par Benoît Rittaud (alias Ben).
Suite à cet article critiquant une courbe erronée parue dans le numéro d'août de Science & Vie, le mensuel a publié une réponse dans son nouveau numéro. J'avais voulu espérer de la part d'Yves Sciama une réponse loyale, malheureusement le magazine a préféré donner dans la charcuterie.
Voici pour commencer ce que Science & Vie me fait dire :
Votre article sur les arguments des climatosceptiques (n°1175) présente une courbe montrant l'évolution des banquises à l'échelle du globe. Or, les années données sont : 1984, 1989, 1994, 1999, 2004, 2009,… et à nouveau 2009. Pourquoi ne pas la faire commencer en 1979 (date du début des mesures) ? Et pourquoi deux fois 2009 ? Vous jugerez sans doute bon de rectifier cette coquille, qui risque d'induire le lecteur en erreur sur l'évolution de la somme de glace de mer aux pôles. On sait très bien que contrairement à ce que semble montrer cette courbe, la somme des anomalies des banquises arctique et antarctique est assez stable au fil du temps, hors une légère baisse il y a quatre ans, résorbée depuis.
Benoît Rittaud, laboratoire Analyse, géométrie et applications (CNRS)
Je passerai rapidement sur le fait que Science & Vie n'est pas capable de faire la différence entre l'Université (je travaille à l'université Paris-13) et le CNRS : la différence entre ces deux structures de recherche est visiblement un peu trop compliquée pour certains journalistes scientifiques. Passons, car l'essentiel est ailleurs : ces mots qui me sont prêtés ne sont pas de moi. Voici in extenso le courrier que j'avais adressé à Science & Vie :
Bonjour,
En bas à gauche de la page 78 de votre dernier numéro (août 2015) se trouve une courbe qui présente l'évolution des banquises à l'échelle du globe. Celle-ci me semble incomplète. L'explication du problème est présentée sur mon blog à l'adresse
Vous jugerez sans doute bon de rectifier cette coquille, qui risque d'induire le lecteur en erreur sur l'évolution de la somme de glace de mer aux pôles. Je me tiens à votre disposition pour toute précision, et vous remercie de m'indiquer la suite que vous voudrez bien donner à ce courrier.
Bien cordialement,
Benoît Rittaud.
En écrivant cette lettre, je pensais qu'ils rectifieraient d'eux-mêmes leur coquille, avec un petit mot de remerciement pour celui qui leur avait signalé. Je n'espérais certes guère qu'ils aient le courage de mentionner l'existence de l'article de MM&M où je détaille ma critique (y faudrait quand même pas faire de pub aux négationnistes climatiques, hein). Mais j'étais loin d'imaginer qu'ils profiteraient de la forme de mon courrier pour aller piocher dans l'article de MM&M une phrase ici et une phrase là, choisies à peu près n'importe comment et avec pour effet principal de diluer ma critique et de la rendre insignifiante.
S&V s'est laissé aller à un charcutage de mon article qui, in fine, a pour effet de laisser croire que ma critique portait d'abord sur leur erreur dans les abscisses. Et ce alors même qu'Yves Sciama avait été prévenu explicitement par mes soins qu'il s'agissait là d'un contresens de sa part.
Les malcomprenants de S&V, vous êtes là ? Oui ? Alors lisez bien ceci et essayez de vous le mettre enfin dans le crâne : votre erreur sur les abscisses est bénigne et n'a jamais été davantage pour moi qu'un indice pour comprendre en quoi votre courbe était erronée. N'importe quel lecteur un peu attentif avait pu s'en rendre compte. Les moins attentifs, eux, avaient pu lire ma mise au point dans ma réponse à Yves Sciama. Le vrai problème que j'ai voulu soulever, c'est qu'en coupant votre courbe avant la fin, vous obtenez une évolution baissière qui est contredite par les données ultérieures. Est-ce vraiment là quelque chose d'aussi difficile à comprendre que la différence entre l'Université et le CNRS ?
