Climathon, semaine 27 : la dérèglementation climatique


Par le jury du climathon (Benoît Rittaud, MisO, Murps, Yanarthus, Gremsky, jipébé et TV).

Les trois nouveaux membres que compte désormais le jury du climathon (bienvenue à eux) n’ont pas été de trop pour faire face à la déferlante de propagande climatique de ces derniers jours. Amis lecteurs, vous aussi, rejoignez-nous (en envoyant un mail à benoit.rittaud@gmail.com) : le climathon est une corne d’abondance qui dispense tant de fruits que jamais trop nombreux ne seront les bras pour les cueillir.

Cette semaine de « canicule alerte orange » (un phénomène jadis appelé « été ») a été l’occasion de multiples récupérations utilisations pédagogiques par de grands professionnels de la météorologie et du changement climatique, au premier rang desquels on compte Claude Bartolone, foudroyant vainqueur de cette semaine 27 pour avoir carrément et doctement expliqué ceci (à 0’30), en réponse à une question du journaliste de France Info sur le pic de chaleur :

On voit bien que lorsque l’on parle de transition énergétique, eh bien là on voit ce que pourrait redonner ce dérèglement de la planète avec des pics de chaleur de plus en plus importants, une dérèglementation du climat avec toutes les conséquences que cela peut avoir.


Claude Bartolone : « Il faut sauver » Les Guignols par FranceInfo

On connaissait le « dérèglement« , les « bouleversements » et les « catastophes » climatiques (il ne faudra plus attendre longtemps « disruption« , ce nouveau mot à la mode hautement énervant), mais la dérèglementation climatique est une innovation considérable à porter au crédit du président de l’Assemblée nationale. Après la sortie de piste de Ségolène Royal sur le Nutella en semaine 25, Claude Bartolone a donc remis les pendules à l’heure en montrant qu’il faut toujours compter sur les politiques pour se maintenir au plus haut niveau, et que ceux-ci n’ont désormais plus peur du ridicule qui découle de l’incompétence.

Les accessits de la semaine

Bien que distancé cette fois-ci par les politiques français, Dieu lui-même n’en continue pas moins sa participation active au climathon par l’intermédiaire de ses représentants. Ainsi, après le succès mérité du pape François en semaine 25, l’asphalte surchauffée qui mène à la COP21 a vu défiler en trombe une dizaine de représentants de différents cultes qui ont invité François Hollande à jeûner avec eux pour assurer la réussite de la grand messe climatique de Paris de décembre. Le président, pourtant plusieurs fois nominé et vainqueur au climathon, aurait malheureusement décliné, sans doute pour ne pas sombrer dans l’écologie punitive. On espère qu’au moins, il aura incité son sémillant premier ministre à acheter quelques indulgences climatiques pour se faire pardonner sa petite virée berlinoise en Falcon.

Belle entrée de BFM TV au climathon cette semaine, avec cet article tout en nuances intitulé « Une étude prévoit la fin de la civilisation humaine pour 2040« . On y observe une fois encore les ravages de l’épidémie de peur exponentielle qui frappe à l’approche de Paris Climat 2015 :

Ces nouveaux modèles scientifiques (…) tablent sur un phénomène de réaction en chaîne causée par l’Homme et son environnement en mutation.

La Lloyd’s n’est pas en reste qui, toujours selon l’article, a publié un rapport selon lequel

Selon ces projections, il suffirait de trois catastrophes climatiques pour conduire à la réduction de la production et l’augmentation des prix, ce qui cristalliseraient (sic) des tensions à travers le monde et déstabiliseraient (re-sic) les gouvernements. « Des émeutes de la faim éclatent dans des zones urbaines au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Amérique Latine. L’euro faiblit et les bourses européennes et américaine chutent respectivement de 10% et 5% », écrit la société.

On admirera la précision des pronostics, même si, tant qu’à parler de l’évolution de l’euro, on aurait bien aimé que leur boule de cristal nous indique à l’avance le résultat du référendum grec.

Autre accessit pour cet appel de 36 lauréats du prix Nobel dont l’intérêt et la qualité, tant scientifique que littéraire, sont au moins dignes d’une dépêche AFP sur les négociations climatiques. On ne sera pas surpris de ne pas y trouver le nom de Jean Jouzel, notre climatologue d’État poursuivi par le prix (voir ici, puis ). En revanche, on s’étonne quelque peu de ne pas voir celui d’Al Gore. Par ailleurs, au vu du nombre considérable de nobélisés vivants, la planète ne pourra que s’indigner de constater que seuls 36 d’entre eux aient accepté d’apposer leur nom sur un texte qui, c’est sûr, changera la face du monde.

Les accessits rétrospectifs

Toujours sur la brêche, France Inter a poursuivi son offensive en s’attaquant au lien entre changement climatique et sauvegarde de la biodiversité. Pour ce vaste programme, tous les grands concepts scientifiques et économiques ont été convoqués, avec le réchauffement climatique en toile de fond sur laquelle se déployaient les terribles menaces. Le haut niveau de France Inter se lit dans la retranscription de l’interview du célèbre Christophe Cassou (qui s’était déjà illustré en semaine 3) sur les extinctions massives des espèces. La notion d’extinction d’espèces étant, il est vrai, extrêmement complexe, la radio a jugé bon d’insérer un exemple parlant :

Mais à chaque fois que nous avons eu le cocktail que l’on attend pour 2100 (…), on a eu des phénomènes d’extinctions massives [par exemple, les Incas] – alors que ces changements allaient assez doucement.

Les descendants des Incas seront peut-être surpris d’apprendre par la voix de France Inter qu’ils font désormais non seulement partie d’une espèce autonome distincte de l’espèce humaine, mais que, de plus, cette espèce est éteinte. Messieurs les descendants d’Incas, navré de vous le dire, mais vous n’existez plus.

France Bleue, la petite sœur de France Inter, n’a pas voulu être en reste. Elle s’est donc bravement attaquée aux conséquences du réchauffement climatique en Bretagne. Pour ce faire, elle a donné la parole à quelques Brestois triés sur le volet pour illustrer leurs préoccupations grandissantes devant le phénomène. Selon le premier interviewé, il y a davantage de soleil depuis 2 ou 3 ans, ce qui est en effet une cause conséquence bien connue du réchauffement climatique. Un agriculteur nord finistérien explique quant à lui que le réchauffement se traduit par des gains de rendement : on mettra cette sortie de virage sur le compte du trac, sachant qu’il se rattrape très vite en ajoutant que le réchauffement est « certainement négatif pour autre chose ». Il ne semble hélas pas en savoir plus. À quoi ça sert que 36 nobellisés se décarcassent ?

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