par Benoît Rittaud (alias Ben).
J'aurais préféré éviter le premier avril, mais bon : aujourd'hui paraît mon nouveau livre, La Peur exponentielle, aux Presses Universitaires de France.
De tous les livres que j'ai publié, c'est celui qui m'a demandé le plus d'efforts. Pardon pour le lieu commun, mais c'est là la stricte vérité. Il m'a fallu près d'un an et demi pour cerner vraiment mon sujet, et encore deux ans pour donner à l'ouvrage sa forme achevée. Avec un ultime bonus : la quête d'un éditeur, qui m'a pris un an de plus.
Deux raisons à cette dernière difficulté :
1) le livre est dans la veine du Mythe climatique, c'est-à-dire très mal-pensant. En signant un bouquin pareil, je vais encore me faire des amis : critique de l'alarmisme climatique, des discours néomalthusiens, de la mode actuelle autour dudit "Anthropocène" et plus généralement des peurs globales contemporaines… pas bon, ça, coco.
2) le livre est un ovni qui refuse obstinément d'entrer dans les cases des collections d'un éditeur normalement constitué. Un livre inclassable, quoi, alors non vraiment, coco, c'est pas possible.
Sans présager de la manière dont il sera reçu, j'ose prétendre qu'il s'agit d'un livre original (ce qui ne veut pas dire que c'est un bon livre). Il s'agit en effet à ma connaissance du premier livre intégralement consacré à la représentation sociale d'un concept mathématique abstrait. Il ne s'agit pas de mathématiques, ni d'histoire des mathématiques, ni d'histoire tout court. Pressés par leurs représentants (les petites fées en charge d'expliquer au monde entier — et en particulier aux prescripteurs de tous poils tels que journalistes et libraires — combien ce livre est indispensable à toute bibliothèque digne de ce nom), les PUF ont finalement décidé qu'il s'agissait d'un livre de sociologie. Ça fait bizarre, mais tout bien pesé il s'agit sans doute du meilleur choix.
Ce livre est en quelque sorte une synthèse de deux de mes principaux ouvrages antérieurs. Le côté "histoire totale d'un concept mathématique" tient du livre intitulé Le Fabuleux destin de √2 (Le Pommier, 2006), tandis que l'aspect "fais-toi des amis en critiquant la pensée dominante" est dans la droite ligne du Mythe climatique (Seuil, 2010).
Présentation de l'ouvrage par l'éditeur (pour d'autres infos, cliquez ici) :
C’est une nouvelle venue à ajouter à la liste de nos peurs collectives, et son objet est des plus inattendus : un concept mathématique abstrait. Déclinable à l’infini, la peur de l’exponentielle est une réalité contemporaine aussi répandue que méconnue. Scientifiquement construite bien que parfaitement irrationnelle, elle constitue la matrice originelle de quantité de discours alarmistes fondés sur la crainte que nous irions collectivement bientôt heurter de plein fouet les limites du monde : épuisement des ressources naturelles, démographie mondiale, réchauffement climatique…
La première partie s’intéresse à la structure de la peur. Affirmer le caractère exponentiel d’un phénomène permet à peu de frais de prophétiser une catastrophe. La seconde partie mène une critique de cette peur, qui peut conduire au rejet de l’autre (peurs démographiques, critique du « juif usurier »). La troisième partie s’intéresse à l’histoire des représentations sociales liées : idée de croissance proportionnelle sous-jacente au « passage du local au global », étroitesse supposée du monde, visions anciennes de l’exponentielle comme créatrice de richesses (par exemple grâce à la magie des intérêts composés), et établit un lien avec le « désir mimétique » de René Girard. La dernière partie propose des pistes pour surmonter la peur : dépassement de la sidération causée par les grands nombres de l’exponentielle, reconsidération de notre rapport au temps et à l’infini.
