Claude C avait commencé la traduction d’un texte où JC expliquait les raisons de sa démission. Scalestrans m’a transmis la traduction finale.
La voilà:
Par Judith Curry
Traduction Claude C et Scaletrans
À effet du premier janvier, j’ai démissionné de mon poste de professeur titulaire à Georgia Tech.
Avant de revenir sur un tas de sujets, laissez-moi d’abord répondre à une question qui peut vous avoir traversé l’esprit : je ne prévois pas de rejoindre l’administration de Trump (ha ha).
Techniquement, ma démission est une prise de retraite, puisque, étant au régime des enseignantes et enseignants de Georgia State, je dois me retirer de Georgia Tech pour obtenir ma pension (bien que je n’aie encore que 65 ans !). J’ai demandé le statut de professeur émérite.
Donc, j’ai quitté Georgia Tech, et je n’ai pas l’intention de chercher un autre poste académique ou administratif dans un organisme universitaire ou un gouvernement. Cependant, je ne suis pas prête à stopper ma vie professionnelle.
Pourquoi ai-je démissionné de mon poste de professeur titulaire ?
J’ai publié 186 articles dans des revues et deux livres. La raison principale de cette décision est que je veux me consacrer à autre chose, n’ayant plus besoin de mon salaire universitaire. Cela ouvre donc une opportunité pour Georgia Tech de créer un nouveau poste (voir annonce).
Les raisons profondes viennent de mon désenchantement croissant envers les universités et les scientifiques notamment dans le domaine des sciences du climat.
J’ai été à l’école depuis l’âge de 5 ans. Jusqu’à ce qu’il y a peu, je considérais le poste de professeur titulaire dans une grande université comme un travail de rêve et ne pouvais imaginer de faire autre chose.
En dehors de la trajectoire de ma carrière personnelle et les “chocs” qui débutèrent avec nos ouragans, les publications sur le réchauffement climatique et l’énorme événement du Climategate en 2009/2010, j’ai trouvé que les universités ont beaucoup changé ces 5-10 dernières années.
Au départ, je pensais que les changements que je voyais étaient dûs à un changement dans la haute administration (Président, Recteur, etc.). Le nirvana académique sous la précédente administration de Georgia Tech de Wayne Clough, Jean-Lou Chameau et Gary Schuster était exigeant.
Mais je commençais alors à réaliser que les universités et le monde universitaire se transformaient de façon considérable et je suis tombée récemment sur un article qui exprimait en fait ce qui n’allait pas : les universités commencent à ressembler à des rossignols mécaniques.
Le système de récompense mis en place pour les membres du corps professoral de l’université est de plus en plus contre-productif et ne permet plus aux élèves d’être capables de penser par eux-mêmes et de faire face au monde réel, et ainsi élargir les frontières de la connaissance d’une manière significative, notamment dans le domaine du changement climatique. J’ai écrit suffisamment sur ce sujet avant, je n’y reviendrai pas ici.
Alors, pourquoi ne pas essayer de changer le système de l’intérieur ? Hé bien, ce n’est pas cette bataille que je voulais engager, en dehors de toute décision réaliste de vouloir traquer la bête qui pèse à l’intérieur.
Ou bien s’agit-il d’un cas de ‘mauvais pantalons’ pour ce qui me concerne. Simplement, je ne considère plus les universités comme étant le bon choix pour moi (Note : ce n’est pas une critique ciblée sur Georgia Tech, qui est mieux que la plupart des autres universités). Il est temps pour moi de quitter la tour d’ivoire.
Le facteur décisif est que je ne sais plus quoi conseiller aux étudiants et post-doctorants en ce qui concerne leur façon de se positionner dans la FOLIE du domaine de la science du climat. Les activités de recherche et d’autres activités professionnelles ne sont récompensées que si elles sont canalisées dans certaines directions approuvées par un établissement académique politisé permettant : financements, publications d’articles facilitées, embauches à des postes prestigieux, nominations à des comités et conseils renommés, reconnaissance professionnelle, etc.
Conseiller de jeunes scientifiques pour naviguer dans ce système est au-dessus de mes forces, car cela se transforme souvent en bataille pour l’intégrité scientifique et équivaut à un suicide de carrière (je travaille ces questions avec un certain nombre de jeunes scientifiques sceptiques).
