ZEBRA2020, la fin des factures de chauffage

Dans un article récent, Benoît Rittaud faisait part du décalage entre l’opinion publique telle que rendue par un sondage commandé par la Commission européenne et la part du budget de l’Europe consacrée au climat. 20% des dépenses de l’Europe pour lutter contre le réchauffement. Peut-être, je n’irai pas vérifier. 20% de moins de 1% du PIB européen c’est franchement pas grand chose. L’Europe n’a pas de budget important, ce n’est pas comme ça que ça se joue.

ZEBRA2020. Vous connaissez ? C’est pas un film de science fiction. C’est le nom du projet de la commission européenne concernant votre maison ou votre appartement. La commission européenne ne réglemente pas que votre chasse d’eau, elle sait aussi comment doit être votre logement :

RECOMMANDATION (UE) 2016/1318 DE LA COMMISSION
du 29 juillet 2016
concernant des lignes directrices destinées à promouvoir des bâtiments dont la consommation d’énergie est quasi nulle et des meilleures pratiques garantissant que tous les nouveaux bâtiments seront à consommation d’énergie quasi nulle d’ici à 2020

Je cite un papier parmi d’autre, il n’a rien de singulier. Vous pouvez flairer une bonne nouvelle, plus de facture d’énergie, plus de lignes électriques, plus de conduites de gaz etc… que du bonheur. Oui, on se doute bien qu’il y a un lièvre. Heureusement il y a le « quasi », la commission n’exclue pas que vous ayez envie de recharger votre téléphone de temps en temps. Notez que c’est « tous les bâtiments », par exemple, si vous allez au restau, vous mangerez froid des boites de conserves.

Ce délire commence par le traité régissant le fonctionnement de l’Europe. Vous avez voté pour, ou pas, nos élites s’en foutent de toutes façons. L’article 194 dit :

la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie vise […] à promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables

Pourquoi pas. On a 600 pages qui disent ce que l’Europe peut faire ou pas. Donc la Commission peut régir votre consommation d’énergie. Elle est pas obligée, mais elle peut. Elle peut aussi s’assoir sur le principe de subsidiarité puisque l’idée qu’on ait pas besoin d’elle lui est étrangère, il suffit que nos dirigeants se laissent faire.

Promouvoir l’efficacité énergétique, qui pourrait être contre ? Moi, je suis pour. Un petit pas pour l’homme, oui. Un bond de géant dans la lutte contre le réchauffement, aarrgggg…

La plus vielle directive que j’ai lu sur le sujet date de 2010. Il y est clairement expliqué le pourquoi de ce délire:

les mesures prises pour réduire la consommation d’énergie dans l’Union permettraient à l’Union de se conformer au protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), et de tenir à la fois son engagement à long terme de maintenir l’augmentation de la température mondiale en dessous de 2 °C » et son engagement de réduire, d’ici à 2020, les émissions globales de gaz à effet de serre d’au moins 20 % par rapport aux niveaux de 1990, et de 30 % en cas de conclusion d’un accord international.

L’accord international en question a tardé à voir le jour et heureusement. Il est impossible que l’Europe tienne un objectif de réduction de ses émissions en 2020 de 30%. C’est pas grave, on a promis 40% pour 2030 à Paris.

La vrai échéance, c’est 2050 et la « quasi » « neutralité carbone ». Pour ça « tous les bâtiments doivent être à consommation d’énergie quasi nulle d’ici à 2050 » [nZEB en jargon européen, « Nearly-Zero Energy Building »]. Alors il faut commencer maintenant et la patience de la commission s’arrête en 2021, voir 2019 pour les bâtiments publics. Il y avait d’autres solutions mais c’est ce qui a été décidé.

Mais qu’est-ce que donc un nZEB ? J’en sais rien. En général c’est une maison bien isolée avec des panneaux photovoltaïques. En hiver elle consomme de l’énergie et l’été elle produit plus qu’elle ne consomme et « exporte » son surplus. Sur l’année elle « importe » autant qu’elle « n’exporte » et on peut prétendre qu’elle ne consomme rien.