Table des matières
Première partie – Mécanisme
Chapitre 1 – Structure générale
Chapitre 2 – Une peur nourrie de science
Chapitre 3 – Grands récits
Deuxième partie – Critique
Chapitre 4 – Une peur dangereuse
Chapitre 5 – Une mystique mathématique
Chapitre 6 – Les sophismes d’une courbe
Chapitre 7 – Achever l’exponentielle
Troisième partie – Origines
Chapitre 8 – Urbi et orbi
Chapitre 9 – Le temps du monde étroit
Chapitre 10 – La bombe e
Chapitre 11 – Plus forts que la mort
Chapitre 12 – La mère de toutes les peurs
Quatrième partie – Remèdes
Chapitre 13 – Faire face aux grands nombres
Chapitre 14 – Réunir le cercle et la ligne droite
Chapitre 15 – Subjectiver l’infini
Envoi : Sonder l’avenir
79 réponses à “Parution de « La Peur exponentielle »”
Ben (#15),
j’aviais de mentionner que R lattès était membre du Club de Rome dont les prédictions d’il y a près de 50 ans font bien rire aujourd’hui
yvesdemars (#51), vous aviez oublié queqchose
the fritz (#50),
Je viens de finir le livre.
Je souhaite d’abord souligner l’excellente qualité du texte, qui se lit aisément, même pour un béotien comme moi. Il y a quelques petites coquilles, mais rien de bien grave.
Ce livre m’a ramené aux notions de mathématiques du lycée : intégrales, exponentielles, avec de nombreuses illustrations. Les digressions de Benoit Rittaud sur des thèmes philosophiques, religieux et sociologiques montrent qu’on peut être mathématicien et d’une grande culture. Bravo M. Rittaud, il y a longtemps que je n’avais pas lu un live aussi passionnant.
Je dois dire que j’ai ma petite préférence pour la partie III, au sujet de l’urbi et orbi. Partir du particulier pour en déduire une généralité (bien entendu anxiogène), c’est un des outils de ceux qui ont de l’angoisse à nous vendre. A la limite, je trouve que Benoit Rittaud est bien indulgent vis à vis de Al Gore.
Encore une fois, pour un néophyte comme moi (je suis médecin, et totalement ignare dans bien des domaines évoqués en général sur les pages de ce site), j’ai été enchanté de cette lecture, qui non contente de répondre à un certain nombre de mes questions, a surtout ouvert de nouvelles perspectives dans mes réflexions.
Merci M. Rittaud.J’attends votre prochain livre avec impatience et je recommande celui-ci à qui voudra bien m’entendre
Yagloo (#54),
J’achèterais ce livre sans hésiter s’il était disponible au format Kindle.
Cela fait des années que je n’avais plus acheté de bouquins papier. Au contraire je m’en débarrasse pour faire de la place.
J’ai fait une exception pour le bouquin de Vahrenholt Neglected Sun. Mais il est toujours dans son emballage Amazon. Je l’ai seulement feuilleté rapidement. Il prend les poussières sur une étagère.
Je me dis que j’ai sponsorisé l’auteur mais cela ne m’incite pas à recommencer.
Yagloo (#54), merci à vous ! Je viens de copier votre commentaire sur le livre d’or que je viens de créer su mon propre blog (ici).
En passant, à tous : si ça vous prend de commenter le livre sur Amazon, la FNAC, ou autre librairie en ligne, n’hésitez pas…
@ Ben
Je viens de terminer votre ouvrage et j’en suis ravi. De mon point de vue, les meilleurs points :
* lorsque vous relevez assez régulièrement le fait que que les peurs exponentielles se fondent plus sur le simple exposé de l’exponentielle plutôt que l’étude des limites sur lesquelles elle vient se casser. Effectivement la lecture de Limits to Growth laisse un vague sentiment de creux en ce qui concerne les limites, ce qui conduit à ne pas pouvoir le considérer comme bien plus qu’un exercice de style un peu compliqué pour une simple variation du fameux problème des nénuphars.