La fin des propos composites de ce "Benoît Rittaud du CNRS", quant à elle, omet bêtement de préciser que la stabilité de la somme arctique+antarctique provient de la courbe citée par S&V lui-même. Le problème central n'a jamais été de savoir si cette courbe est contredite par d'autres, il est que quand on montre une courbe, on la montre jusqu'au bout, même si elle ne va pas dans le sens qu'on voudrait. Or non seulement, dans sa réponse, S&V ne montre pas cette courbe complétée (ce qui serait la moindre des choses), mais va jusqu'à refuser d'admettre l'existence du problème. Voici leur réponse complète à "Benoît Rittaud du CNRS" :
La courbe présentée va en effet de 1979 à 2009, et non de 1984 à 2009 comme nous l'indiquions par erreur. En dépit de cette coquille regrettable, nous maintenons notre analyse : la progression des glaces antarctiques ne compense pas la régression des glaces arctiques ; et la surface des glaces de mer s'est nettement réduite depuis le début de l'ère satellitaire (1979). De nombreuses autres sources universitaires ou gouvernementales, dont l'agence spatiale japonaise Jaxa ou le Centre américain de données sur la neige et la glace (NSIDC), montrent que la baisse en Arctique n'est pas compensée par la hausse en Antarctique.
Même si les chiffres diffèrent en raison de la complexité des mesures (variation toute l'année des glaces de mer, désaccords sur le mode de comptabilisation, etc.), tous les climatologues s'accordent sur la tendance et reconnaissent que la surface des glaces de mer diminue depuis trente-cinq ans. Le volume de ces glaces s'est en outre réduit encore plus que leur surface, car les glaces arctiques, celles qui disparaissent, sont les plus épaisses.
Monsieur ou madame Science & Vie, par cette réponse vous montrez que vous vous méprenez sur le sens des mots. En effet, ici vous ne "maintenez" pas votre analyse : vous tentez de la prolonger en intégrant des arguments supplémentaires qui ne figuraient pas dans votre article initial, tout en omettant de répondre à la critique qui vous est adressée. Dans celui-ci, vous donniez une courbe à l'appui de vos dires qui se trouvait être incomplète : la seule attitude raisonnable, une fois informé de l'erreur, aurait été de montrer la courbe entière. Vous ne l'avez pas fait, préférant vous rabattre sur d'autres choses telles que le "consensus" des climatologues ou le volume de glace (alors qu'il n'était question que de surface dans votre article).
En un mot : vous n'avez pas fait face à votre erreur initiale, tout en vous donnant l'avantage facile du dernier mot. Ce n'est pas à votre honneur.
27 réponses à “Les charcutages de Science & Vie”
Je ne suis pas abonné à S&V mais je le suis à La Recherche.
La rédaction de La Recherche est complètement « réchauffiste ».
Voir un titre du N° 500 juin 2015: « Les climato-sceptiques à l’assaut de l’Académie des sciences ».
Je cite le début de l’article de Yves Sciama, journaliste:
« L’académie des sciences pourrait bien accéder prochainement à une notoriété mondiale; hélas, pas pour le succès scientifique de ses membres, mais à cause de ce qui, depuis huit ans, y empoisonne l’atmosphère: la question climatique. ….. »
Notez le « hélas ». La reste est dans la même ligne.
Il n’y a rien de scientifique dans l’article de 4 pages, ce n’est que du dénigrement.
Dans d’autres N° antérieurs c’est du même tonneau.
ISARD (#1), Les journalistes ne comprennent pas que la science, c’est l’art du doute et que TOUTES les théories méritent d’être exposées, débattues, critiquées, validées ou invalidées. C’est ainsi que progresse la recherche. Mais quand on décide que la « science is settled », il ne s’agit plus de science mais d’activisme. Et les deux ne font pas bon ménage. D’ailleurs, quand un scientifique est affilié au WWF ou à une autre association militante, il perd toute crédibilité, car il s’engage alors dans la voie de l’idéologie. Et c’est là qu’il faut les attaquer, sur le terrain des « nobles idéaux », de la morale et des idées que n’auraient pas reniées les pires dictateurs du XXe siècle.
Il ne s’agit pas d’idéologie ( à mon avis , évidemment ) mais de besoin de financements .
Sandra (#2), CK66 (#3), il s’agit bien d’idéologie pour les premiers couteaux, les plus virulents. Pour les seconds couteaux il peut s’agir d’ignorance, de besoin de mise en valeur et de besoin financements.
