A propos de la thèse « arctique chaud, continents froids »

En février 2018 alors qu’une vague de froid sévère traversait l’Europe, l’arctique a connu pendant plusieurs jours des températures anormalement élevées (supérieures de 25°C à la normale).

La vague de froid s’explique par une perturbation du vortex polaire associée à un réchauffement subit de la stratosphère, phénomène météorologique banal et récurrent.

Certains scientifiques veulent pourtant y voir  une confirmation de la thèse selon laquelle le réchauffement de l’arctique en affaiblissant le vortex polaire conduirait au refroidissement des continents,  théorie désignée en anglais par l’expression « Warm Arctic, Cold Continents ».

Pourtant minoritaire dans la communauté scientifique, cette thèse est néanmoins complaisamment relayée par la presse alarmiste qui cherche à accréditer dans l’opinion l’idée que les vagues de froid en Europe et en Amérique du nord sont une manifestation du dérèglement climatique. Ainsi  Le Figaro titrait récemment décembre 2017, « Les vagues de froid polaire sont bien liées au réchauffement de la planète ».

Qu’est-ce qu’un vortex polaire ?

Le vortex polaire est une zone de basses pressions située dans les couches élevées de l’atmosphère (entre 10 et 50 km d’altitude) qui encercle l’air polaire. Il arrive que pendant l’hiver, le jet stream est dévié de sa trajectoire par une zone de haute pression provoquant une advection de masses d’air froid vers les moyennes latitudes, comme illustré ci-dessous :

vortex

Source : Libre Belgique

 

La baisse soudaine d’activité hivernale du vortex polaire est un phénomène connu sous le nom de Réchauffement stratosphérique soudain, en anglais « Sudden Stratospheric Warming » (SSW) qui se traduit par une hausse de température brutale de la stratosphère (de l’ordre de 30 à 50 °C en quelques jours). Une partie du vortex peut alors descendre vers les latitudes plus basses et amener son dôme d’air très froid avec lui.

Un vortex polaire anormalement faible en hiver peut ainsi avoir des conséquences sur une grande partie de l’hémisphère nord : les températures moyennes sont globalement en dessous des normales dans les zones tempérées (Amérique du Nord et Eurasie) tandis qu’elles sont globalement supérieures aux normales au nord du cercle polaire Arctique.

Le réchauffement stratosphérique soudain (SSW) qui s’est mis en place fin févier a été intense et a complètement déstructuré l’intense tourbillon cyclonique habituellement présent en hiver au pôle dans la stratosphère comme l’explique le magazine Sciences Post.

Le réchauffement subit de la stratosphère, un phénomène météorologique banal

Un article publié dans la revue American Meteorogical Society  a étudié les occurrences des SSW de l’hémisphère nord pendant la saison hivernale sur la période 1958-2014. Les résultats varient en fonction de la méthode d’analyse utilisée (cf. diagramme ci-dessous) :

 

SSW

Source : American Meteorogical Society

 

Il en ressort néanmoins :

  • que la fréquence moyenne des SSW est de 6.7 événements par décennie (variant de 4 à 10 événements, selon la méthode d’analyse utilisée);
  • que la survenue des SSW est affectée d’une variabilité décennale significative dont la distribution dépend également de la méthode d’analyse utilisée.

En résumé, le réchauffement subit de la stratosphère est un phénomène météorologique banal et récurrent qui se produit en moyenne un hiver sur deux.

Diminution de la banquise arctique et vague de froid dans les latitudes inférieures : une théorie controversée

Certains travaux scientifiques cherchent à démontrer que la réduction de la banquise arctique affaiblit le vortex polaire provoquant des descentes d’air froid vers l’Europe.

Ainsi une étude récente (janvier 2018) conjecture que la fonte de l’arctique provoque des chutes de neige plus importantes en Sibérie, lesquelles favorisent la mise en place d’une zone de haute pression dans cette région. Cet anticyclone provoquerait  un transfert d’énergie de la troposphère vers la stratosphère conduisant à un réchauffement de la stratosphère et un affaiblissement du vortex polaire provoquant des vagues de froid en Amérique du Nord et dans le nord de l’Eurasie en hiver.

On le voit, le lien entre la réduction de la banquise arctique et l’affaiblissement du vortex polaire est ténu. Il est d’ailleurs controversé, la communauté scientifique s’accordant pour reconnaître que l’impact du réchauffement de l’Arctique sur le climat des plus basses latitudes est encore mal connu.  François Gourand, prévisionniste à Météo France, résumait ainsi la situation en 2014 : « Il y a des recherches dans ce sens mais pas de conclusion qui fasse consensus…la fonte de la banquise peut avoir des effets sur la circulation atmosphérique mais ces effets sont complexes à établir…Il n’y a pas de lien automatique entre la fonte de la banquise et des hivers plus froids : la tendance de la fonte de la banquise est là et pourtant il y a en Europe des hivers parfois doux, parfois froids ».

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1.  Usbek | 5/03/2018 @ 19:42 Répondre à ce commentaire

Un article sur le nouveau paradigme « arctique chaud, continents froids » qui est en train de s’imposer

2.  the fritz | 5/03/2018 @ 20:03 Répondre à ce commentaire

Usbek (#1),
C’est qui URATE; j’ai beau chercher , je n’ai trouvé que des liens vers le pipi

3.  Bernnard | 5/03/2018 @ 20:15 Répondre à ce commentaire

Usbek (#1),
Merci de ces précisions. Les dynamiques des dépressions et des anticyclones polaires sont en effet un champ d’investigation pour la recherche climatologie naissante et prétendre sans autre forme de procès que le refroidissement européen récent est un signe de la validité du réchauffement climatique est pour le moins un raccourci suspect.