* le surfini, bon nom à mettre autour de cette expression difficile à expliciter : « infini dans les perspectives de l’action humaine ». Certes, ce surfini n’est pas rigoureusement défini, mais, effectivement, il semble indiquer que le sort de la cinquième ou dixième prochaine génération ne dépend guère de la nôtre, à part des armes matérielles, culturelles et scientifiques que nous pourrons fournir à la première ou deuxième suivantes. J’ai hâte d’observer les développements de cette notion de « surfini ».
Deux points en passant, si cela peut vous intéresser ou intéresser tout autre de skyfall :
* concernant World3, le modèle derrière les Limits To Growth, l’effondrement agricole est décortiqué ici. C’est intéressant, il semblerait que le modèle conduise, pour poursuivre les efforts grandissants d’extraction des ressources minières, à alimenter de moins en moins en efforts l’agriculture, laquelle s’effondre. C’est étrange, je me passerai plus facilement de xbox que de riz, mais bon. L’auteur du site a une expression intéressante : « Malthus in, Malthus out », qui nous rappellera d’autres prophéties prononcées par des pythies numériques.
* il existe une exponentielle que vous ne citez pas mais qui peut être présentée comme la cause d’une angoisse existentielle : le paradoxe de Fermi. Celui-ci énonce le fait qu’il est très surprenant qu’aucun contact avec d’autres formes d’intelligence ne soit survenu, du fait qu’une civilisation interstellaire en croissance exponentielle coloniserait la galaxie en quelques dizaines ou centaines de millions d’années. Comme l’émergence de la vie sur Terre s’est produite très rapidement après sa formation, et a mis 4 milliards d’années à conduire à la conscience, il n’y aucune raison de penser que les 200 milliards d’étoiles de la galaxie n’aient pas conduit à au moins une autre espèce intelligente, laquelle aurait rempli la Voie Lactée bien avant notre arrivée. Si cela ne s’est pas produit, il est possible que quelque chose d’horrible se produise au cours de l’ascension d’une civilisation exponentielle (i). Je ne suis pas convaincu qu’une tel histoire de peur exponentielle puisse devenir un mythe urbain à l’origine d’une « peur populaire » comme les autres exemples que vous citez, mais pour ma part, pour le jeu, je serais prêt à parier qu’elle surgira bien un jour.
Pour finir, je souhaite revenir sur le fait qu’il n’y a au premier abord pas de faille à « l’argument du monde étroit » : les ressources matérielles sont effectivement finies et leur consommation à périmètre constant, quel qu’il soit finalement, conduira à leur épuisement. Vous proposez la notion du surfini, qui, pour ce que j’en ai compris, consiste à affirmer que si cette fin est suffisamment loin dans le temps, il est contre-productif de s’en inquiéter et de risquer de se ruiner par la prévention. Lorsque l’on dit que le périmètre ne peut pas grandir plus vite que les besoins, on verse dans le catastrophisme, le Malthusianisme. Il existe là aussi une faille proposée par Robert Zubrin dans le polémique Merchants of Despair. Il expose en effet qu’il existe une chose qui croit plus vite qu’une population en croissance exponentielle, c’est le savoir cumulé de cette population, fonction des hommes-an et donc de l’intégrale avec le temps de cette croissance exponentielle. Il conclut que la capacité d’innovation de l’homme, et donc sa capacité à trouver de nouvelles ressources propre à alimenter la croissance, grandira toujours plus vite que ses besoins… et ce à condition bien entendu, que les conditions socio-économiques permettent, plutôt que n’étouffent, l’innovation (comme par exemple des mesures de catastophistes, par exemple).
