Comment les lois sur le climat pourraient disparaître

Par Matthew Philips Mark Drajem et Jennifer A Dlouh, traduction par Scaletrans

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Obama s’est servi de calculs ésotériques pour concocter ses règlements. Trump pourrait s’en servir pour les défaire.

En février 2009, un mois après que Barak Obama ait pris ses fonctions, deux universitaires se sont assis face à face dans la salle à manger de la Maison Blanche. Sur un sandwich club, Michael Greenstone, économiste de la Maison Blanche et Cass Sunstein, le chef de la réglementation d’Obama, décida que l’exécutif avait besoin d’estimer les dommages économiques du changement climatique. En pleine récession, ils étaient à juste titre sceptiques quant aux chances que le Congrès approuve une loi fédérale de plafonnement et d’échange (cap and trade). Greenstone et Sunstein savaient qu’il leur fallait un Plan B : un moyen de réguler les émissions de carbone sans avoir à passer par le Congrès.

L’année suivante, une équipe d’économistes, scientifiques et juristes du gouvernement fédéral convenaient de se réunir pour établir le coût économique des émissions de carbone. Quel que soit le montant trouvé il serait utilisé pour déterminer les objectifs des règlements dans le but de réduire les dommages dus au changement climatique. Plus l’estimation serait élevée, plus les dispositions en vue de solutionner le problème seraient coûteuses. Après une année passée à modéliser différents scénarios, l’équipe parvint à un montant central de $21 la tonne, c’est-à-dire que d’après leurs calculs, chaque tonne de carbone émise dans l’atmosphère coûtait $21 à l’économie. Ce coût s’est élevé depuis à $40 la tonne.

Ce calcul, connu comme Coût Social du Carbone (SCC), sert de base à la plupart des règlements climatiques imposées par la Maison Blanche ces huit dernières années. De la limitation des émissions de carbone des centrales à la réduction de la consommation électrique d’une horloge digitale sur un four à micro-ondes, le SCC a donné à l’administration Obama la justification légale pour affirmer que les avantages de ces réglementations pour la société surpassent les coûts imposés à l’industrie.

Il s’avère que les mêmes calculs avancés pour justifier en grande partie l’agenda climatique d’Obama pourraient être utilisés par le Président-élu Donald Trump pour en annuler une part significative. Comme Trump nomme des gens qui favorisent les carburants fossiles et s’opposent aux règlements climatiques à la tête de son cabinet, y compris l’Attorney Général Scott Pruitt de l’Oklahoma à la tête du Département de l’Énergie, il semble clair que l’un de ses objectifs principaux sera de démanteler la plus grande partie de la législation climatique et d’énergie propre d’Obama. Il semble déjà se concentrer sur le SCC.

Le Coût Social du Carbone étaye une grande partie de la politique climatique d’Obama.

Le 7 décembre, le Département de l’Énergie a reçu un mémo de l’équipe de transition de Trump posant une litanie de questions dont beaucoup étaient consacrées à l’identification des employés d’agences et d’entreprises ayant travaillé sur les réglementations climatiques. Parmi ses 74 questions, le mémo comprend un certain nombre de demandes détaillées à propos du Coût Social du Carbone : qui travaillait dessus, quelle méthodologie était employée pour le calculer, et quels courriels et documentation associés pourrait être fournie. (Un officiel de l’équipe de transition de Trump désavoua plus tard le mémo, déclarant à CNN qu’il “n’était pas autorisé.”)

Trump ne peut défaire le SCC d’un claquement de doigt. Il y a une jurisprudence bien établie exigeant que le gouvernement tienne compte de l’impact du carbone, et s’il se contentait de l’abroger, les environnementalistes poursuivraient presque certainement en justice. “Malheureusement, vous ne pouvez pas simplement déraciner cette chose”, dit Mario Lewis, un Senior Fellow au Competitive Enterprise Institute (CEI), un think tank promouvant le libre marché à Washington. “Bien que cela serait vraiment une grande idée du point de vue des avantages, il faudrait s’occuper des procès qui seraient engagés.”

Pour Trump, il y a d’autres moyens détruire le SCC. En ajustant quelques hypothèses et calculs concoctés dans son modèle, l’administration Trump pourrait très bien le rendre non pertinent, ou même le déformer au point que les émissions de carbone apparaissent comme bénéfiques et non représenter un coût.