4.  Bernnard | 5/03/2018 @ 20:30 Répondre à ce commentaire

Je mets ici en lien deux références de Wiki qui permettent d’ appréhender ces mécanisme dynamiques polaires. Je laisse le soin à ceux qui sont spécialiste de critiquer ces références.
Vortex polaire
Anticyclone thermique

5.  AntonioSan | 5/03/2018 @ 21:54 Répondre à ce commentaire

Un minimum de serieux consisterait a observer l’evolution des situations synoptiques qui creent des agglutinations anticycloniques… Utiliser les images satellites qui montrent les deplacements de masses d’air au cours du temps, leur origine etc… Mais hein, basta.

6.  AntonioSan | 5/03/2018 @ 22:05 Répondre à ce commentaire

AntonioSan (#5), La Libre Belgique ca c’est de la reference. Il suffit de regarder les cartes isobares de les comparer aux images satellites afin de demonter cette illustration.
En effet basta!

7.  Abitbol | 6/03/2018 @ 7:57 Répondre à ce commentaire

M’enfin, c’est pas comme si les chauffards nous avaient jamais déjà fait le coup.

8.  Hug | 6/03/2018 @ 12:14 Répondre à ce commentaire

Tony Heller évoque aussi ce sujet sur son blog :
https://realclimatescience.com/2018/02/science-cold-is-the-new-hot/
Intéressant, notamment l’article du TIME de 1974.

9.  scaletrans | 6/03/2018 @ 18:45 Répondre à ce commentaire

Hug (#8),

Un habitué de Skyfall m’a envoyé l’article qu’il a traduit en français. Le staff va sans doute le diffuser ces jours-ci.

10.  Dioex | 7/03/2018 @ 14:55 Répondre à ce commentaire

Cet article qui a été plublié dans Nature geoscience met bien en évidence la cause première de l’affaiblissement du votex polaire au cours du dernier millenaire:

http://discovery.ucl.ac.uk/142.....npress.pdf

11.  Nanuq | 7/03/2018 @ 16:45 Répondre à ce commentaire

Bonjour ^^, Je vous avais dit qu’ en fin février qu’il y aurait de belles choses..
Désolé, je n’arrive pas à mettre de liens..
Nanuq (#199),
http://www.skyfall.fr/2017/10/...../#comments
Un SSW (réchauffement strato soudain) provient de la propagation MJO et de l’onde qu’elle créé.
http://onlinelibrary.wiley.com.....53144/full

Pour faire simple, la MJO est une convection qui se trouve dans le pacifique équatorial Ouest. Plus elle est convective, plus elle se propage vers le Nord, influençant le jet-stream durant l’hiver. Ces remontées chaudes buttent sur le continent ricain, créant une onde de gravité qui se propage de la troposphère vers la stratosphère et redescend de la stratosphère vers la troposphère.

Pour le 26 février, après une convection MJO importante, l’onde redescend de la stratosphère vers la troposphère:
De 1 hpa à 10, à 100 et à 500hpa:

https://image.noelshack.com/fichiers/2018/07/7/1518943879-capture-d-ecran-2018-02-18-a-09-50-31.png

En image, c’est toujours mieux…

https://image.noelshack.com/fichiers/2018/09/1/1519653129-capture-d-ecran-2018-02-26-a-14-51-01.png

Et l’interaction du SSW sur la descente d’air froide sur l’Europe qui capote merdiquement à cause d’une goute froide mal placée (on était censé se prendre deux semaines de froid).

http://images.meteociel.fr/im/.....t_caa5.gif

Rien a voir avec le RC! Que du naturel, tout est bio ! ^^,

Nanuq

12.  Araucan | 8/03/2018 @ 23:50 Répondre à ce commentaire

Voir également le témoignage d’un résident en Laponie sur le site de Benoît mettant en cause les mesures satellite dans ces zones ( inversions de température).
https://mythesmanciesetmathematiques.wordpress.com/2018/03/08/sur-le-redoux-dans-larctique/#more-15418

13.  scaletrans | 9/03/2018 @ 10:29 Répondre à ce commentaire

Araucan (#12),

Spin doctors du climat ? L’expression me plait, et semble proche de la vérité. Mais on va me traiter de complotiste…

14.  Araucan | 9/03/2018 @ 18:49 Répondre à ce commentaire

scaletrans (#13),
Il n’est pas nécessaire d’etre complotiste pour constater :
1) des sorties opportunes de rapports ou d’articles avant certains rendez-vous politiques, hors rapports commandés explicitement pour ces RDV.
2) la capacité de certains à expliquer des phénomènes par le RCA quelques soient ces phénomènes parfois jusqu’à l’absurde.
NB : je n’avais jamais entendu parler de ces pb de mesures satellite dans les hautes latitudes. Il est est vrai que la confusion permanente faite entre la réalité et les modèles, y compris météo dans le présent exemple, aboutit normalement à ce que cela se voie…

15.  Jennylight | 18/03/2018 @ 22:09 Répondre à ce commentaire

Merci Usbek, toi également