Les sujets que vous abordez sont immense, et la pente est longue à gravir : les peurs urbaines sont profondément enracinées, et il est terrible de songer à quel point la quasi-totalité de la population est persuadée de la chute inéluctable de la civilisation, submergée de pollutions, maladies etc… Ce qui est surprenant, c’est que ce pessimiste général, une fois affirmé par l’assemblée hochant de la tête, est vite balayé par le simple je-m’en-foutisme. Il y aurait du travail pour une Association Cornucopienne 😉
Merci encore pour votre ouvrage
(i) concernant le paradoxe de Fermi, il existe des exercices exploratoires, basés sur du Monte Carlo ou des théories de la percolation qui montrent que, si le voyage interstellaire est suffisamment difficile, rien n’empêche que la Terre soit isolée dans une grande bulle « vide » où les densités d’étoiles sont trop faibles. Ce domaine, peu scientifique du fait du manque de données, est assez intéressant.
Eloi (#57),
Je me souviens vaguement de la partie agricole de « limits to growth ? ». J’en était ressorti avec l’impression qu’on allait tous mourir d’obésité (les Américains en premier, ouf !). D’une manière générale, dans leur modèle, la consommation ne saturait jamais.
Le paradoxe de Fermi a été résolu par les climatologues, les E;T. ont tous transformé leur planète en poêle à frire.
Nicias (#58),
Pour les limits to growth je vais vérifier cela.
Voilà : le paradoxe de Fermi me semble assez balèze pour cela : l’absence de civilisation exponentielle permet de justifier toutes les horribles hypothèses d’auto-destruction de la civilisation croissante. Ce n’est pas sorti dans les médias, peut-être parce que ET ne fait pas sérieux, mais il me semble un bon candidat à la peur exponentielle, non pas par elle-même, mais par son absence… C’est magique
Sous-entendez-vous que Rocard est un ET venu nous prévenir ?
Eloi (#57), mille mercis pour ce commentaire très riche. Je ne connaissais pas cette version exponentielle du paradoxe de Fermi, qui est en effet un bon client pour une peur exponentielle future. Un peu de pseudoscience exobiologique – pardon, de « science sans sujet » – pour finir de démontrer que la vie est « forcément » apparue aussi ailleurs, et la peur pourrait décoller. Beau sujet de réflexion en tout cas.
Le j’men-foutisme que vous évoquez suggère aussi que, au fond, tout ça est surtout un jeu.
Il ne faut pas aussi oublier l’expansion exponentielle de l’univers. Cela ne va pas faciliter les COP intergalactiques.
Il faut noter que j'avais fait ma réflexion sur la poèle à frire à gammacrux (Tsih ?) qui avait évoqué le paradoxe de Fermi. Nous discutions alors avec un réchauffiste qui bossait dans le business de la réglementation thermique.
J'avais remarqué que sur son blog il se décrivait comme : "Expert en recherche d’intelligence extra-terrestre, cela l’a amené à étudier les facteurs déterminant la survie à long terme des civilisations et à faire des recherches dans le domaine de l’énergie, ainsi que sur les principes fondamentaux du développement durable."
http://voir.ca/yvan-dutil/
Pour le moment il ne fait que 3% avec les Verts aux élections du Cannada. Mais qui sait, s'il franchit la barre des 5%, il pourrait raconter ses histoires à la télé ?
Nicias (#61), à moins que le réchauffement climatique ne provoque le Big Crunch.
Nicias (#58), non, les ET, eux, sont raisonnables et prudents, d’ailleurs ils nous surveillent et se préparent à nous punir de déregler notre climat (voir sur pensee-unique le bonnet d’âne du 22 août 2011)…
Nicias (#62),
Le nom de « Vert » dans ce cas-là porte tout son sens, non ?
Ben (#60), de rien !
Ce j’men-foutisme est assez surprenant : il serait pourtant plus simple de ne pas avoir d’opinion, que d’exprimer la fin du monde puis s’en foutre. Il y a une part de narcissisme, d’image ou de posture : ce peut donc être un jeu, effectivement, dans le même sens alors que le « jeu de la séduction ».
Que ce soit un jeu ou non, la politique s’en saisit par contre avec violence pour distribuer lois, privations de libertés, et argent. Ce jeu coûte cher au final.