Les modèles SCC reposent sur un “taux d’escompte” présentant le préjudice du réchauffement global en dollars actuels. Plus le taux d’escompte est élevé, moins l’estimation du préjudice est élevée. C’est parce que les coûts induits par la combustion du carbone résident essentiellement dans un futur éloigné, dont les bénéfices (chaleur, électricité, etc.) s’appliquent aujourd’hui. Un taux d’escompte élevé rétrécit l’estimation des coûts futurs mais n’affecte pas les bénéfices du présent. L’équipe formée par Greenstone et Sunstein utilisait un taux de 3 pour cent en lien avec son estimation centrale de $21 par tonne pour le dommage infligé par le carbone. Mais changer ce taux juste à la marge génère de grands changement dans le coût global du carbone, faisant d’un chiffre qui entraîne de grands changements en tout, depuis les appareils jusqu’au décisions concernant le charbon quelque chose qui n’aurait qu’un faible impact ou aucun impact sur la politique.

Selon une mise à jour gouvernementale en 2013 sur le SCC, en appliquant un taux d’escompte de 5 pour cent, le coût du carbone en 2020 ressort à $12 la tonne ; avec un taux de 2,5 pour cent, c’est $65. Un taux d’escompte de 7 pour cent, tel qu’utilisé par l’EPA pour d’autres analyses réglementaires, pourrait amener un coût négatif du carbone, ce qui semblerait impliquer que les émissions de carbone sont bénéfiques. “Lorsque vous commencez à regarder de près comment les chiffres sont obtenus, je ne peux imaginer que quiconque puisse penser que cela ait quelque chose à voir avec la réalité”, dit Daniel Simmons, vice président pour la politique à l’American Energy Alliance et membre de l’équipe de transition de Trump dévolue au Département de l’Énergie. “Selon le taux d’escompte, vous passez d’un chiffre élevé à un chiffre négatif, avec quelques hypothèses raisonnables.”

Greenstone, qui a quitté la Maison Blanche en 2010 et enseigne maintenant l’économie à l’Université de Chicago, assure que son équipe a fonctionné en s’imposant un “voile d’ignorance” et pris des décisions sans essayer de donner une valeur finale plus ou moins élevée au carbone. Il concède que la fourchette de valeurs à attribuer au carbone est large mais il dit qu’en tout état de cause, elles sont trop conservatrices dans leurs estimations et qu’elles devraient être plus élevées. “Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas l’écrire sur un coin de table que le Coût Social du Carbone n’est pas réel,” dit Greenstone.

La plupart des décideurs politiques sérieux croient que le SCC est un concept valide, dit Jeff Holmstead, un ancien cadre supérieur de l’EPA sous George Bush. “Le problème est que le chiffre est si malléable que vous pouvez presque y mettre ce que vous voulez.” Lui donner une valeur spécifique, dit Holmstead, “est attribuer une précision artificielle à quelque chose de hautement incertain.”

Un autre problème pour ceux qui doutent du SCC de l’administration Obama : il estime les coûts et bénéfices globaux des émissions de carbone au lieu de se concentrer juste sur l’impact sur les USA. Les critiques soutiennent que cela renchérit considérablement plus le coût du carbone que si le calcul se limitait aux USA ; cela abaisserait le coût de plus de 70 pour cent, dit Lewis du CEI. Mais pour certains, cela a du sens de faire une estimation globale car le changement climatique est mondial. “C’est de l’économie de base que de protéger les biens communs et les ressources naturelles que nous partageons tous,” dit Kenneth Gillingham, qui fut économiste principal au Council of Economics Advisers à la Maison Blanche en 2015 et enseigne maintenant l’économie à Yale.

Pourtant, en réduisant le calcul aux USA, Trump pourrait certainement obtenir un coût de carbone plus bas. Interrogé par un courriel pour savoir si la nouvelle administration élèverait le taux d’escompte ou réduirait le périmètre aux USA, une personne influençant la politique énergétique et environnementale de Trump à répondu, “Qu’est-ce qui nous empêche de faire les deux ?”

A un sommet sponsorisé par l’Heritage Foundation et la Texas Public Policy Foundation le 8 décembre, David Kreutzer, un agrégé supérieur de recherche en économie énergétique et en changement climatique à l’Heritage, et membre de l’équipe de transition de Trump pour l’EPA, a exposé l’un des arguments principaux contre le SCC. “Que vous le croyiez ou non, ces modèles regardent l’année 2300. C’est comme si vous demandiez, ‘Si vous allumez la lumière aujourd’hui, quel dommage cela créera en 2300 ?’ C’est bien au-delà de ce que l’on peut demander à un modèle macro économique.”