Permettez-moi de vous faire part d’un échange que j’ai eu avec une post doctorante il y a environ un mois. Elle voulait me rencontrer, en tant que lectrice assidue de mon blog. Elle travaille dans un domaine pertinent de la science du climat, mais elle n’a pas l’attitude d’un scientifique actuel du climat, car elle se questionne et doute tout le temps à propos du réchauffement climatique, et ne sait pas quoi dire, car des sujets comme l’attribution [NDT: des effets ?], etc. ne sont pas des sujets qu’elle explore comme scientifique.
WOW, une scientifique qui connaît la différence ! Je lui ai conseillé de garder la tête froide et continuer à faire la recherche qu’elle estime intéressante et importante, en restant en dehors du débat sur le climat, SAUF si elle décide de poursuivre sa démarche intellectuelle de façon privée.
Les opinions personnelles et politiques à propos des politiques relatives à votre expertise dans le domaine de la recherche ne sont pas autres choses que des opinions personnelles et politiques. Vendre de telles opinions comme contribuant à un consensus scientifique est loin d’être une plaisanterie.
Réfléchissant à tout cela, je me souvenais que j’étais un membre permanent du corps professoral – en principe, je pouvais faire ce que je voulais. Les recherches intellectuelles qui m’intéressent dorénavant sont :
- Une évaluation de la science du climat de façon appropriée à la prise de décision, avec une totale prise en compte de l’incertitude.
- Explorer les problèmes philosophiques de la science en rapport avec l’épistémologie des modèles climatiques, en rationalisant certains problèmes complexes.
- La prise de décision en cas de forte incertitude.
- La sociologie de la science et l’expérimentation des médias sociaux.
Quand j’ai débuté ma nouvelle orientation en 2010 et que j’ai publié des documents pouvant être considérés comme de la philosophie appliquée à la science (par exemple, l’incertitude, l’évidence, etc.), cela me semblait être la voie pour poursuivre ma légitimité académique à la lumière de mes nouveaux centres d’intérêt, mais franchement, je me suis ennuyée à jouer ce jeu. Pourquoi faire l’effort supplémentaire de publier des articles, en luttant avec les examinateurs qui (habituellement) connaissent moins que vous le sujet (sans parler de leurs préjugés), pourquoi devoir payer pour obtenir un article publié dans quelques mois, de sorte que peut-être 100 personnes vont le lire? Sans oublier les problèmes plus généraux liés à la gestion de la bureaucratie universitaire, du financement public, etc.
Ce à quoi s’ajoutent des questions plus généralement liées aux obstacles dressés par la bureaucratie de l’université, du financement public, etc.
Une fois que vous vous détachez de l’état d’esprit universitaire, la publication sur internet n’a pas beaucoup de sens, et l’examen sur le plan technique par des pairs par l’intermédiaire d’un blog est très peu étendu.
Même si l’examen par des pairs n’est pas vraiment le point crucial et que mon but premier était d’amener le lecteur à penser à de nouvelles façons de voir les choses. En d’autres termes, la science comme processus, et non comme une liste de vérités à appliquer.
À ce moment-là, je constate que je ne peux pas toucher les gens (y compris les étudiants et les jeunes chercheurs) via un média social.
Dois-je faire semblant de répondre à tout cela ? Eh bien non, mais j’espère que j’incitais quand même les étudiants et certains scientifiques à penser au monde réel en dehors de leur petite bulle.
Le monde réel
Tout cela a provoqué la chute de ma tour d’ivoire qui a commencé en 2005 et est maintenant terminée.
Je me suis intéressée à explorer de nouvelles et meilleures façons d’appliquer mes données météorologiques et climatiques, les informations météorologiques et les prévisions des scénarios climatiques futurs régionaux à l’appui de la véritable décision mondiale amenant à gérer les risques associés à la variabilité météorologique et climatique.
Je me suis intéressée à des applications il y a une décennie avec Peter Webster et j’ai créé une société Réseau Applications Climat Prévision (CFAN) pour cela.
J’ai passé toute ma pause hivernale à la création de ce site web en prenant en compte les suggestions de Larry Kummer et du renommé Fabius Maximus.
CFAN a commencé comme une start-up universitaire en 2006, et n’a pas eu d’employés à temps plein pendant plusieurs années. Nous employons désormais 7 personnes, des scientifiques, Peter et moi-même, ainsi que des ingénieurs logiciels, etc.
Avec ma retraite de Georgia Tech, nous faisons évoluer la société vers de nouveaux projets afin d’explorer de nouveaux développements produits prévisionnels et d’outils d’aide à la décision en visant de nouveaux marchés, de nouveaux partenariats, de nouvelles régions.