Dans le même genre de paradoxe, il y a aussi l’absolue méfiance populaire envers des politiciens incompétents pour ne serait-ce que gérer l’administration nationale, et pourtant l’absolue confiance populaire envers ces mêmes politiciens pour mener le pays le longs de plans séculaires pour éviter les écueils de la transition énergétique. C’est parfois impressionnant.
Nicias (#58),
Je me suis replongé dans le bouquin The Limits to Growth (attention : édition de 1972, que l’on peut trouver gratuitement, j’ai toujours eu des remords d’acheter la version de 2003 à 20€). Dans ces scénarios, la consommation agricole est bien liée à la production agricole divisée par le nombre de têtes de pipes. Or la production agricole est liée à la capacité à extraire des ressources non renouvelables (tracteurs, nitrates, usines etc…). Le coût des ressources non renouvelables est une fonction de leur taux d’extraction : plus on arrive bas dans le stock, plus c’est coûteux. Ils considèrent également l’érosion des sols et l’extension des surfaces urbanisées. En conséquence, dans la grande majorité de leurs scénarios, la population croît jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de la nourrir, la mortalité explose et le monde s’effondre.
L’autre « limite » de tout cela, c’est la pollution. Lorsqu’ils sont sur le point de trouver une « solution » sans devoir autoritairement baisser la natalité où interdire la consommation, la pollution explose, et la mortalité explose, sur la base d’une loi arbitraire (leurs propres mots). Je suis curieux de savoir ce que donnerait leurs scénarios « technologiques » avec une loi pollution-mortalité un chouille plus tolérante. Vu les courbes il me semble que le monde pourrait ne pas s’effondrer.
A la relecture, et après la lecture de la Peur Exponentielle, il est assez intéressant de constater que leurs scénarios « équilibre » conduisent à un effondrement certain après 2100, par épuisement des ressources non-renouvelables. C’est parfaitement fatal : quel que soit le niveau de consommation, un jour les ressources seront épuisées. Cependant, il est notable que les auteurs des Limits to Growth évoquent le fait que cet effondrement est repoussé assez loin et donne ainsi le temps à la civilisation de s’adapter. On n’est plus très loin du « surfini » !
Tout est une question de timing, et donc de la constante de leurs lois exponentielle. Qu’ils admettent eux-mêmes très incertaines. Cela ne les empêche pourtant pas de clamer qu’il est « virtuellement certain » (je GIECise) que l’effondrement en business as usual est pour avant 2100. En parlant de faille il y en a une belle.
C’est bien le sens du « Malthus in, Malthus out » : ils se sont donné les bonnes courbes exponentielles, et les bonnes hypothèses pour conduire à un effondrement total avant 2100. Quand ce n’est pas la bouffe, c’est la « pollution », sous forme d’un indice, qui vient tuer tout le monde. C’est pratique. J’ai trouvé un logiciel gratuit OpenModelica permettant de recalculer leurs scénarios. Ce serait très amusant de chercher des lois, un tout petit peu plus tolérantes, qui conduirait leurs scénarios « technologiques » à faire aussi bien, voire mieux, que leurs scénarios « équilibre » (et répression).
Ben (#63),
Ben , j’aimerais bien avoir votre opinion sur ce sujet
Serons-nous dans quelques millions ( milliards ) d’années sans une étoile au ciel , ou subirons nous l’apocalypse en nous retrouvant dans un trou noir condensant tout l’univers ? D’après ce que j’ai compris cela tient à quelque imprécision sur la connaissance infinitésimale de quelques constantes cosmologiques
Pour ma part , c’est clair ; il n’y a pas de Big Bang , ni d’expansion exponentielle, ni de Big Crunch en vue ; cela me rappelle bigrement les tipping points dont parlent les climatologues
@ Ben,
J’ai commencé votre livre.
Dans l’intro, il est question de fourmis … Les fourmis sont des insectes (pas les araignées !).