Pour les économistes du climat, cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas essayer. Frances Moore, professeur assistant à l’Université de Californie à Davis, a co-écrit un article qui suggère que le coût du carbone devrait être beaucoup plus élevé, plus proche de $200 la tonne, soit environ cinq fois l’estimation actuelle. “Il s’agit de savoir si vous accordez de l’importance au futur,” dit-elle. “Choisir un chiffre plus bas signifie en soi que vous n’en tenez pas compte. ”

 

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1.  Nicias | 2/01/2017 @ 17:28 Répondre à ce commentaire

Pour information, le taux d’escompte de 3% est celui utilisé en France pour les déchets nucléaires.

2.  Abitbol | 2/01/2017 @ 18:47 Répondre à ce commentaire

Pour Trump, il y a d’autres moyens détruire le SCC

il manque qqch… un « pour » détruire… par exemple

3.  Abitbol | 2/01/2017 @ 18:48 Répondre à ce commentaire

Selon Trump, il y a d’autres moyens pour détruire…

4.  Roby W | 2/01/2017 @ 23:56 Répondre à ce commentaire

Lrci.

La suite (Social Cost of Carbon) toujours sur Bloomberg, avec Nordhaus et les modèles économiques. Une vieille histoire.

http://m.phys.org/news/2016-12.....nsive.html

Et au passage, on apprend que c’est l’Academie Nationale des Sciences qui est en train de determiner la nouvelle évaluation du SCC. Un rapport est attendu.

5.  scaletrans | 3/01/2017 @ 10:46 Répondre à ce commentaire

Roby W (#4),

Nordhaus fait partie de ces « sachants » raidis dans leurs certitudes et distribuant des leçons avec libéralité du haut de leur chaire. We are fed up !

6.  Roby W | 3/01/2017 @ 18:23 Répondre à ce commentaire

scaletrans (#5), surtout que le SCC, c’est aussi scientifique que le rapport du groupe 5 du GIEC.

C’est assez drôle, on part d’un rapport (groupe 1) scientifiquement contestable, pour arriver à quelque chose d’aussi scientifique que l’analyse des coûts, et aux mesures qui s’imposent. Et même l’Academie des Sciences (US) se commet dans ce genre de cuisine.

Je fais une disgression : ça promet pour la gouvernance algorithmique, « scientifiquement » basée sur des données et … des modèles qui émergent « naturellement » des données.

7.  Roby W | 3/01/2017 @ 18:25 Répondre à ce commentaire

scaletrans (#5), surtout que le SCC, c’est aussi scientifique que le rapport du groupe 5 du GIEC.

C’est assez drôle, on part d’un rapport (groupe 1) scientifiquement contestable, pour arriver à quelque chose d’aussi scientifique que l’analyse des coûts, et aux mesures qui s’imposent. Et même l’Academie des Sciences (US) se commet dans ce genre de cuisine.

Je fais une disgression : ça promet pour la gouvernance algorithmique, « scientifiquement » basée sur des données et … des modèles qui émergent « naturellement » des données.

8.  Roby W | 3/01/2017 @ 18:44 Répondre à ce commentaire

Le SCC est l’Afrique sahélienne

De nombreuses publications de rang A, comme des rapports (littérature « grise ») ou des déclarations des uns et des autres (Science Main Stream) pointent la dispersion des modèles du GIEC sur l’Afrique de l’Ouest.

Alors, comment peut-on estimer les impacts de l’hypothèse du RCA sur l’Afrique de l’Ouest, comme le coût social ? Nous aurait-on menti ? Par omission ?

Science is settled.

9.  yvesdemars | 3/01/2017 @ 20:00 Répondre à ce commentaire

Roby W (#6),

c’est pour cela que Richard Tol a démissionné de ce groupe dont il était lead author il considérait que l’impact économique du RCA ne prenait pas en compte les effets bénéfiques

10.  Sylvestre | 8/01/2017 @ 16:21 Répondre à ce commentaire

http://www.lemonde.fr/planete/....._3244.html

Qu’en pensez-vous ?

11.  papijo | 8/01/2017 @ 16:25 Répondre à ce commentaire

Sylvestre (#10),
Et la variabilité météorologique de ces jours-ci, elle vous inspire quoi ?

