• • • • •
Un décryptage fascinant par le Spiegel de l'échec de Copenhague, avec des enregistrements audio exclusifs des tractations secrètes entre chefs d'état pour obtenir des pays émergents un engagement chiffré sur la réduction des émissions de CO2. Sous-titrage par skyfall.fr.
Transcription :
00:00 Sommet du Climat de Coppenhague
00:04 Plus de 190 pays ont voulu sauver le climat mondial ici en décembre 2009
00:08 Mais le résultat a été un compromis bancal sans objectif chiffré
00:14 Voici des enregistrements exclusifs qui révèlent les négotiations secrètes entre dirigeants
00:21 et qui montre comment le sommet a finalement été un échec
00:25 Vendredi après-midi, 18 décembre 2009,
00:28 les 25 plus importants chefs d'état sont réunis
00:32 pas dans le hall de conférence mais dans la petite salle de séminaire "Arne Jakobsen"
00:37 Autour des biscuits et de l'eau minérale, les chefs de l'état veulent discuter sur un brouillon du traité sur le climat
00:43 La Chancelière Merkel veut accélérer les choses
00:45 Lars, qu'est ce qu'on attend ?
00:49 L'organisateur du meeting, Lars Lokke Rasmussen signale enfin le début de la partie de poker
00:53 Je pense qu'on doit discuter maintenant sur les objections majeures
01:03 Un brouillon du traité climatique est aux mains de chaque chef d'état
01:07 Mais les deux chiffres les plus importants,
01:11 les réductions de CO2 pour 2020 et 2050 sont pour l'instant remplacés par x et y
01:17 Merkel prend l'initiative :
01:20 Bon, on doit le faire et si tout n'est pas fait aujourd'hui,
01:27 alors nous devons au moins dire : avant 4 semaines
01:32 Parce ce qu'on ne peut pas rentrer et dire de belles choses,
01:36 en laissant x et y encore un an ou plus
01:39 Mais le négociateur chinois He Yafei joue la montre :
01:43 Pour être honnête, nous serons très prudents, parce que nous devons lire ligne par ligne,
01:48 peut-être colonne par colonne
01:50 Nous devons faire cela.|Merci Monsieur le Président.
01:53 Le représentant indien prend alors la parole
01:57 Les objectifs chiffrés de réduction de CO2 sont ce que veulent les Européens,
02:01 mais l'Inde n'y est pas préparée
02:04 Les chiffres doivent être fixés selon les groupes et discutés lors de la prochaine conférence au Mexique
02:10 Nous avons répété tout au long, ne décrétez pas les options
02:14 Pourquoi décréter les options ? Je voudrais dire que, en ce qui concerne l'Inde,
02:20 il s'agit de présenter les résultats de ce travail dans une forme appropriée,
02:25 en tenant compte de la 16e session de la conférence des parties
02:32 La Chancelière Merkel : "donc, vous ne voulez pas d'obligation légale"
02:36 Le représentant indien : "pourquoi vous voulez une décision préétablie ?
02:38 Depuis le début, on a dit : jamais de décision préétablie,
02:40 et maintenant, vous décrétez les options. Ce n'est pas juste"
02:43 C'est maintenant clair : avec la Chine, le Brésil et l'Afrique du Sud, l'Inde s'est mise d'accord
02:50 le matin, lors d'une rencontre à huis clos, sur une stratégie de blocage
02:53 Ils veulent éviter des objectifs de réductions concrets pour 2020 et 2050
02:58 La Chine aussi, l'a dit clairement de nouveau :
03:00 "je suis surpris de voir que 2050 est encore là,
03:04 nous avons très clairement signifié notre objection ce matin"
03:08 Les Européens se doutent maintenant qu'ils sont les perdants avec leur demande
03:12 Mais ils continuent de se battre. Gordon Brown intervient :
03:16 "Je pense qu'il est important de reconnaître ce que nous essayons de faire ici,
03:20 Nous essayons de distinguer les réductions pour 2020 et 2050
03:27 C'est la seule manière pour nous de justifier notre présence,
03:30 et c'est la seule manière pour nous de justifier l'argent public qui a été dépensé
03:34 c'est la seule manière pour justifier notre recherche pour obtenir un traité
03:38 Je pense qu'il est très important de reconnaître que nous devons avoir des objectifs pour 2020 et 2050"
03:46 La Chancelière Merkel soutient son homologue et suggère un compromis :
03:50 "Je pense que c'est une bonne approche et je ne sais pas ce qu'en pense la Chine,
03:55 mais je voudrais faire une offre spéciale aux Chinois.