Ca c’est en théorie. En pratique, il passe à la télé et ses arguments ont beaucoup plus de poids.
Sandra (#2),
Sandra , dans ma campagne chrétienne et traditionnaliste, toute la cure et tous les pasteurs militent avec ATTAC contre le RCA, le CO2 et les climato sceptiques ; pour eux , le but c’est de ramener dans le giron , tous ces pèlerins qui au lieu d’aller à l’église le dimanche matin , allaient à la pêche , à la partie de pétanque ou à l’apéro et oubliaient le denier du culte : l’idéologie catastrophiste des adeptes de la scientologie giécienne et son financement ne reculent même pas devant le blasphème de la science et comme dit Murps , les médias sont devenus les missi dominici de cette nouvelle religion et de ce nouveau pouvoir
the fritz (#5),
C’est écrit tel quel ? Est-ce une déclaration de guerre ?
A mon avis, il va y avoir quelques défections dans les rangs de l’Église.
Bernnard (#6),
Je n’ai pas lu l’évangile d’ATTAC; mais comme je suis maso , quand il y a des animations avec stand ATTAC je vais les provoquer un peu ; pour l’instant ils racolent peut-être dans les rangs de l’Eglise soutenus comme ils sont par les encycliques
Bernnard (#6),
Tiens , Michel Gay est d’accord avec moi
http://www.contrepoints.org/20…..-et-climat
the fritz (#8),
Triste constat !
Sandra (#2),
il n’ay pas que le wwf il y a des cautions scientifiques aux politiques, je viens de vois un reportage..sur les moustiques…
bon…
il y a des gens qui n’aiment pas insecticides ils on mis des aspirateurs à moustiques…
ça a l’air de limiter la population de moustiques…bon, les gens sont ..contents..
et là il arrive le nécessaire écologues qui nous explique que de tuer les larves de moustiques avec des insecticides c’est mal…car les larves de libellules qui boulottent les larves de moustiques meurent de faim…
sauf que… le dit scientifique devrait surtout dire que tout ce qui limite la population de moustiques limite autant celle des prédateurs des moustiques…aspirateur ou insecticide..
dans l’affaire la seule question est de ne pas zigouiller tous les moustiques pour maintenir » un certain nombre » de libellule chauves souris ou hirondelles…mais d’en zigouiller assez pour que les gens et les touristes ne se barrent pas..
Ce type sans doute payé par les politiques me semble donner un caution à un choix sans doute décidé par les politiques et subventionné par les politiques pour limiter la population de moustiques..et justifier la non utilisation d’insecticide moins cher…plus simple ( et qui sera utilisé sans retenue dès que . »ça dépasse les bornes les moustiques « ou que un cas de maladie exotique est trouvé dans le coin)..
j’explique peut être assez mal le malaise que je ressens à voir un « scientifique » distordre la vérité ç des fins politiques sans en avoir l’air…
the fritz (#7), J’ai cru voir qu’ATTAC a sorti un livre concernant SA vérité sur le climat. Je n’ai pas osé l’acheter (en réalité je préfère garder mes sous pour des choses plus utiles et réalistes…)
Qu’est-ce que je disais ? Pourquoi chercher à prendre pour une erreur ce qui est de la malhonnêteté ?
L’attitude de S&V n’est certes pas scientifique, mais elle est affreusement et banalement « humaine » : j’ai commis volontairement une indélicatesse pour faire converger les foules vers la propagande COP21, j’ai été assez bête en laissant au passage une erreur qui a permis à quelqu’un de mesurer toute ma malhonnêteté, je me rattrape aux branches en faisant semblant de comprendre l’objection tout en la minimisant jusqu’à la rendre anecdotique, et sauver ainsi la face.
Ce schéma s’applique à bien d’autres sujets que le climat. Mais dans le cas du RCA, je crois que jusqu’à la COP21, il sera difficile d’obtenir le moindre dialogue sensé et dépassionné de la part des médias français qui se sont officiellement déclarés réchauffistes.
Un pas de plus vers la malhonnêteté.