A plus, bon courage avec votre ordinateur…
@ Eloi, Nicias
Je voyais le paradoxe de Fermi plus comme un jeu intellectuel qu comme une théorie sérieuse. On manque tout de même de donnée sur le sujet ! De toute façon, si le voyage d’un vaisseau spatial à une vitesse égale ou supérieure à C est impossible physiquement, ce qui semble bien être le cas, le problème est réglé vu les distances mises en jeu. Le progrès technologique ne change pas les constantes de l’univers en principe. Et qui voudrait passer toute sa vie, sans compter celle des générations futures, coincé dans une boîte à conserve volante ? Au mieux on est obligé d’avoir recours à de l’imagination débridée (quatrième dimension ou plus, cordes, etc.) appelée « haute spéculation » par les scientifiques pour tâcher de justifier la possibilité et satisfaire les spectateurs tatillons de space opera et aliens mangeurs d’hommes.
jean l (#69),
IL y a des publis, par exemple dans le Journal of British Interplanetary Society dans lesquelles on cherche à calculer des fronts de colonisation selon diverses théories. Ce n’est effectivement pas très scientifique puisque les données sont très limitées : ce n’est toutefois pas inintéressant.
Un cas simple et illustratif (très dans l’esprit de la Peur Exponentielle ; supposons :
* la durée de voyage soit de 10000 ans en moyenne (par exemple 100 années-lumières parcourues à 1% de la vitesse de la lumière)
* chaque colonie émet un vaisseau tous les dix mille ans
* chaque vaisseau/voyage crée une colonie, laquelle est capable d’émettre instantanément un vaisseau
* à t=0 an, nous avons N=1 colonie
* on considère des itérations de dix mille ans
Si je ne me suis pas trompé dans la formulation de mes hypothèses, à l’itération n+1, le nombre de colonies est égal à 2 fois le nombre de colonies à l’itération n.
La Voie Lactée contient 200 milliards d’étoiles. Il faut 38 itérations pour obtenir plus de 200 milliards de colonies. 38 itérations, c’est 380.000 ans, c’est-à-dire rien du tout.
Bon en réalité ce serait plus compliqué, puisque on considérerait plus l’extension d’un front (la distance à parcourir depuis les colonies au centre deviendrait largement supérieur à ces durées), mais le principe du paradoxe de Fermi se trouverait là : une civilisation en croissance est susceptible de coloniser la galaxie, en respectant la vitesse de la lumière, en une durée de l’ordre du million d’année.
A noter que des calculs Monte Carlo montrent que si, par exemple, la probabilité d’échec d’un voyage augmente très fortement avec la distance à parcourir, il est totalement possible de créer de vastes bulles non colonisées, car non suffisamment dense en étoiles. C’est une forme de réponse aux paradoxe de Fermi.
the fritz (#67), mon avis (sans prétention) est que le problème de la « date du Big Bang » suggère surtout que l’échelle linéaire n’a pas que des avantages pour représenter la flèche du temps à l’échelle cosmologique. Un bon vieux logarithme nous ramène sans souci le Big Bang à moins l’infini (ce qui, certes, pose d’autres problèmes…). En d’autres termes, se demander ce qu’il y avait « avant le Big Bang » (toute ressemblance avec des physiciens de salon serait fortuite) me semble moins pertinent que de se demander si une seconde plus une seconde font bien deux secondes.
Araucan (#68), ha, oui, je voulais parler d’araignées et, en reformulant la phrase, je me suis mélangé les crayons au dernier moment. Je vais avoir du mal à m’en remettre, de celle-là.
jean l (#69), oui, c’est un jeu, sauf qu’il y a beaucoup de personnes qui l’ont pris au sérieux. Drake, Sagan… sur le sujet, il faut lire (ou écouter) la conférence de Michael Crichton, « Aliens cause global warming », où il fait un lien intéressant entre le fait que l’équation de Drake a été sérieusement discutée en son temps (plutôt que d’être mise directement au seul lieu qui lui convient, à savoir la poubelle) a ouvert la voie à une façon plus « clinquante » de faire de la science qui, selon Crichton toujours, aurait entre autres débouché sur l’affaire du climat.
