compte du ponctuel "effet Allègre" de l'époque, joint à l'échec de Copenhague, je ne suis pas sûr qu'on puisse dire que les climatosceptiques sont vraiment en chute libre. Je dirais même qu'atteindre 20% malgré le matraquage permanent qui fait que le jury du climathon a chaque semaine l'embarras du choix parmi ses nominés, c'est déjà quelque chose.

Il y a au moins quelque chose d'amusant dans ce sondage, ce graphique que je reprends du Monde :

SondageIpsos

 

Ne demandez pas aux pages "Planète" un quelconque regard critique sur ces chiffres, qui montrent pourtant de la manière la plus crue que les Français interrogés ont une approche de la question qui est à mi-chemin entre le café du commerce et le "y a plus d'saisons ma bonne dame". En effet, la France ne se réchauffe plus depuis près de vingt ans (tout comme la planète dans son ensemble, d'ailleurs), si bien qu'on peut soupçonner les 56% de Français ayant ressenti une augmentation de la température moyenne d'avoir quelque peu calqué leur ressenti sur ce que le sondage semblait attendre d'eux. On peut au moins avoir un mot favorable à l'égard du Figaro qui, commentant ces chiffres, a le bon goût de songer à préciser que

Si l'augmentation du thermomètre est une constatation faite à l'échelle du globe [NdlR : OK, là, ça commence mal, mais ça s'arrange juste après], l'impact actuel du changement climatique sur la fréquence des inondations est moins évident, même à l'échelle de l'Europe.

Les scientifiques relèvent par exemple une augmentation des sécheresses en Europe du Sud mais aussi des épisodes de pluies plus intenses, qui peuvent se traduire par des inondations. Les inondations sont par ailleurs très liées à l'urbanisation et aux pratiques agricoles (déforestation, etc.).

Bref, les Français n'ont rien de grenouilles météo. À leur décharge, les médias qui les bombardent à grands coup de "2014 année la plus chaude" ne les y aident guère.

,

21 réponses à “La fabrique des faux souvenirs climatiques”

  1. … les médias qui les bombardent à grands coup de…

    Ou bien : mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose !
    On n'empêchera pas les conversations du café du commerce quand la vraie information manque. Ce qui est plus grave est le formatage des esprits qui façonne comme vrai une fausse information et qui devient, le temps passant, un faux savoir.
    Alors ceux qui pensent différemment seront à exclure !

  2. Les médias ne se rendent pas compte du décalage entre leurs opinions qu’ils pensent largement partagées et l’opinion « populaire ».
    La démonstration en est éclatante avec les attentats du 11 janvier.

    Là, pour le rouleau compresseur du réchauffement changement climatique, il y a début d’overdose, et ceux qui croient néanmoins au dogme, on est rejet dû au sous-entendu fiscal systématique.
    Entre Ecomouv’ et les feux de cheminées, les signaux sont là.

  3. C’est marrant, les sondages à l’étranger montrent une tendance inverse de celui de planète-Monde.
    source

    Surveys show that a significant minority of the population are sceptical about climate change and that there has been a modest increase in scepticism over the last few years.

    Un point intéressant dans ce billet :
    La liste des raisons qui provoquent le scepticisme dans le public…

    Reasons given for scepticism include
    ◾Hype and alarmism, either in the media or from climate scientists. 32 people give this as a reason.
    ◾Memories of previous scares, such as the 1970s ice age scare, mentioned by 15.
    ◾Politics – some say the climate story seems politically motivated, others say it does not fit with their own views, which often lean more towards libertarianism than conservatism.
    ◾Climategate is mentioned by 30 people, but only seems to have been a major influencing factor for 13. The survey was only 5 months after climategate, so most had probably already formed their view.
    ◾Poor science is mentioned by about 60, with the hockeystick most common issue.
    ◾Blogs – Climate Audit is most cited (57 times), followed by RealClimate (42 times) with many negative comments about their attitude and apparent failure to answer questions satisfactorily.
    ◾Other minor factors include books, newspapers and films

    Désolé, pas le temps de traduire.

  4. COP21 43% ne savent pas ce que c’est , 78% ne savent pas précisément de quoi il s’agit , mais 91% pensent que cela aura des vertus pédagogiques ?
    Que peut on en déduire ?