L’essentiel des revenus de la CFAN provient de prévisions météorologiques (jours, saisons.), avec quelques projets sur un développement futur de scénarios concernant le climat.
Je trouve tout cela extrêmement intéressant, stimulant et enrichissant. Sans tenir compte du temps considérable que cela prend (CFAN a besoin de gagner plus d’argent de façon à ce que nous puissions embaucher de personnes si elles ne sont pas prises en partie en charge par les autres gestionnaires et moi-même, tous portant beaucoup trop de casquettes). J’apprends beaucoup de choses sur l’aide à la décision, la gestion, le marketing et les ventes, la finance, etc.
À ce stade, le secteur privé paraît être un environnement plus ‘honnête’ que les universités ou les laboratoires du gouvernement pour un scientifique travaillant sur un domaine politisé – au moins lorsque vous être votre propre patron.
Médias sociaux
Que vont devenir mes actions via les médias sociaux (y compris Climate Etc.). Démissionner de mon poste universitaire et prendre un poste à plein temps pour gérer CFAN me laisse plutôt moins de temps pour blogger, au moins dans le proche avenir.
Je demeure très intéressée par les interactions permises par les médias sociaux. Cependant, sur l’année passée, j’ai consacré beaucoup moins de temps à écrire des articles originaux pour Climate Etc. Outre le fait d’être réellement occupée, j’ai consacré plus de temps sur twitter (qui consomme beaucoup moins de temps).
Je vais démarrer un nouveau blog pour CFAN, plus concentré sur la météo et les problèmes climatiques à plus courte échéance (je partagerai évidemment tout article pertinent avec Climat Etc.)
J’essayerai aussi d’écrire des articles plus fréquents, mais plus courts dans Climate Etc., avec de courts extraits et de brefs commentaires sur certains articles sur lesquels je twitte. Je m’appuierai sur des blogueurs invités pour fournir des analyses plus techniques. Donc j’ai tout à fait l’intention de continuer à faire marcher le blog, mais en sachant que j’ai un agenda très chargé.
Nous verrons comment cela marche, mais j’estime avoir gagné le droit d’explorer et de faire ce que je veux. C’est ma définition de la liberté académique (et je ne demande à personne de payer pour ça).
13 réponses à “Judith Curry en reconversion”
Pop
On peut dire que l’expression de Judith est plutôt modérée, mais chacun peut subodorer entre les lignes l’ambiance de terrorisme intellectuel qui règne dans le domaine de la science du climat au sein même du monde universitaire.
Les « scientifiques virtuels » du monde, et surtout des USA, ne sont pas bien dans leurs bottes ! Alors ils marchent…
Ils n’ont pas compris que seuls les faits réels sont leurs juges ! Mais comme ils sont dans un monde virtuel numérisé, ils s’illusionnent et ils protestent contre ceux qui résistent aux illusions.
http://mobile.francetvinfo.fr/…..google.fr/
Le traducteur a vieilli Judith, ce qui n’est pas très galant… En fait elle dit:
soit plutôt
tsih (#4),
Bien vu: chacun rectifiera.
Merci Scaletrans…!
A travers le GWPF, intervention de Judith Curry
http://www.thegwpf.org/content…..y-2017.pdf
Au sein du conseil académique consultatif figurent V.Courtillot et F. Gervais.
Claude C (#8),
Je corrige mon erreur:
pas F. Gervais mais plutôt C.Gerondeau
Claude C (#8),
Et Courtillot a démissionné il y a peu, leur site n’est sans doute pas à jour.
Nicias (#9), ??? Quand ? Motivations ?
Roby W (#10),
Nicias (#9),
Je serais aussi intéressé mais cela doit peut-être rester discret.
Je pourrais comprendre le malaise de Courtillot par rapport au GWPF qui est très « partisan » avant tout, et scientifique quand cela arrange ses intérêts.
A l’opposé du point de vue de Courtillot sur la théorie du RCA certainnement catastrophique.
J’avais cité un article académique de Jean-Baptiste Comby qui analysait les différences entre la France et les Etats-Unis sur les climato-realistes. C’était bien analysé, mais l’auteur appelle ensuite les scientifiques à changer la façon de politiser le RCA !
PS : je ne partage donc pas la totalité des analyses de JC Comby. Il a écrit un ouvrage intitulé « La question climatique: genèse et dépolitisation d’un problème public ». J’aurais préféré « La question climatique: genèse et politisation d’une question scientifique ».