03:59 Si nous nous référons ici au rapport du GIEC, nous pourrons aussi dire,
04:06 nous avons besoin d'une réduction de 50% pour 2050
04:12 et une réduction de 25% à 40% pour 2020.
04:19 Donc vous devez prendre votre part et nous notre part.
04:23 Et nous avons tous penser à ce que nous faisons.
04:30 Est ce que cela convient à la Chine ?"
04:34 La réponse du négociateur chinois He Yafei est polie mais sans équivoque
04:41 "Merci pour toutes ces bonnes suggestions
04:45 Mais vous l'avons dit plutôt clairement que l'objectif des 50% de réduction ne peut pas être accepté"
04:52 Le président français Nicolas Sarkozy en a assez
04:56 En français, il s'insurge contre le blocage chinois
04:59 "C'est absolution inacceptable,
05:04 et ce n'est pas l'esprit de négociation
05:06 Vous savez que les pays les plus pauvres
05:09 n'auront pas les moyens que les pays riches sont prêts à mettre sur la table
05:14 pour la seule raison que vous ne voulez pas assumer un engagement à 50%
05:19 Nous sommes en désaccord seulement sur l'essentiel, ne pas le reconnaître c'est de l'hypocrisie
05:29 Le président Barrack Obama intervient dans la discussion
05:33 Il dit aux Chinois d'avancer également,
05:37 sans quoi, les pays industrialisés ne seraient pas prêts à faire des sacrifices
05:41 "Il y a une corrélation directe entre ces problèmes d'objectifs et d'engagement carbone et le financement
05:50 Vous ne pouvez pas séparer l'un de l'autre
05:52 Vous ne pouvez pas obtenir le financement sans une contrepartie
05:57 qui rassurerait le peuple américain que nous ne serons pas les seuls à nous engager"
06:01 Mais Obama l'a signifié clairement également : il ne va pas continuer à assister à ces marchandages plus longtemps
06:07 "Nous essayons d'avancer et de résoudre ces autres problèmes.
06:10 Et je dis que, je suis confiant que, je pense que la Chine désire encore un accord, comme nous.
06:17 L'alternative maintenant serait une rupture des négociations et je pense que ce serait très contreproductif,
06:23 Parce que Nicolas [Sarkozy] ne va pas rester jusqu'à demain
06:26 Je veux juste que vous le sachiez
06:29 Parce que nous tous, de toute évidence, avons des choses extraordinairement importantes, des affaires qui nous attendent"
06:34 Mais He Yafei n'entend pas céder à la pression
06:36 Au contraire, il blâme sur les pays industrialisés :
06:41 "J'ai entendu le président Sarkozy parler d'hypocrisie
06:46 Je pense, j'essaye d'éviter de tels mots.
06:50 J'essaye les arguments et le débat sur la responsabilité historique
06:57 Les gens tendent à oublier d'où vient ce problème
07:01 Au cours des 2 derniers siècles d'industrialisation, les pays développés ont contribué à plus de 80% des émissions
07:09 Ceux qui ont le plus gros problème sont ceux qui sont responsables de la catastrophe qui nous arrive"
07:18 La négociation semble s'enfoncer dans une impasse
07:23 Aucun des deux camps ne fait de concession
07:28 Finalement, le négociateur chinois demande une pause
07:30 J'ai une question d'ordre procédurale.
07:34 Je demande une suspension de deux minutes de la présentation
07:39 Nous avons besoin d'un peu de temps pour nous concerter"
07:42 Lars Rasmusen : "oui, nous devrons tous suspendre la réunion…"
07:47 Mais la réunion ne reprendra pas
07:50 En fait, la Chine, l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud se rencontrent secrètement dans une autre salle et s'arrangent entre eux
07:56 Quand soudainement, le président Obama intervient dans la réunion, ils sont arrivés déjà à un accord, sans les Européens
08:02 Le sommet prend fin finalement. Les objectifs spécifiques de réduction sont toujours absents dans le contrat
08:10 Un compromis qui ne déçoit pas que les scientifiques du climat
08:13 Le sommet chaotique de Copenhague a échoué
08:17 Maintenant, le monde met ses espoirs dans la prochaine conférence au Mexique
08:21 Ce qui se passera en Novembre à Cancun ne concernera pas des blocages sur les tournures mais notre planète.
08:31 Version française par skyfall.fr