Normalement, c’est le genre de choses qu’on trouve dans un cabinet de curiosité. Par une sorte de biais du survivant, pour la Commission « la technologie est disponible et éprouvée » et 100% des bâtiments doivent être des nZEBs en 2020.  Elle a fait une directive en ce sens en 2010 et comme en cette fin 2017 les nZEBs restent des curiosités, elle refait une directive en discussion en ce moment même.  Mais qu’est qu’une nZEB pour la commission ? Bah je ne sais pas et personne n’en sait rien, et c’est tant mieux. Désunie dans sa diversité, l’Europe n’a pu se mettre d’accord sur une définition. Cela n’empêche pas les lamentations à Bruxelles :

Notre analyse indique cependant qu’une part significative des définitions de nZEB [des Etats membres] ne répond pas à l’intention de la directive européenne sur les bâtiments à haut rendement énergétique (EPBD), à savoir que la consommation d’énergie devrait être «presque nulle ou très faible» et que la partie restante «devrait être couverte dans une très large mesure par l’énergie produite à partir de sources renouvelables « 

Donc nouvelle directive…

Ce n’est pas parce qu’un objectif est débile et impossible à atteindre qu’on ne peut pas faire des efforts et essayer, et c’est le problème. Des maisons qui consomment peu et équipées de pv vous en aurez, enfin si vous en avez les moyens, ce sera obligatoire. Vous deviendrez producteurs d’énergie à l’égal d’EDF. La rationalité économique de l’idée n’est pas très claire pour moi. Mes bouquins parlent plutôt de spécialisation des acteurs, d’économies d’échelles et de tout un tas d’autres concepts vieillots.

Tous les bâtiments on a dit, donc l’ancien aussi. Bilans énergétique obligatoire, et si votre passoire thermique déplait, il faut faire des travaux. Pour le moment, on ne vous tord que le petit doigt, pourquoi en serait-il autrement ?

L’analyse des rapports d’optimalité en fonction des coûts prévue par l’article 5 de la directive PEB indique que la transition entre optimalité en fonction des coûts et NZEB peut s’effectuer en douceur

Soit, ceci dit on s’impatiente à Bruxelles puisque les nZEBs « restent rares » dans l’UE selon le site de ZEBRA. Nos objectifs climatiques doivent être tenus, alors la commission pense et réglemente.

Les cinglés qui nous gouvernent ont l’idée de mettre des capteurs partout pour surveiller votre consommation d’énergie, c’est dans la directive et ce sera transposé dans le droit national, si elle passe telle quelle.

Au final, c’est 0€ pour le budget européen dixit la Commission. C’est pas rien pour les budgets nationaux. La Commission vend d’ailleurs sa nouvelle directive en prétendant qu’elle fera économiser 850 millions d’€ de « couts administratifs » aux Etats par rapport à la précédente version. Je me pose la question, si on supprimait purement et simplement la directive précédente, combien économiserai t-on en bureaucratie ?

Mais bien sur le vrai cout de tout ça est pour le particulier et les entreprises. Dans son scénario le plus ambitieux, la commission parle de 250 milliards pour l’Europe. Si je prend une rénovation thermique telle qu’elle sont pratiquées en France, c’est de l’ordre de 30000€, ce qui ne produit pas évidement une nZEB miraculeusement. Environ 2 personnes par ménage en France, 65 millions d’habitants donc 30 millions de logements à la louche à rénover, je tombe sur 900 milliards d’€.

Il faudrait rajouter le cout pour tous les bâtiments commerciaux, industriels et publics. Comment transformer la tour Montparnasse en nZEB, combien ça coute ? Aucune idée et je n’en vois pas l’intérêt.

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51.  Christial | 23/10/2017 @ 18:29 Répondre à ce commentaire

Nicias (#42), Mouais…

Si, si, je persiste.
Dans du neuf il faut chiffrer le cout marginal de quelques cm d’isolant en plus ( et élargir un peu les murs pour compenser la perte de surface habitable) .
Ce cout est faible, il suffit de comparer sur une site de GSB le prix d’un isolant entre 12 et 18 cm par exemple.

Et oui la RT 2012 est totalement loufoque, elle pousse et c’est positif à avoir une meilleur bâti, pourquoi pas pousser jusqu’à du passif mais exige, un système de chauffage par pièce et régulé automatiquement. Moins on a besoin de chauffage plus il faut investir lourdement !
Exception pour un plancher chauffant régulé par niveau (d’où leur extension) ou un chauffage régulé à bois et encore avec une limite de calcul à 100 m² .
Autre point, il faut désormais stocké tout le bazar, (pompe à chaleur, ballon thermo) dans la partie habitable, autrement plus couteuse au m2 que la partie garage.
Article 22 : http://www.rt-batiment.fr/file.....1_0046.pdf

Et le ministère de l’Ecologie solidaire (c’est très pastèque comme dénomination) de mettre en avant les économies permises par cette réglementation !
Il a oublié de calculer le temps de retour sur investissement, en fait infini pour cause d’obsolescence des équipements.
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Construction%20d%E2%80%99une%20maison%20individuelle%20-%20R%C3%A9duire%20vos%20d%C3%A9penses%20%C3%A9nerg%C3%A9tiques%20en%20respectant%20la%20r%C3%A8glementation%20thermique%20RT%202012%20-%20R%C3%A9%C3%A9dition%20Avril%202013.pdf

52.  Nicias | 24/10/2017 @ 6:53 Répondre à ce commentaire

Dans ses écrits, un sage Italien
Dit que le mieux est l’ennemi du bien ;
Non qu’on ne puisse augmenter en prudence,
En bonté d’âme, en talents, en science ;
Cherchons le mieux sur ces chapitres-là ;
Partout ailleurs évitons la chimère.