S’il avait vraiment voulu présenter honnêtement les thèses sceptiques, il l’aurait fait avec les données qui défendent le mieux ces thèses ou en tous cas aussi avec ces données. Par exemple pour « la pause », il n’aurait pas pris la dernière mouture de la température moyenne globale de la NOAA qui est celle qui monte le plus mais Hadcrut ou RSS et UAH. Ce dossier sur les arguments sceptiques est complètement hypocrite.
Lire à ce propos l’article de Judith Curie sur une récente passe d’arme entre Krugman et Romer :
The adversarial method versus Feynman integrity
Des méthodes d’avocats lors d’un procès.
On pourrait en dire autant des sceptiques qui ne présentaient que RSS et ignoraient UAH qui jusqu’à récemment ne montrait pas de « pause ».
Nicias (#14),
Il y a eu récemment une mise jour des températures UAH, mais absolument rien qui remettent en cause la tendance, ou ne se mettent à vouloir battre RSS dans la baisse.
D'ailleurs, la "pause" ne peut se justifier que sur la durée, et UAH montrait déjà avant sa version 6, une stabilité des températures, et bien inférieures aux modèles et prévisions.
http://wattsupwiththat.com/201…..e-updates/
Nicias (#15), Et de penser que nous avons eu le clown de service pour menacer Ben quand son billet original est sorti…
amike (#16), Sud-Ouest fidèle à sa réputation, soutient la thèse de la poursuite … amplifiée … du réchauffement http://www.sudouest.fr/2015/09…..06-706.php
Il va y avoir du boulot pour le Collectif !
Nicias (#15)
Oui, excellent article en effet de Judith
CurieCurry.Je serais bien curieux en passant de voir comment Feynman, l’un des physiciens les plus extraordinaires de tous les temps, qui peu avant sa mort, avait encore dû mettre les pieds dans le plat au Congrès américain pour faire toute la lumière sur la cause du désastre de la navette spatiale en 1986, réagirait face au délire climatique et collectif actuel.
Tsih (#19),
Au temps pour moi pour « Curie ». J’ai fait des coquilles plus vexantes.
Je ne sais pas du tout ce qu’il en aurait pensé. Par contre on aurait bien besoin du « Great explainer » ici, quel que soit sa position sur le sujet.
Nicias (#20),
Skyfall est en plein dans « l’adversarial science » puisqu’on essaye de contrebalancer ce qui est présenté dans les médias. Un peu à la manière de Fox news qui se construit contre les « biais libéraux » des autres médias. C’est un jeu dangereux.
Tsih (#19), Feynman, je suis de son fan club, j’ai ses cours de physique en livre de chevet.
Sinon, parfois la vieillesse est un naufrage et on aurait peut-être été désagréablement surpris, mais avec le Feynman de la grande époque, le Feynman de « it’s wrong ! » et du discours de Caltech avec le passage sur le culte du cargo, c’était dans la poche.
Murps (#22)
J’ai aussi encore son célèbre cours, c’était aussi un enseignant exceptionnel.
Feynman était de la génération de Dyson, ils se sont très bien connus et ont travaillé ensemble.
Personnellement, je ne doute guère qu’il aurait fait partie, comme Dyson, des sceptiques et c’était plutôt sur la façon dont il aurait « mis les pieds dans le plat » que portait ma curiosité.
Tsih (#23), un petit coup d’oeil à un des chapitres de « Vous voulez rire Mr. Feynman », lorsqu’il décrit ses réactions à la lecture des bouquins de physique à destination des collégiens…
Murps (#24)
Feynman ne s’en laissait pas conter et n’hésitait décidément pas à mettre les pieds dans le plat pour ridiculiser la connerie institutionnelle.
Amusant aussi sa consultation chez les psychiatres et le verdict prononcé de « déficience », rapportés aussi je crois dans le livre.
Ici en version originale
Murps (#24), Tsih (#25),
Les principes de la science sont dévoyées par une quantité énorme de scientifiques depuis des dizaines d’années dans de nombreuses disciplines.
Demander qu’ils soient rétablis en les justifiant par ce qu’a exprimé Feynman dans ses conférences me semblerait une opération nécessaire et salutaire
chercheur (#26),
dévoyés, est plus juste…