Eloi (#70), idée très rigolote ! Elle ne tient pas parce qu’il n’y a pas la place pour toutes ces colonies. Si la colonie initiale se déploie dans toutes les directions à vitesse constante, les colonies successives devront toutes se trouver à l’intérieur d’une sphère de rayon vt (v : vitesse des vaisseaux ; t : temps écoulé depuis le début de la colonisation). Le nombre de planètes susceptibles d’être colonisées au bout du temps t sera alors proportionnel à t^3 (i.e. au volume de la sphère de rayon vt), qui croît moins vite que l’exponentielle. Les colonies programmées par le plan finiraient donc par se chevaucher. On n’est pas très loin ici du paradoxe des ancêtres (le nombre de mes ancêtres de la n-ième génération est 2 puissance n, ce qui fait qu’en moins de 30 générations j’ai plus d’ancêtres qu’il y avait alors d’habitants sur Terre. Explication : les ancêtres ne sont pas tous distincts.) Mais je retiens votre plan de conquête de la Galaxie mérite d’être retenu : j’essaierai de faire réfléchir mes étudiants dessus, à l’occasion.
En passant : le climathon nouveau est arrivé.
C’est pas très casher au niveau développement durable, cette expansion exponentielle des ET dans l’univers.
Pourquoi accélérer la déplétion des ressources naturelles de sa planète en envoyant une partie considérable de la croute dans l’espace ?
Qu’est ce que cela rapporte ? Certes Krugman a montré que le commerce interstellaire ne posait pas de problèmes théoriques.
https://scholar.google.fr/scholar?q=krugman+interstellar+trade&btnG=&hl=fr&as_sdt=0%2C5&as_vis=1
Dans la pratique, cela va pas être facile a financer donc j’y crois pas.
Le seul intérêt que je vois est que leur planète deviendrait trop petite pour continuer leur expansion démographique ou économique, ils seraient contraints à l’expatriation. Donc si on les a pas encore vu, c’est qu’ils n’ont pas atteint les « limits to growth ».
Eloi (#70),
Amusante théorie mais voilà 3 hypothèses extraordinairement optimistes, ou irréalistes, c’est selon. Quel sorte d’être intelligent peut en pratique supporter un voyage de 10000 ans dans un vaisseau spatial qui n’est rien d’autre qu’une boîte de conserve (à peine) améliorée ? Supposer que chaque vaisseau crée une colonie demande de supposer que chaque vaisseau rencontrera une planète colonisable, ce qui reste à voir (à ce jour il n’est pas confimé par les dernières données observationnelles que les mondes habitables, même au sens large, soient très nombreux). Et que chaque colonie envoie un vaisseau tous les 10000 ans demande que chaque colonie ait une civilisation qui dure plusieurs dizaines de milliers d’années, ce qui une fois encore n’est pas confirmé par les quelques données dont nous disposons. Avec des si on mettrait Paris en bouteille comme on dit. De toute évidence, les auteurs de ces publications n’ont pas examiné le problème avec une volonté de réalisme trop pointilleux; je doute fort qu’il y ait autre chose que le désir de capter l’intérêt du public, souvent très friand de ce genre de théorie mirifique, ou horrifique, c’est selon. Les E.T., c’est toujours porteur.
Ben (#71),
J’écouterai, ou plus probablement lirai cette conférence : il y a toujours du bon chez Crichton et ça change de la musiquette habituelle.
the fritz (#67),
Dans quelques millions ou milliards d’années, l’espèce humaine aura soit disparu soit évolué en une autre espèce ….