[…] Ce nouveau système, parfait dans sa théorie, était inapplicable en pratique et se solda par un échec. Comme on dit, le mieux est l’ennemi du bien

Voltaire, qui ne chiffre rien des conséquences de la RT 2012, et c’est ennuyeux. certes.

53.  lemiere jacques | 24/10/2017 @ 7:37 Répondre à ce commentaire

patilleverte (#45),

la biomasse est surtout une ressource finie qu’on a toujours utilisé.On a pas à le promouvoir, les gens le savent..par contre il ne fera pas le job du fossile. Et vous comprenez il va falloir mettre en place des contrôles pour que les gens ne gaspillent pas cette ressource finie. N’appartient elle pas à tout le monde d’ailleurs.
Le bois ne demande aucun travail pour pousser ..c’est gratuit… comme le petrole..mais comme quand tu auras coupé un arbre tu auras un zig qui viendra t’expliquer que c’est un peu son arbre, il te demandera une part , alors si l’idée peut un peu se défendre car la terre n’appartient effectivement à personne tu auras surtout un type qui aura du bois coupé sans avoir remué le petit doigt pour le couper , et sans avoir rien fait pour le faire pousser..la rente environnementale en somme.
C’est une variante à la situation ou tu savais que tu devais consacrer une partie du bois pour « défendre » ton travail contre les voleurs et les pillards.

54.  lemiere jacques | 24/10/2017 @ 7:59 Répondre à ce commentaire

quand des idiots pensent que l’échange est en soi la source de tous les maux…
je propose que chaque immeuble produise aussi sa propre nourriture…
et que chaque immeuble produise les materiaux et l’énergie utilisés pour sa propre construction. euh…

ce sera un merveilleux spectacle ou de voir une personne excédentaire en énergie ne pas pourvoir en donner librement à celui qui en manque . Je suppose qu’il ne faudra pas tirer une rallonge électrique mais construire un couloir en dur et faire une due déclaration en mairie pour signifier que de deux immeubles on en a un.

bon ensuite, des décisions politiques stupides c’est la norme, mais..vous souvenez vous avoir jamais voté pour une personne proposant une telle mesure?
Mieux allez voir votre député européen ou non si possible de la majorité et demandez si lui est d’accord avec cette mesure et si il a voté pour.

Personne ne réagit à plus, ou ne demande d’où sortent ,ces mesures..

Je viens dans mon entourage d’avoir une exemple de démocratie locale…où un proche a voté oui à une mesure proposée qui’ désapprouvait pour la raison que si lui et la majorité présente votaient non , la mesure serait quand même appliquée par l’autorité du préfet et surtout que ce dernier prendrait note de leur mauvaise volonté et que ça pourrait avoir des conséquences. par la suite…

55.  lemiere jacques | 24/10/2017 @ 8:03 Répondre à ce commentaire

est ce valable pour les sdf? n’est ce pas un comportement anti ecocitoyen que de se coucher sur une sortie d’air chaud d’un immeuble pour se réchauffer?

56.  amike | 24/10/2017 @ 8:33 Répondre à ce commentaire

lemiere jacques (#54),

quand des idiots pensent que l’échange est en soi la source de tous les maux…
je propose que chaque immeuble produise aussi sa propre nourriture…
et que chaque immeuble produise les materiaux et l’énergie utilisés pour sa propre construction. euh…

Un igloo ! j’ai gagné ?

57.  Herté07 | 24/10/2017 @ 12:47 Répondre à ce commentaire

Christial (#51),

la RT 2012 pousse et c’est positif à avoir un meilleur bâti

Pas toujours, la pose de panneaux PV permet de diminuer la qualité de l’isolation, la performance énergétique étant basé sur la consommation du bâtiment production PV déduite!