12.  Cdt Michel e.r. | 8/01/2017 @ 19:06 Répondre à ce commentaire

Sylvestre (#10),

Quand je vois qu’un article est signé par S. Foucard ou S. Huet, je zappe.
Ces gens sont des petits soldats de la cause climatique. Aller sur leurs blogs, c’est une perte de temps et leur faire trop d’honneur.
Argumenter avec eux, autant essayer de convaincre un témoin de Jéhovah.

13.  Christial | 8/01/2017 @ 20:15 Répondre à ce commentaire

Cdt Michel e.r. (#12),
On peut quand même le lire pour s’amuser à relever certaines des énormités qu’il profère, juste pour le fun

Par exemple :
« le réchauffement ne s’est nullement arrêté en 1998 – contrairement à une légende entretenue par les réseaux climatosceptiques »
Et plus tard :
« Les chercheurs de la NOAA ont identifié ce biais et corrigé leurs données. Légèrement, mais suffisamment pour que le « hiatus », la fameuse « pause du réchauffement » soit beaucoup moins évidente. »
. En fait de légende entretenue par les réseaux climatosceptiques, c’est bien le GIEC lui-même qui parle de hiatus, les climatosceptiques parle plutôt, question de vocabulaire car c’est le même phénomène, de plateau.

Ou encore :
« Zeke Hausfather et ses collègues ont entrepris de réévaluer la température des océans en se fondant uniquement sur les données des engins flottants ou dérivants, et en comparant le résultat avec des données obtenues par satellite. »
Foucard ne fait jamais référence aux observations par satellite et pour cause, elles montrent le plateau de température ! Sauf ici quand ça l’arrange sur un détail particulier.

Mais l’essentiel n’est pas là.
Plateau ou légère montée, on s’en fiche, l’important est que la théorie réchauffiste repose sur les seuls modèles informatiques et qu’on est en train de sortir complètement des clous, des prévisions les plus basses.
Judith Curry pense que d’ici 2 ou 3 ans le château de carte pourrait s’écrouler ; une autre grand climatologue, Hans von Storch, renvoyait dans les mêmes eaux, à 2020.
http://reinformation.tv/hans-v.....eles-faux/

14.  math | 8/01/2017 @ 21:04 Répondre à ce commentaire

Christial (#13),
Donc la pause :
1) est un mythe
2) les chercheurs ont identifié ce mythe qui devient réalité
3) ils ont changé de méthode de calcul pour le faire disparaitre.
4) le mythe redevient mythe

C’est beau non ?

15.  Cdt Michel e.r. | 8/01/2017 @ 21:15 Répondre à ce commentaire

Christial (#13),

Judith Curry pense que d’ici 2 ou 3 ans le château de carte pourrait s’écrouler ; une autre grand climatologue, Hans von Storch, renvoyait dans les mêmes eaux, à 2020.

Le château de cartes étant bâti sur du sable, je ne pense pas qu’il va résister longtemps à la tempête Trump qui va souffler sur les U.S.A d’ici une dizaine de jours.

16.  François | 8/01/2017 @ 21:39 Répondre à ce commentaire

Sylvestre (#10),
Ce qu’il y a de rigolo, c’est que TOUTES les « corrections » qui ont été apportées sur les températures (dans ce cas comme dans d’autres), l’ont été dans le sens d’une hausse. On en a ici un exemple flagrant. Après avoir montré que les mesures de températures de l’eau avant les balises dérivantes ont été surestimées (ce qui est possible), qu’a-t-on fait? On a relevé les températures des balises pour les faire coller avec celles d’avant… Il aurait été probablement trop simple de corriger les mesures erronées antérieures en les baissant. Il est à noter que les « corrections » de température pour l’effet d’îlot urbain ont suivi le même procédé: relever des températures justes plutôt que de baisser les fausses…
Alors, pour répondre à votre question: Ce que j’en pense? MANIPULATION!

17.  Christial | 9/01/2017 @ 9:50 Répondre à ce commentaire

Cdt Michel e.r. (#15),
Les réchauffistes, pour faire durer le plaisir, ont embrigadé le El Nino 2016 mis sans vergogne sur le compte du CO2, avec juste un minimum (parfois) de précautions oratoires.
Le problème avec ces oscillations, c’est que les profiteurs de la juteuse affaire RCA doivent reprendre sur le même compte CO2, l’actif et le passif, donc la petite sœur La Nina. Et voilà le plateau de température qui repointe son vilain nez.