Ben (#71),
Je suis bien d’accord avec votre objection, on peut en ajouter plein, notamment le fait que la croissance soit tridimensionnelle au début, puis, lorsque l’épaisseur du disque est atteinte, bidimensionnelle (le Club de Galactic-Rome, où mènent toutes les routes interstellaires, ont prophétisé d’ailleurs une catastrophe démographique pour cette occasion). Si ce n’est pas très scientifique, on peut toutefois trouver cela intéressant, ne serait-ce que pour caractériser un peu à quoi ressemble notre Galaxie. Je pourrais essayer de faire une petite biblio si j’ai l’occasion.
jean l (#74),
C’est un exemple un peu simpliste, j’en conviens. Il serait toutefois difficile de faire des affirmations définitives.
Il peut y avoir plein de « raisons » :
* la boîte de conserve est un cylindre creux de 100 km de diamètre en rotation, et dont la surface interne est celle de la France. Il y a de quoi caser beaucoup d’occupations
* les voyageurs seraient en liaison permanente avec tout l’internet des autres colonies, permettant d’abreuver la boîte de conserve de créations culturelles produites par des milliards de milliards d’êtres,
* les voyageurs seraient cryogénisés, ou endormis au sein de gigantesques mondes virtuels
* il n’y a pas de voyageur dans la boîte de conserve, mais des robots transportant l’industrie lourde qui construiront l’habitat et que rejoindront ensuite des voyageurs dans un concorde un peu plus spatieux mais capable de faire le trajet en 10 ans
* il n’y a pas de voyageur, mais juste des semeuses robotisées, capable d’élever sur place une nouvelle civilisation
* les voyageurs habitent depuis des milliers d’années dans des comètes du nuage de Oort d’une étoile, et leur front de colonisation s’étendant peu à peu, rejoignent le nuage de Oort de l’étoile voisine
Ou toute autre explication qui vous plaira, puisqu’on est plus dans le domaine de la spéculation plaisante que de la science
Ce n’est pas forcément une planète : si vous songez aux Cylindres de O’Neill, rien n’empêche qu’ils en construisent des milliers en orbite. Il n’y a pas forcément besoin de peupler la surface d’un monde qui effectivement pourrait ressembler l’équivalent alien de Vénus.
En outre, si le vaisseau est si vaste qu’il est un monde à lui seul (ou s’il est constitué d’une flottille de 100 vaisseaux aussi vastes), il lui suffit d’arriver, se dupliquer, et de repartir ensuite, avec la moitié de la population qui veut partir, et de laisser sur place son double avec la moitié de la population qui préfère rester autour de ce nouveau soleil.
L’important n’est pas que la civilisation dure 10.000 ans. Elle peut consister en une multitude de civilisation qui grandissent et s’effondrent, qui s’affrontent, et qu’en moyenne, l’une d’entre elle émet un vaisseau tous les 10.000 ans.
Je ne pense pas que tout cela soit très sérieux. Mais cela dit si ces gens font ces choses à leurs heures perdues, ou sous le financement de fondations privées, on ne peut pas se plaindre que certains réfléchissent un peu à ce grand vide qui nous surplombe. Tout comme les Limits to Growth restent un calcul pas inintéressant dans le principe… tant qu’on ne cherche pas à en utiliser les résultats très douteux en les prenant pour vrais, ceci dans le but de nous taxer et de nous réprimer.
Eloi (#76),
Joli tout ça !
Si vous aimez les BD une très jolie série traite ce sujet…
Eloi (#76),
la boîte de conserve est un cylindre creux de 100 km de diamètre en rotation
C’est Rama !
Et on devrait l’appeler le cylindre Arthur C. Clarke, car il a écrit son bouquin avant. Et Rama est justement conçu pour le voyage intergalactique et l’habitation par une population nombreuse.
Murps (#77), Nicias (#78),
Il y a un fil assez hallucinant sur hardware.fr de quelqu’un qui essaye de dimensionner, sur des bases physiques, une gigantesque arche interstellaire. Bon je ne vais pas acheter des actions pour le projet (sauf peut-être à titre d’héritage pour mes descendants de l’année 3614), mais c’est une sacrée aventure intellectuelle de 60 pages