58.  Bernnard | 24/10/2017 @ 13:21 Répondre à ce commentaire

amike (#56), Herté07 (#57),
Je crois que les progrès à venir dans l’isolation du neuf essentiellement se feront peut-être par l’utilisation des matériaux à changement de phase.
https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/pour-une-climatisation-passive-des-batiments-les-materiaux-a-changement-de-phase-6881/
Certains sels solubles dans l’eau présentent de bonnes chaleurs latentes de dissolution ou bien quand ce sont des cristaux hydratés, de bonnes chaleurs latentes de fusion.
Les candidats et les techniques de mises en œuvre sont ouverts. Le coût est un élément limitant. Et il faut bien le constater, ce n’est pas une technique répandue.
Si certains, ici en ont utilisés, je suis intéressé par un avis

59.  papijo | 24/10/2017 @ 13:49 Répondre à ce commentaire

Bernnard (#58),
D’un point de vue « théorique », vous avez certainement raison. Mais, pour que cela devienne réalité (en l’absence de subventions et incitations / règlementations diverses), il faudrait au moins que ces sels restent stables sur des durées relativement longues, comparables à la durée de vie d’une isolation, par exemple au-delà de 50 ans. Est-ce le cas ?

D’autre part, vu leur prix, je pense que ces sels devraient d’abord se développer sur de plus petits volumes, par exemple dans des radiateurs à accumulation ou à inertie, or, ce n’est pas le cas, pourquoi ?

Enfin, on voit que par exemple un produit stable et extrêmement bon marché tel que l’eau du robinet ferait un très bon matériau à changement de phase adapté aux réfrigérateurs (en vue d’un fonctionnement « jour / nuit » par exemple), mais cette solution n’a à ma connaissance jamais été généralisée. Les problèmes liés à la prise en compte des variations de volume lors du changement de phase y sont certainement pour beaucoup, j’imagine que ces mêmes problèmes existent avec les sels et que cela fait fuir les constructeurs éventuels !

60.  lemiere jacques | 24/10/2017 @ 18:12 Répondre à ce commentaire

Bernnard (#58), pour du neuf pour l’isolation , ça va.. pour de l’ancien c’est un calcul de nature économique et spéculatif sur le(s) prix de l’énergie.
pour des logement qui produisent leur propre énergie…on fait un pas dans la stupidité…
qui d’ailleurs va payer pour tirer une ligne si en théorie personne n’achète de jus?.
si il s’agit de logement produisant autant d’energie qu’ils en consomment, c’est toujours du n’importe quoi.

61.  Sonis | 25/10/2017 @ 12:48 Répondre à ce commentaire

Bonjour : ce qui me fait bondir…..
« En hiver elle consomme de l’énergie et l’été elle produit plus qu’elle ne consomme et « exporte » son surplus » : en gros, cela ne sert à rien : elle consomme quand on est en pénurie et que tous le monde consomme, elle produit quand on sait plus quoi faire de l’énergie ! Formidable….

Quand au surcoût, on parle de 300 € /m2, c’est pas une paille, et pas de 18 cm de laine mais de 30 minimum + pare vapeur…..

62.  Herté07 | 26/10/2017 @ 19:23 Répondre à ce commentaire

Sonis (#61),
La paille est, avec le bois, un excellent matériaux pour la construction neuve d’habitation économe en énergie surtout si on tient compte de l’énergie « grise » (énergie utilisé pour fabriquer les matériaux) 😉

63.  דוב קרבי dov kravi | 6/11/2017 @ 9:45 Répondre à ce commentaire

Herté07 (#62), Il faudra alors trouver un moyen de récupérer l’énergie produite lors des futurs incendies monstrueux. Nul doute que la Commission y pourvoira.

64.  lemiere jacques | 7/11/2017 @ 7:29 Répondre à ce commentaire

et il ne faut pas oublier que l’on va dépenser beaucoup d’énergie fossile pour éviter de consommer les énergies du futur qui ,rappelons le si j’en crois la propagande pardon les avis d’experts, seront quasi gratuites et propres.
L' »isolation reste un calcul économique où la spéculation sur le prix de l’énergie à venir est essentielle.

on va avoir plein de voitures électriques ET on va diminuer la production électrique..
on va réduire la productivité agricole ET augmenter la surface des cultures dédiées à la biomasse..
on va économiser une énergie qui sera moins chère…
Et on va criminaliser le scepticisme , bien sûr.

65.  Murps | 7/11/2017 @ 19:11 Répondre à ce commentaire

Mais… Ne peut-on pas laisser les gens décider eux mêmes de ce qui est bon et adapté à leur logement, leurs revenus et leur mode de vie ?
Les normes de sécurité, ça me va, mais les normes de consommation…

66.  lemiere jacques | 8/11/2017 @ 7:29 Répondre à ce commentaire

Murps (#65), plus exactement ne peut on pas laisser les gens être responsables de leurs choix et donc de leur succès et erreurs que d’espérer que des branquignols parce qu’ils sont élus ne font pas de conneries…
les politiques ont quand m^me un avantage…ils peuvent faire en sorte que certaines de leur prédictions se réalisent..