  5. devinplombier (#4),
    Les résultats de ce sondage Havas/Ipsos doivent ressembler d’assez près à celui qui a du être effectué auprès de Danois juste avant Flopenhague 2009 !

    Ps : on se demande comment font les 43% des gens qui n’ont jamais entendu parler du COP21.
    Y a des organes de presse qui n’en parlent pas ?
    Des noms, vite !

  6. Les médias ne se rendent pas compte du décalage entre leurs opinions qu’ils pensent largement partagées et l’opinion “populaire”.

    Marco33 (#2),
    Autre exemple aujourd’hui, sur le scandale merdiatico-politique au sujet le maire FN de Béziers et ses scandaleuses affiches vantant le scandaleux Beretta de la scandaleuse police municipale.
    M6 a interrogé ses téléspectateurs : « est ce que vous êtes scandalisé par les affiches du maire ? ». Résultats de quelques dizaines de milliers (!) de votes internet : 65% de « non ». Mais c’est bien connu, ça ne vaut rien face à un sondage Ipsos sur un échantillon « représentatif » de 500 péquains aux réponses déjà connues d’avance par les sondeurs.

  7. Bob (#8),

    Le problème que l’on relève presque immédiatement est l’ancienneté du matériau sur lequel les auteurs ont travaillé, et la faiblesse de la population enquêtée.

  8. scaletrans (#10),
    C’est vrai mais c’est un article peer-reviewé et publié. Ils ne doivent utiliser que des données « avérées » … Enfin, en principe.
    C’est également vrai que l’échantillon est très maigre.

  9. Gilles des Landes (#12),
    Ce lien n’est rien d’autre qu’une version maladroite, expurgée et orientée (par exemple ils montrent exclusivement la neige en avril mais pas en hiver qui, elle, a augmenté durant la même période)
    Mis à part quelques graphiques dont celui-ci de météo France qui peut faire rigoler (moyenne décennale) :

    Enfin, disons que c’est sans doute bon pour la politique à défaut de l’être pour la science et la vérité.

  10. @bob
    N’étant pas spécialiste, un tel graphique me semble imparable… peut-être un peu trop beau pour être vrai.
    Quels sont les éléments qui pour vous ne le rend pas crédible?

  11. Pourquoi ne pas imaginer une rubrique dans skyfall intitulée « les dessous du graphique du jour »?
    En effet, j’avoue avoir savouré en son temps les analyses de B. Rittaud et H. Arezki au sujet de la célébrissime courbe de M Mann. Courbe devant laquelle le gogo de base (comme moi) ne pouvait que CROIRE . Moins vrai après la compréhension de la manip de Mann!
    Comme dans l’émission « le dessous de cartes », la mise au jour du bidouillage des graphiques censés faire peur serait bienvenu.

  12. TL (#14),
    Je n’ai pas dit qu’il n’est pas crédible. Pour la planète, il est assez facile de se procurer les données, même station par station. Pour la France, c’est + délicat (!) (voir les billets de Ben). il est donc difficile de se prononcer.
    Ce que je pointais, c’est plutôt la stagnation voire la baisse des températures depuis 2000+ du moins d’après « leur moyenne décennale ».

  13. TL (#15), Bob (#16), Pourquoi choisir la peridoe de reference comme etant la periode 1961-1990? Qu’a t elle de si precieux? Rien.
    C’est justement ce genre de tripatouillage qui se veut refleter le « changement climatique » par une seule variable, la temperature, qui n’a aucun sens climatologiquement. Ces messieurs se gardent de parler de l’evolution de la pression atmospherique, valeur beaucoup plus robuste que la temperature…
    Une bonne raison de se procurer la dynamique du temps et du climat de Leroux ou de visiter le site de Hacène qui possede quelques articles telechargeables.
    http://ddata.over-blog.com/xxx…..e-1993.pdf

  14. AntonioSan (#17),

    Pourquoi choisir la peridoe de reference comme etant la periode 1961-1990?

    de 1961 à 1980 il a fait plutôt plutôt froid. Certains craignaient un nouveau petit âge glaciaire. Quand on veut montrer que ça se réchauffe, on choisit soigneusement sa base de référence.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *